Si elle constitue une autre manière d'être de l'Etat, la décentralisation ne touche pas à « l'Etre » étatique ; la logique décentralise doit, en effet, composer avec des principes républicains faisant partie d'une tradition remontant à la 1ere République.
En premier lieu, si le caractère unitaire de l'Etat ne s'oppose pas à l'existence d'une République décentralisé, il n'autorise pas une division de l'Etat qui reviendrait à créer une fédération sans le dire. Cette première caractéristique permet de comprendre l'exercice, par l'Etat, d'un monopole dans la représentation de la République française, l'idée même d'une représentation diplomatique de certaines collectivités territoriales étant impensable en l'état actuel du droit qui dénie également aux collectivités le droit de déterminer la « compétences de leurs propres compétences ». De fait, l'indivisibilité de la République implique une indivisibilité de la souveraineté. En second lieu, le peuple français constitue, depuis le début des années 1990, un concept juridique ayant une valeur constitutionnelle qui interdit la création de distinctions à l'origine de discriminations entre les groupes d'individus. Il existe, en effet, un lien étroit entre les notions d'égalité, de territoire et de peuple dans le droit constitutionnel français. De même, passe t-on naturellement de l'unicité du peuple à l'indivisibilité du corps électoral, les citoyens ne pouvant être assujettis à un statut différent selon leur lieu de résidence au sein de la République.
S'ils constituent des principes cardinaux de la République remontant à la période révolutionnaire, l'indivisibilité de la République et l'unicité du peuple français n'ont toutefois pas érigé des barrières juridiques infranchissables ; ils n'ont ainsi pas pu résister aux trois bouleversements territoriaux majeurs du XXe siècle que constituent la décolonisation des années 1960, la décentralisation des années 1980 et 2000 et l'adaptation de l'Etat au processus d'européanisation qui a accéléré son rythme à partir du début des années 1990. La France, est depuis mars 2003, une République indivisible dont l'organisation administrative est décentralisée (I). Le pouvoir constituant dérivé a conforté, tout en les aménageant, les deux principes d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français et les peuples d'outre-mer (II).
[...] En effet, la reconnaissance des populations d'outre-mer a seulement pour objet de permettre une adaptation des institutions administratives aux besoins locaux. M. Victoria, député réunionnais, a rappelé, les propos du Président de la république qui avait affirmé, dans un discours prononcé en 2002 en Martinique, d'une part, que s'il n'y a qu'un seul peuple et une seule nation, la richesse de ce peuple et de cette nation, c'est sa diversité, la pluralité de ses cultures, la force de ses identités et, d'autre part, que si le Conseil constitutionnel avait différencié le peuple français des peuples d'outre-mer dans sa décision de 1991, ceci excluait ces derniers de l'appartenance au premier. [...]
[...] Dans sa décision rendue le 15 juin 1999 sur la charte européenne des langues régionales et minoritaires, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que les principes d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français s'opposaient à la reconnaissance, dans la vie publique, de droits aux groupes linguistiques minoritaires. La préservation de l'identité et des langues régionales néanmoins, amené les gardiens de la Constitution à accepter l'enseignement facultatif de la langue corse en Corse[4] et de la langue polynésienne en Polynésie française[5]. [...]
[...] Cette possibilité est désormais ouverte aux collectivités de l'article 73, sous réserve du consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. Là encore, la Réunion est écartée du processus : en effet l'alinéa 5 de l'article 73 fait expressément référence au département et à la région de la Réunion ce qui semble devoir figer l'île dans le statut qui est le sien actuellement. Les quatre Collectivités d'outre-mer ont également un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République cette disposition est calquée sur l'ancien article 74 de la Constitution, même si l'expression organisation particulière est remplacée par le mot statut qui évoquait sans doute plus le statut de la Polynésie française. [...]
[...] De même, passe-t-on naturellement de l'unicité du peuple à l'indivisibilité du corps électoral, les citoyens ne pouvant être assujettis à un statut différent selon leur lieu de résidence au sein de la République. S'ils constituent des principes cardinaux de la République remontant à la période révolutionnaire, l'indivisibilité de la République et l'unicité du peuple français n'ont toutefois pas érigé des barrières juridiques infranchissables ; ils n'ont ainsi pas pu résister aux trois bouleversements territoriaux majeurs du XXe siècle que constituent la décolonisation des années 1960, la décentralisation des années 1980 et 2000 et l'adaptation de l'Etat au processus d'européanisation qui a accéléré son rythme à partir du début des années 1990. [...]
[...] II) La décentralisation et unicité du peuple français La République concilie la décentralisation et l'unicité du peuple français et elle permet la cohabitation harmonieuse du peuple français et des peuples d'outre-mer La conciliation entre la décentralisation et unicité du peuple français La logique de la décentralisation doit composer avec celle de l'unicité du peuple français. L'adoption de la loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, a amené le Conseil constitutionnel à se pencher pour la première, sur la valeur constitutionnelle de la notion de peuple français. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture