Le Liban, ravagé par plus de vingt années de guerre et retombant actuellement dans un conflit menaçant présente des spécificités propres tant historiques que culturelles, ethniques et religieuses qui peuvent par certains aspects expliquer son instabilité. Ainsi le régime politique adopté, la démocratie consociative est très révélatrice des tensions et contraintes qui enserrent la société libanaise.
La démocratie qui se veut le régime dans lequel le pouvoir appartient au peuple (« le pouvoir du peuple ») et est exercé par lui-même, est dans son acception contemporaine, pour le doyen Favoreu, le régime dans lequel les gouvernés exercent le pouvoir le plus souvent en désignant ses représentants mais également en les contrôlant et en s'assurant du respect de la volonté générale. La démocratie se décline en divers types.
Le concept démocratie consociative, qui évoque l'un des types de démocratie, veut rendre compte du fonctionnement de démocraties porteuses de trois caractéristiques. D'une part, la population est segmentée en plusieurs communautés différenciées par des facteurs religieux, ethniques, linguistiques ou idéologiques. Les fractures que ces segmentations inscrivent dans la société sont irréductibles, chacun les perçoit sans peine, où qu'il se situe dans le social. De plus, au sein de chacun des segments ainsi constitués, la cohésion interne est grande. L'autorité des élites endogènes s'exerce ou s'est exercée sur toute la communauté. Enfin, le compromis et la négociation entre les élites de chacune des communautés sont institutionnalisés et constituent la forme essentielle de pilotage du pays.
Ce terme a été et est encore employé par certains auteurs pour désigner le régime en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Suisse.
Le régime institué au Liban et mis en place dès 1943 était fondé sur le dépassement des confessions pour créer l'unité de l'état, éclaté entre les différentes origines ethniques et confessionnelles. Ceci en considérant les dispositions du pacte transitoires, et en misant sur le fait qu'un jour l'élection des hommes politiques se ferait en fonction d'un projet politique et non d'une appartenance à une communauté.
Problématique : L'instabilité profondément ancrée au Liban ayant ravagé le pays, doit-elle être mise sur le compte du régime politique ? Celui-ci est-il adapté en tant que régime démocratique à la situation au Liban et les conflits récents n'ont-ils montré les limites inhérentes du système ?
Hypothèse : La démocratie consociative a été conçue pour répondre à une situation de grandes diversités des communautés composant la société libanaise et dans le but de tenir compte de leurs spécificités ; cependant elle s'est révélée incapable de répondre aux difficultés que cette diversité a suscité et d'empêcher les conflits communautaires.
Plan : La démocratie consociative mise en place au Liban permet la participation des multiples communautés par leur participation au système politique (I). Cependant, incapable de parvenir à un dépassement du critère communautaire et victime d'une pratique déviante des institutions, elle n'a pu empêcher l'échec du régime (II).
[...] Pour exemple, les débats concernant l'irrigation sont révélateurs. Ces débats portant sur la ligne côtière où placer le futur barrage dissimule des intérêts privés, la compétition entre les chefs d'entreprise du BTP et les propriétaires terriens. Ces affaires sont marquées par une absence de réelle discussion, l'État ne souhaitant pas trancher, pour ne pas s'attirer les critiques et l'opposition de l'une des parties. Le sociologue Michel Seurat interrogeant en 1983 un chef de bande dans un quartier de Tripoli concernant les raisons de son insoumission à l'État se vit répondre par ce dernier : Si seulement il y avait un État ! [...]
[...] Ce pacte établit un mode de gouvernement démocratique, en fonction d'un accord de répartition des charges de l'État selon la répartition démographique de la population des communautés (c.f. infra). Établi à partir du recensement de 1932, rapportant les communautés chrétiennes majoritaires, le Pacte maintient de fait leur prédominance, en particulier celle de la communauté maronite plus importante en nombre. C'est ainsi la consécration du principe d'équilibre intercommunautaire, censé garantir une démocratie pluraliste. Ce faisant, le pacte national confirme les communautés comme entités premières. [...]
[...] La démocratie grippée par le système clientéliste 1. Une absence de renouvellement des institutions Le Parlement libanais est associé à une sorte de club Le Parlement est très marqué par son caractère figé et clanique. Des critères objectifs président à sa composition. Les députés sont en moyenne âgés (plus de cinquante ans pour une très large majorité), ceci alors même que la population du pays connaît un rajeunissement notable. Lorsqu'ils sont rarement- jeunes, ils sont fils de notables ayant hérité du siège familial. [...]
[...] Les Druzes, eux, sont fidèles à une organisation féodale. Enfin, les Palestiniens, cas à part, ne forment pas une communauté, car ils ont le statut d'étrangers. Jusqu'à la chute de l'Empire Ottoman, les chiites, les Druzes et les maronites eurent un rôle politique éminent. Les autres communautés ne deviennent des acteurs politiques que dans le Grand-Liban mis en place par la France en 1920. La nécessité de concilier les intérêts et les appétits communautaires a conduit à l'adoption du confessionnalisme, toujours présent aujourd'hui Un mode de fonctionnement institutionnel hérité qui met en valeur la participation des communautés La Constitution établie sous le mandat français en 1926 s'inspire de celle de la IIIème République de 1875. [...]
[...] Deux types de partis se distinguent dans les moyens mis en œuvre pour parvenir au pouvoir. Certains paris fonctionnent sur la base des relations de patronage déjà évoquées. D'autres sont dotés d'un appareil et d'un programme. Cependant, ces derniers n'ont que rarement accès au Parlement. Les partis au pouvoir sont ceux qui se satisfont du recrutement clanique et communautaire des militants et soutiennent le système de domination traditionnel. En revanche, les partis à programme, eux, sont tenus à l'écart du gouvernement du pays. Les listes électorales patronnées par les notables traditionnels leur sont quasiment inaccessibles. [...]
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