« On n'émet pas impunément une idée nouvelle » : on retrouve régulièrement cette phrase de Patrick Tort au travers des 690 pages de son ouvrage consacré au darwinisme. On prend ainsi conscience des implications qu'une idée, un système d'idées peuvent avoir sur une société et un monde. Et l'impact des thèses darwiniennes répond parfaitement à cette maxime, dans la mesure où, depuis le milieu du 19ème siècle, date à laquelle paraissent ces théories, Darwin a été l'enjeu d'affrontements périodiques.
Cependant, si la théorie darwinienne a un fort impact sur la société, on emploiera souvent les termes de « révolutions darwiniennes » et de « blessure narcissique » infligée à l'homme, on ne peut pas ne pas considérer le darwinisme social, apparemment fils du darwinisme, comme ayant eu des conséquences égales sinon pires si l'on s'insère dans une plus large échelle temporelle que le darwinisme. Ce faisant on en vient naturellement à s'interroger sur les liens entre darwinisme et darwinisme social.
Nous nous demanderons donc dans quelle mesure l'on peut établir une nette séparation entre les deux théories que sont le darwinisme et le darwinisme social et les visions de la société qu'elles impliquent ?
Et nous verrons dans un premier temps la théorie darwinienne et son impact sur la société du 19ème siècle, puis comment le glissement vers le darwinisme social s'est opéré et ce que sont les idées mises en avant par celui-ci ainsi qu'en quoi elles s'opposent totalement aux idées darwiniennes, pour finalement examiner la logique dans laquelle se placent ces deux théories et ce qu'elles impliquent.
[...] Chaque être [ ] doit être soumis à la destruction, car autrement, il va finir par pulluler et atteindre des chiffres auxquels aucun pays ne saurait à suffire On peut ainsi résumer et clarifier la démarche et les aboutissements de Darwin par le schéma suivant : Ainsi, Darwin forge l'hypothèse d'une sélection naturelle qui, à travers la lutte interindividuelle, interspécifique, et avec le milieu, effectuerait le tri des variations avantageuses et assurerait le triomphe vital des individus, des espèces qui en seraient porteuses. Ces derniers seraient alors sur la voie d'une amélioration constante de leur adaptation à leurs conditions de vie et à celles de la lutte. C'est à cette conservation des variations favorables et à la destruction de celles qui sont nuisibles que j'ai appliqué le nom de ‘sélection naturelle' ou de ‘survivance du plus apte' dit Darwin. Cette théorie darwinienne se pose comme résolument novatrice, d'où probablement les problèmes qu'elle soulèvera. [...]
[...] Au contraire, Darwin désavouait totalement l'interprétation libérale - évolutionniste de Spencer et ses recommandations. Dans La descendance de l'homme apparaissent au contraire, grâce au processus réversif de l'évolution les différentes formes morales et institutionnelles de l'altruisme : au lieu de l'élimination des moins aptes apparaît le devoir d'assistance mettant en œuvre de multiples démarches de secours et de réhabilitation notamment par la compensation des déficits organiques ; un interventionnisme rééquilibrateur s'oppose à la disqualification vitale et sociale du darwinisme social. [...]
[...] En réalité, cette définition est largement réductrice de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle si l'on veut utiliser sa nomination officielle, et c'est pourquoi nous allons tenter de la préciser. Ainsi, quatre faits empiriques constituent les bases de l'élaboration de cette théorie. Ce sont, premièrement, l'existence de la variation des organismes naturels ; deuxièmement, le constat de l'efficacité permanente de la sélection artificielle dans l'univers végétal et animal ; troisièmement, l'observation universelle du taux de reproduction des espèces vivantes lorsqu'elles sont libres et sans obstacle ; et enfin, l'existence d'équilibres naturels, en dépit de tout cela, entre des populations animales et végétales multiples sur un même territoire. [...]
[...] Associer darwinisme et darwinisme social comme deux théories jumelles serait une erreur, même si l'on ne peut nier que les idées darwiniennes étaient elles aussi destinées à être appliquées à la société, mais certainement pas de la façon par laquelle le darwinisme social l'a fait et avant tout parce que le darwinisme ne tendait ni ne sous-tendait à aucune idéologie. Bibliographie Ouvrages généraux : - CARON JC, L'Europe au 19e siècle, Des nations aux nationalismes, Armand Colin, Paris Ouvrages spécialisés : - BERNARDINI Le darwinisme social en France (1859 1918), CNRS Editions, Paris - HAWKINS M., Social darwinism in European and american thought 1860 1945, Cambridge Univerity Press, Cambridge - THALMANN R., Sexe et race : aspects du darwinisme social au 19ème au 20ème siècle, Centre d'études et de recherches germaniques, Paris - TORT P., Darwinisme et société, PUF, Paris Sites Internet : - http://www.commondreams.org/views05/1129-28.htm : darwinism and social darwinism”, de R. [...]
[...] De plus, le darwinisme social servira de justification à de nombreuses idéologies, négatives si l'on peut employer ce terme, encore une fois à cause de la mauvaise application d‘une théorie scientifique et biologique à une problématique humaine. Conclusion On n'émet jamais une nouvelle idée impunément. Patrick Tort voit juste, c'est certes facile a posteriori, mais cela n'en demeure pas moins vrai. Qui aurait en effet pu prédire que les idées darwiniennes sur l'évolution de la nature auraient de telles conséquences sur les sociétés, leur histoire, et leur présent ? Probablement personne, et encore moins Darwin, qui n'escomptait probablement pas une telle déformation de son système de pensée. [...]
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