S'interroger sur les frontières de la démocratie suppose de réfléchir suivant deux dimensions. Tout d'abord, l'absence de frontières impliquerait de penser l'existence d'une seule démocratie pour tout le monde, selon l'idée d'une démocratie universelle. Mais elle invite également à étudier l'extension des principes démocratiques. Dans ce cas, il ne s'agirait non plus d' « une démocratie pour tous » mais plutôt d'une universalisation des procédures démocratiques, tant au niveau interne aux Etats qu'à une possible échelle planétaire « d'un point de vue cosmopolitique ». De telles extensions sont-elles compatibles avec une absence de dénaturation, tant du principe que des procédures démocratiques ? Si la chute de l'Union Soviétique a opéré une extension transnationale de l'espace libéral marchand, la démocratie, aussi bien comme concept qu'en tant que pratique effective suit-elle le même chemin ? N'est-elle pas irréductiblement attachée au cadre étatique ou du moins à l'existence de bornes temporelles, sociales et/ou culturelles ?
[...] En effet, par définition et par nature, la démocratie ne supporterait pas de bornes ou de limites. Légitimée par sa recherche du bien commun, la généralité de son objectif ne saurait se fonder sur l'exclusion puisque dès lors qu'il est partiel, l'intérêt cesse d'être commun. Cependant, force est de constater que la prolifération de l'étiquette démocratique, la revendication de procédures électorales souscrivant aux exigences de transparence de l'organisation d'un pouvoir pour le peuple et par le peuple est allée de pair avec la contestation de la légalité de ces mécanismes. [...]
[...] Et de ce fait, l'actuelle porosité croissante des frontières inaugure-t-elle réellement de nouveaux espaces pour la démocratie ? L'extension et l'intensification au-delà des frontières nationales des transports, des communications, des échanges façonnent un monde aux souverainetés réduites[16]. Et la transnationalité croissante des relations internationales notamment économiques pèse de plus en plus lourdement, en démocratie, sur l'alternative proposée aux électeurs en entravant les marges de manœuvre des gouvernants, contraints à formuler des propositions avant tout compatibles avec elles. Cependant, même si le transnational s'affirme de plus en plus dans l'organisation politico- institutionnel de l'espace mondial, rendant inefficace toute politique pensée dans le cadre strictement national[17], il semble par trop prématuré de conclure à une dilution du politique dans l'économique. [...]
[...] C'est ainsi par opposition à l'anarchie de la foule, à l'état de nature, que chez Aristote, Hobbes, ou même Rousseau, la société civile a pu prendre le sens de communauté politique. Bien qu'anti-souverainiste, la construction européenne a également établi une claire séparation entre les Européens et les non-Européens même si ces derniers peuvent être traités selon des règles communes dans toute une série de domaines. L'article 3 alinéa 4 de la Constitution française précise également que "sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques". La constitution ne tolère aucune discrimination négative ou positive. [...]
[...] Hermet Guy, Culture et démocratie, Paris, Albin Michel, UNESCO pp.22-23 Habermas Jürgen, op. cit. Schnapper Dominique, La communauté des citoyens, Paris Braud Philippe, le jardin des délices démocratiques, Braud, Philippe, La démocratie politique, Gallimard, Rawls, John, Collected Papers, Cambridge, Harvard University Press pp.579-580 : définitive, le concept fondamental d'une démocratie fondée sur la délibération est le concept du débat en soi. Lorsque les citoyens débattent, ils échangent leurs opinions et discutent de leurs propres idées sur les principales questions d'ordre public et politique Badie, Bertrand, Un monde sans souverainetés, les états entre ruse et responsabilité, Paris, Fayard Hermet Guy, La trahison démocratique. [...]
[...] La démocratie repose sur la circonscription paradoxale de l'universel. Elle ne saurait exister sans définir contre quoi elle s'affirme. A l'extrême, la démocratie mondiale supposerait l'existence d'un Etat mondial et d'un peuple international . parmi d'autres. Or, l'actuelle structure décisionnelle des organisations internationales et d'une société civile prétendument globale ne peuvent que saper un tel postulat. Elle reste néanmoins porteuse d'une dynamique universaliste si bien que ce serait moins son universalité réelle que son extension qui caractériserait la mystique démocratique. [...]
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