Johann Gottlieb Fichte avait publié son fameux discours à la Nation allemande en 1807 à l'issu de l'humiliante défaite prussienne essuyée à Iéna face aux troupes napoléoniennes, et ainsi développé les thèses de Herder pour forger une conception ethnoculturelle de la Nation. De même, c'est en réaction à la défaite française de 1870 à Sedan que toute l'élite intellectuelle remet en question l'idée de nation et tente de forger un contre modèle à celui des Allemands, considéré comme agressif et détonateur de conflits. C'est dans ce contexte qu'Ernest Renan, linguiste spécialiste des langues sémitiques et professeur au collège de France, va prendre le contre-pied de l'idée de race et de jus sanguinis (droit du sang) pour développer une définition contractuelle de la Nation et basée sur la volonté individuelle.
Après l'unité achevée des Nations allemandes et italiennes, les concepts de nation et de nationalisme redevinrent l'objet de joutes entre les légistes, philosophes et historiens de l'époque. C'est bien pour trouver une nouvelle légitimité aux systèmes politiques du XIXe que le débat faisait alors rage.
[...] La race, critère fondamental pour les Allemands peut certes paraître légitime mais constituerait une très grande erreur si elle devenait dominante [au point de perdre] la civilisation européenne Ce principe primordial de l'ethnographie est pour l'auteur étroit et plein de danger pour le véritable progrès Afin de définitivement enterrer ce critère, Renan concède que l'ethnographie est une science d'un grand intérêt mais assène qu'elle n'a aucune application en politique, il veut cette science libre Montrer l'insuffisance des critères du nationalisme à l'allemande La langue ne saurait être un critère pertinent à ses yeux non plus, puisque selon lui, elle invite à se réunir, elle n'y force pas Il donne le célèbre exemple de la Suisse et de sa fameuse Confédération Helvétique qui malgré les trois langues qui la composent a réussi son unité bien avant l'Italie ou l'Allemagne. La volonté humaine du vivre ensemble apparaît bien plus forte. La religion qui a servi de dénominateur commun aux peuples européens pendant le Moyen Age semble aussi être un caractère grandement insuffisant. Renan utilise à son profit la tendance de son époque des religions à s'individualiser. [...]
[...] A cet égard, Le tour de France par deux enfants constitue un paradigme du passé glorieux, mais aussi douloureux de la Nation France, si chère à Renan. Conclusion Même si les réflexions de la Nation ne se résument pas aux thèses de Fichte et Renan, une opposition entre les deux est apparue. La première conception de Herder, inspirateur de Fichte, et dite verticale plonge ses racines dans l'ethnie et la culture, prédisposant par avance l'individu à une communauté nationale précise. La seconde conception de Renan, dite horizontale est censée faire naître la nation du choix libre des individus. [...]
[...] Il parachève cette thèse en affirmant que la souffrance en commun unit plus que la joie La Nation est aussi un plébiscite de tous les jours qui consiste en un consentement présent de chaque individu, un désir de vivre ensemble. Cette définition a amené le philosophe Alain Fienkelkraut à qualifier la conception de Renan de la Nation, de Nation contractuelle en opposition avec la Nation génie allemande. C'est sur le cas de l'Alsace-Lorraine que cette rivalité dans les conceptions de la Nation va s'exprimer. [...]
[...] Renan rompt clairement avec tous les critères qui fondent ce nationalisme ethnoculturel Linguiste renommé et spécialiste de la culture sémitique, Renan va énoncer sa définition de la Nation dans sa fameuse conférence donnée à la Sorbonne en mars 1882. L'auteur fonde son raisonnement sur le fait qu'une Nation ne saurait être formée que par le droit dynastique propre au pouvoir royal, mais qu'au- dessus de celui-ci s'élève le droit national. Il s'interroge donc sur les critères à partir desquels il faut fonder ce droit national. [...]
[...] Toutefois, le cas de l'Alsace-Lorraine provoque chez lui un sursaut patriotique qui va lui permettre d'exposer ses thèses quant aux critères qui fondent le nationalisme. Converti à un républicanisme de raison, l'auteur va chercher des arguments à opposer à la conception allemande de la Nation. Il va résumer sa position en une phrase : Une Nation est une âme, un principe spirituel Par conséquent la Nation apparaît ici comme dépourvue de nature objective (fondée sur des critères précis et impartiaux) que Herder développait dans sa Nation personne Deux choses constituent la Nation, l'une est ancrée dans le passé, l'autre se joue dans le présent. [...]
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