La culture est-elle une affaire d'Etat ?

Résumé du document

« Phénomène nouveau ! L'Etat comme étoile pour guider la culture » s'exclamait Nietzsche, cité par Marc Fumaroli, face au « Kulturkampf » de Bismarck. Si l'ingérence étatique dans le domaine culturel n'était pas à proprement parler nouvelle, le philosophe voulait en tout cas montrer que la tendance de l'Etat moderne à ranger la culture au rang de ses prérogatives allait en se renforçant.

Cette réflexion est en fait fondamentale, car elle remet en cause le principe même d'une telle action des pouvoirs publics. Elle pose par là-même la question de savoir si la culture est une affaire d'Etat. Comment le « plus froid des monstres froids » (Nietzsche) saurait-il agir sur une dimension aussi personnelle et subjective de l'être humain ?

Extraits

[...] Cela n'empêche pas son action d'avoir des conséquences importantes, et c'est à la lumière de celles-ci qu'il doit se fixer des limites, en s'interdisant d'aller au-delà de la préservation du patrimoine existant et en se refusant à accorder une prépondérance à des cultures particulières. Le rapport qu'a chacun avec la culture est toujours différent. Aussi, comment n'en serait-il par de même concernant la machine étatique ? Pour cette raison, la culture comme affaire d'Etat apparaît paradoxale, ce que l'on a cherché à détailler pour envisager ce que pourrait être la place de l'Etat en ce domaine. [...]

[...] Ces vœux généreux aboutissent néanmoins selon l'académicien à la promotion d'une culture audiovisuelle dans laquelle tout ce qui entoure l'œuvre tient lieu de la chose même L'Etat culture dénonce ainsi cet assujettissement de la culture à l'Etat, opposant ce modèle à l'exemple de la IIIe République, où l'Etat tenait finalement un rôle de conservateur des œuvres, sans chercher frénétiquement à les rendre disponibles et visibles par tous les moyens possibles. Cette suggestion d'un autre modèle à substituer montre que bien que la culture ait aujourd'hui besoin de l'Etat, ce dernier doit limiter ses prérogatives. Il apparaît bien en effet que pour conserver la richesse culturelle, la culture seule ne suffit plus face aux impératifs économiques. [...]

[...] La Culture est-elle une affaire d'Etat ? Phénomène nouveau ! L'Etat comme étoile pour guider la culture s'exclamait Nietzsche, cité par Marc Fumaroli, face au Kulturkampf de Bismarck. Si l'ingérence étatique dans le domaine culturel n'était pas à proprement parler nouvelle, le philosophe voulait en tout cas montrer que la tendance de l'Etat moderne à ranger la culture au rang de ses prérogatives allait en se renforçant. Cette réflexion est en fait fondamentale, car elle remet en cause le principe même d'une telle action des pouvoirs publics. [...]

[...] Cette exigence libérale s'applique à la Culture, car celle-ci relève d'une dimension aussi personnelle que la foi. Le danger pour la culture comprise comme affaire d'Etat apparaît aussi devant l'exemple des régimes autoritaires. Ces derniers ont ainsi eu recours à la culture pour consolider leurs conquêtes. Alexandre lui-même eut pour souci de souder le peuple de son empire en encourageant ses soldats grecs à se lier avec les femmes des provinces d'Orient. La solidité de l'Empire romain s'explique également par la généralisation d'une culture fondée notamment sur une langue, le latin et sur le Droit. [...]

[...] Comme l'explique Claude Lévi-Strauss dans Le regard éloigné, il est important pour que les cultures persistent dans leur diversité qu'il existe entre elles une certaine imperméabilité C'est la condamnation de l'ethnocentrisme dont l'Etat se fait parfois le vecteur et qui peut amener à des situations de relative hégémonie culturelle C'est ce qui amène certains à parler d' américanisation du monde et S.P.Huntington à évoquer son occidentoxication L'Etat se doit au fond de garder certaines limites dans son action, en reconnaissant que c'est bien des individus que doit venir l'initiative en matière culturelle et non de la tête de l'Etat. C'est même dans ce sens que doit, selon Kant dans Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, aller l'Histoire. L' insociable sociabilité des hommes amène le développement de la culture et celui à terme d'une République mondiale. [...]