« Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », la démocratie, à l'instar de tout régime politique n'a d'effectivité que dans le recours à des techniques de fonctionnement permettant de transformer le principe en réalité pratique. Ce phénomène se présente avec une acuité particulière concernant la technique de la représentation politique, non seulement nécessaire à la réalité gouvernementale de la démocratie, mais, surtout, condition sine qua non de son existence. En effet, la représentation politique est l'unique moyen par lequel sont conciliés les contingences de populations toujours plus nombreuses et le principe de souveraineté nationale, garantie du gouvernement «par le peuple»... Aussi, étudier les applications pratiques d'une telle technique revient-il à évaluer la réalité d'un gouvernement démocratique.
Philippe Braud voit dans la représentation une activité politique fondée sur une double délégation: être à la place de... et décider pour... La représentation politique ainsi déclinée en deux propositions induit deux sous principes de représentativité et de légitimité à l'aune desquels il convient de considérer le phénomène de représentation. Forte de sa nature de délégation, la représentation politique est le fait d'une élection libre visant à l'attribution de mandats représentatifs en vertu desquels leurs titulaires exerceront une activité politique de gouvernement à des niveaux divers et hiérarchisés.
C'est dans les modalités pratiques du phénomène de représentation politique que se dégage une spécificité française. En effet, la législation électorale permet aux élus d'accumuler des mandats représentatifs plus ou moins librement. Le cumul dans le temps, c'est-à-dire, l'obtention successive et répétée d'un même mandat ne connaît, à ca jour, aucune restriction. Par contre, le cumul dans l'espace est réglementé. Depuis 1985, sont interdits les cumuls horizontaux (mandats de même nature) ainsi que certains cumuls verticaux (mandats de niveau différent) tels que le cumul de plus de deux mandats locaux et d'un mandat national avec plus d'un mandat local. Toutefois, cette législation laisse une grande marge de manœuvre aux élus et la Cinquième République a vu ce phénomène, existant auparavant, s'amplifier de manière considérable en dégageant un type de cumul privilégié celui de député-maire.
Ainsi, 75 % des mandats sont-ils aujourd'hui cumulés...
La question demeure des effets du cumul des mandats sur la représentation politique en général... Quel type de représentation politique le cumul des mandats augure-t-il? Quelles spécificités s'en dégage-t-il ?
[...] Le principe de représentation lésé La création d'une représentation oligopolistique. - Le cumul des mandats, tant temporel que spatial, préside à l'avènement et l'enracinement d'une élite dirigeante locale monopolisant l'ensemble des postes électifs empêchant pour ainsi dire l'apparition de compétiteurs locaux. - De surcroît, il permet l'instauration de quasi-dynastie régnante en facilitant l ‘apparition de fiefs appartenant pratiquement à une seule et même famille. Cela tient particulièrement à l'exercice de mandats successifs correspondant au cumul temporel. - L'exclusion de certains groupes sociaux et de minorités politiques (les femmes, les immigrés, les jeunes) ainsi engendrée met en cause le principe même de représentation. [...]
[...] Dès lors, il est légitime de s'interroger sur ce qui reste de démocratie dans la représentation politique en France. Plus qu'une déviance, le cumul des mandats est une menace, une menace pour l'équilibre démocratique que ses apports structurels ne suffisent pas à légitimer. Bibliographie Ouvrages Fraissex Patrick - Le cumul des mandats : un mal inévitable mais pas nécessaire, in mélanges Gélard p Avril Pierre - Réflexions sur l'incompatibilité édictée par l'article 23 de la Constitution. Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, in mélanges Gélard p Roman Bernard - La fin du cumul des mandats, Bruno Leprince Pillot-Chanteloube Hervé - Les assistants parlementaires, Université Jean Monnet Cadieu Pascal - Les collaborateurs politiques : statuts et missions, Territorial Le cumul des mandats et des fonctions. [...]
[...] Restrictions contextuelles et politiques à un apparent consensus - RFSP - Revue française de science politique vol décembre 1998, p Brunot Patrick - Le non-cumul des mandats est-il inacceptable ? Petites Affiches (Les) - La loi mars 1998, p Cumul, non-cumul : paroles d'élus. Le cumul des mandats (dossier) - Pouvoirs locaux - Cahiers de la décentralisation 36, mars 1998 Le cumul des mandats (dossier) - Revue politique et parlementaire 991, novembre-décembre 1997 Fraisseix Patrick - L'interdiction du mandat impératif : réflexions à propos d'une tradition républicaine - Droit prospectif - Revue de la recherche juridique p Calvo Jean - L'immunité parlementaire en droit français - Les Petites Affiches septembre 1995 Vedel Georges - L'allongement de la durée de session parlementaire n'aura d'efficacité que si l'on règle le problème du cumul des mandats - Presse parlementaire, 1er septembre 1995 Mény Yves - Le cumul des mandats ou l'impossible séparation des pouvoirs ? [...]
[...] Une représentation fonctionnelle L'ajustement du système. - La pratique du cumul vertical est un facteur important d'intégration des collectivités les unes dans les autres. Cette imbrication est particulièrement visible dans la relation mandat local et mandat national : les collectivités sont mieux représentées et ce, au sein d'un ensemble national et non séparément. - Ceci permet une meilleure articulation des échelons nationaux et locaux pour une harmonisation du découpage territorial. La décentralisation revêt ici toute son importance et tout son sens dans une centralisation fonctionnelle permettant l'ajustement des systèmes politiques et administratifs. [...]
[...] Le cumul des mandats permet, de surcroît, une stabilisation de la représentation. - En outre, le cumul des mandats rétablit, dans une certaine mesure, un contre-pouvoir local et régional face au pouvoir centralisé, ainsi, les collectivités sont-elles mieux représentées parce que plus fortes. . Par des représentants professionnels. - La réduction du nombre des titulaires de mandats représentatifs induite par la pratique du cumul, tant temporel que spatial, engendre la constitution d'une classe politique professionnalisée allant encadrer et structurer le fonctionnement du système institutionnel. [...]
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