Dans un article paru hier dans les Echos, Kenneth Rogoff, économiste et professeur à Harvard, affirme que les tensions actuelles auxquelles doivent faire face les pays du monde arabe ne seraient selon lui pas uniquement dues à la corruption ou à des régimes politiques incapables de mettre en œuvre des réformes viables, mais surtout aux inégalités flagrantes que la population subit. Ainsi selon lui, « globalement, les inégalités de revenus, de richesse et d'opportunités sont sans conteste plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été au cours du siècle écoulé ». L'étude du Forum économique mondial met d'ailleurs en garde contre les inégalités économiques croissantes, qui selon d'après elle l'un des deux principaux risques du siècle prochain. C'est dans cette optique que le Président du FMI D. Strauss-Kahn défend un nouveau modèle de croissance globale, car les écarts en termes d'inégalités sont tels qu'ils menacent la stabilité sociale et économique comme on peut le voir dans cet exemple.
Parallèlement, les chiffres de la croissance augmentent et l'idée d'une convergence en termes de PIB fait son apparition. Kemal Dervis, dans son article, parle d'une « tendance durable et inédite », d'un « rééquilibrage » et d'un « rattrapage de l'Occident par les pays émergents ».
La question du lien entre la croissance et les inégalités est donc au cœur de l'actualité encore aujourd'hui. On peut définir la croissance comme une augmentation soutenue de la production, sur une longue période, et elle est mesurée par des indicateurs tels que le PIB ou le PNB, à prix constants. Les inégalités sociales quant à elles sont des disparités entre les individus, et elles comprennent les inégalités entre pays (niveau de vie moyen, PIB/hab) et internes (l'écart entre les revenus moyens des 10% plus riches et 10% plus pauvres).
On peut alors se demander si la croissance est un facteur de réduction des inégalités, qui permettrait ainsi une amélioration de la justice globale.
[...] * Tocqueville souligne ainsi que la croissance est une condition essentielle et pas suffisante de la réduction des inégalités. Cette croissance doit correspondre à des choix politiques, à un modèle de société et de développement. Il n'y a en effet aucune automaticité entre la croissance et l'atténuation des inégalités : l'égalité entre les individus ne s'accroît que si la répartition des fruits de cette croissance est organisée dans ce but. B. Le renouvellement de la conception économique: construction d'une éthique globale. [...]
[...] On peut alors se demander si la croissance est un facteur de réduction des inégalités, qui permettrait ainsi une amélioration de la justice globale. Nous allons voir dans un premier temps que la solide croissance persistante des marchés émergents voile la permanence des inégalités, et qu'il est nécessaire d'inscrire l'objectif d'augmentation de la croissance dans la construction d'une éthique globale de justice sociale et d'un développement durable. La montée en puissance de la croissance des pays émergents voile la persistance des inégalités. [...]
[...] * Ensuite, les théories classiques : la croissance favorise la réduction des inégalités. Le recul des inégalités commence généralement par la résolution des situations de pauvreté qui nécessite un élargissement de la consommation. Or c'est la croissance qui crée plus de richesses et génère plus de revenus (salaires, profits). En outre, elle suscite l'épargne en augmentant les investissements, ce qui permet le financement de l'Etat- providence. ( L'article de The Economist prône ce point de vue là. Il met en avant le fait que la crise actuelle amène l'élite mondiale à se concentrer maintenant sur l'inégalité elle-même plutôt que de s'assurer que la situation des pauvres s'améliore. [...]
[...] II/ La nécessité d'augmenter la croissance pour diminuer les écarts s'inscrit dans une politique de justice globale A. La nécessité de prendre en compte d'autres facteurs * Les politiques se sont longtemps perçus comme convergeant autour de l'objectif permettant la production et les taux de croissance économique suffisants pour procurer aux populations concernées une amélioration franche de leur niveau de vie. Cependant, cet objectif dominant de la croissance a depuis été discuté de plusieurs manières: on se retrouve dans la nécessité d'admettre que la pauvreté des pays pauvres ne se réduit pas au PIB ni au niveau de vie exprimé en termes de revenus, avec la promotion récente de la qualité de vie. [...]
[...] Le paramètre du revenu ne donne qu'une idée incomplète de la situation des plus démunis et leur qualité de vie. * D'autres éléments de pauvreté que ceux que mesurent le revenu existent: la considération des répartitions inégales d'un certain nombre de privations, et c'est à partir de ces déprivations que l'analyse devient normative et non plus descriptive. En effet, il est un certain nombre d'inégalités que la croissance ne résout pas: le genre dans la justice, que Okin souligne dans Justice, genre et famille l'inégalité de réussite scolaire également, qui révèle des inégalités de dotation en capitaux économiques (revenus, patrimoine), mais aussi sociaux et culturels (réseaux, accès aux connaissances, etc.), ce qui implique une inégalité des chances. [...]
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