Vers un dégel des clivages politiques : des clivages rokkaniens à une nouvelle révolution, porteuse de nouveaux clivages

Résumé du document

Toute vie politique comporte des clivages, dans la mesure où l'idée de liberté implique la diversité d'opinions. Qu'elle soit visible comme dans nos sociétés pluralistes ou démocratiques ou plus ou moins cachée ou latente comme dans les sociétés fermées, la conflictualité est une caractéristique commune à toute société politique. Le consensus est en effet une utopie. Cette conflictualité se mue et s'organise selon ce que l'on appelle des clivages. Un clivage réfère à une fracture, une séparation, une division au sein d'un groupe humain.

Extraits

[...] Les classes supérieures des grandes villes sont celles dont les emplois sont les plus internationalisés. En rapport constant avec le reste du monde, peu freiné par des contraintes économiques, l'attachement au territoire s'amoindrit naturellement. À ce propos, Guilluy parle de nomadisme et de déterritorialisation À l'inverse, les couches populaires, contraintes par le système économique et les prix des logements métropolitains à rester sédentaires, et connaître une mobilité géographique relativement faible, surinvestissent le territoire, d'ou un très fort écho des discours sur la nation dans ces territoires. [...]

[...] II- Vers une nouvelle révolution, porteuse de nouveaux clivages ? La mondialisation : cette nouvelle révolution ? Le renouveau du clivage centre-périphérie : la nouvelle géographie sociale La mondialisation s'entend comme l'ouverture des frontières, la liberté de circulation et la multiplication des flux humains et des flux de marchandises. Ce phénomène a eu plusieurs effets peu visibles et peu discutés sur l'organisation du territoire, effets que nous décrit Christophe Guilluy dans Fractures françaises. Il y note que la mondialisation est la cause première d'un phénomène de métropolisation : l'essentiel des flux et des activités économiques à forte valeur ajoutée se concentre dans les métropoles. [...]

[...] L'émergence de ces partis a simplement contribué à l'ordination de ces nouveaux enjeux autour du clivage gauche droite, avec une récupération des discours sur l'immigration par la droite et du discours écologiste par la gauche, si bien que les Verts s'allient quasi systématiquement avec le PS aux élections, et qu'on accuse régulièrement la droite de courir après le FN. Pour conclure, on peut donc dire que les clivages politiques sont loin de connaître un dégel. Si certains clivages décelés Pr Lispet et Rokkan ont moins de sens aujourd'hui, ils n'ont pas totalement disparu. Suivant les transformations sociales, ils se sont transformés, recomposés, en quelque sorte modernisés, pour répondre aux nouvelles tensions qui parcourent les sociétés démocratiques. [...]

[...] À l'inverse, la conjonction de la forte hausse du prix des logements et de la délocalisation, dans un premier temps à l'intérieur des frontières, des industries (pour des logiques foncières) a vidé les grandes villes de ses emplois peu qualifiés. Si bien que pour la première fois, les couches populaires, et en particulier les ouvriers, ont été reléguées dans les territoires périurbains et ruraux, alors que les classes supérieures investissaient en masse les grandes villes. Ainsi, Par cercles concentriques, la métropolisation provoque une recomposition sociale des territoires allant du la ville-centre aux espaces périurbains et ruraux Le passage d'une immigration de travail à une immigration familiale a parallèlement contribué à concentrer les populations immigrées dans ce que l'on appelle les banlieues Souffrant du manque d'emploi peu qualifié, la population immigrée connaît cependant une réelle mobilité sociale, souvent occultée. [...]

[...] De plus, l'utopie d'une société une et indivisible, sans clivage, se heurte à des réalités sociologiques et idéologiques : le clivage porte sur des valeurs qu'on identifie clairement de droite (autorité, famille, sécurité, nation) ou clairement de gauche (universalisme, solidarité, ouverture ) Ségolène Royal, en 2007, brandissant des drapeaux français EET chantant la Marseillaise, avait été accusée de chasser sur les terres de droite avec des valeurs de droite. Le citoyen est donc toujours capable de situer ses idées sur un l'échiquier politique, même si beaucoup estime le clivage dépassé. [...]