Le concept de démocratie présente des acceptions multiples, recouvre plusieurs registres (concept, régime, valeur, expérience…) et revêt un sens tout différent selon la période historique envisagée. Il convient donc de la définir plus précisément. La démocratie – de demos, peuple et kratein, gouverner – est d'abord un type d'organisation politique dans lequel le peuple se gouverne lui-même, détient ou contrôle le pouvoir politique. La démocratie se fonde donc sur la souveraineté du peuple et l'égalité des citoyens. Les modalités de l'exercice du pouvoir par le peuple et les fins que se donne le régime déterminent ensuite plusieurs types de démocraties.
La première des distinctions s'opère entre démocratie des anciens et démocratie des modernes. La démocratie des anciens se fonde sur une véritable métaphysique, une vision holiste du monde dans laquelle la partie est ordonnée au tout ; l'égalité des citoyens est anthropologique – ils disposent tous du logos – mais la hiérarchie est naturelle. C'est une démocratie directe où chacun participe directement à la vie de la cité, les responsables sont tirés au sort parmi les citoyens puisqu'ils sont tous anthropologiquement égaux.
La démocratie des modernes est d'une tout autre nature puisqu'elle résulte d'un accord passé entre des hommes dotés de volonté propre ; l'égalité est formelle, décrétée en droit, mais ne se base pas sur des faits. La taille des États modernes ne permettant pas de démocratie directe, il s'agit de démocraties représentatives où les citoyens élisent leurs représentants et leur délèguent leur souveraineté.
Enfin, les démocraties peuvent avoir des fins différentes. Une démocratie libérale est en charge de garantir les droits fondamentaux des citoyens ainsi que leur liberté et leur égalité ; une démocratie sociale étend la notion d'égalité à l'égalité des conditions sociales.
[...] D'une part, il s'agit d'un modèle pragmatique et non idéaliste. Face à l'appauvrissement normatif des théories de la démocratie, il tente de les réinterpréter dans un sens politique, sociologique et surtout pratique, mettant en évidence ce que devraient être les rapports entre la société civile et l'espace public politique dans ce qu'on appelle une démocratie. Par exemple, la notion abstraite et, comme nous l'avons vu, problématique de souveraineté populaire est remplacée par la liberté de communication, déconnectée du peuple considérée d'un point de vue pratique et structurel, supposée conduire à l'usage public de la raison. [...]
[...] Pourquoi la démocratie a-t-elle des ennemis ? Cette question peut au premier abord paraître étonnante. En effet, la démocratie semble susciter aujourd'hui un large consensus ; elle est considérée tout du moins dans le monde occidental comme le meilleur des régimes et n'est pas remise en question : tout régime se doit de tendre vers l'idéal démocratique. Et pourtant, force est de constater qu'il n'y a pas que des démocraties et qu'il existe des modèles concurrents au modèle démocratique, voire de violentes dénonciations de la démocratie en tant qu'idéal comme en tant que régime. [...]
[...] La liberté, dans toutes ses acceptions libertés physiques et libertés intellectuelles est en effet une condition de la démocratie et, dans le cas des démocraties libérales que nous connaissons, une des fins du régime. Une démocratie se doit de garantir non seulement l'égalité mais également la liberté des citoyens, et cette garantie s'opère par la loi et par la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Théorisée par Montesquieu dans De l'Esprit des lois, c'est un moyen d'éviter, par le contrôle mutuel qu'exercent les pouvoirs entre eux, toute oppression des citoyens, de lutter contre l'arbitraire et de garantir la liberté. [...]
[...] Force est alors de constater que la correction des imperfections de la démocratie n'a historiquement mené qu'à des régimes fanatiques et excessifs auquel n'importe qui préfèrerait la démocratie. Celle-ci, même imparfaite, même contradictoire, même détachée de son idéal, a fait ses preuves empiriquement et se présente pour l'instant comme, sinon le meilleur, au moins comme un régime préférable aux régimes absolus, autoritaires et totalitaires du point de vu des individus. Comment alors l'améliorer sans tomber dans l'excès et s'éloigner de l'idéal démocratique ? [...]
[...] Pourquoi la démocratie a-t-elle donc des ennemis ? Nous avons vu que la notion de démocratie est particulièrement complexe et que, par conséquent, elle n'est pas sans poser problème. Les grands principes sur lesquels la démocratie repose liberté, égalité, souveraineté du peuple présentent des contradictions internes et des contradictions réciproques, comme l'éternelle dialectique entre liberté et égalité, deux principes inconciliables dans leur entièreté. Quant à la pratique de la démocratie, elle est également problématique : par exemple, l'échec partiel du détour de la représentation. [...]
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