Aucune définition univoque n'est arrêtée sur le terme "d'opinion publique", précisément parce qu'il s'agit d'un concept polémique et, certains diront, plus politique que scientifique. Ce qu'on peut dire c'est que c'est un phénomène collectif et que l'opinion publique n'est pas l'agrégat des opinions individuelles. Il s'agit plutôt d'un processus social complexe et évolutif. Le sondage constitue le seul processus technique pour connaître "l'opinion publique" et révéler ce que pense la société scientifiquement ne semble pouvoir passer que par cette voie. Et de fait, ils occupent une place de plus en plus importante dans les commentaires médiatiques de la vie politique et dans l'agenda des hommes politiques.
La critique des sondages est délicate parce qu'elle est extrêmement politisée. Les sondeurs se donnent en effet pour rôle de faire entendre la "majorité silencieuse" du peuple, de donner une photographie exacte de la société. Dès lors, critiquer le sondage ce serait comme remettre en cause la valeur du sondage universel et par là la démocratie. Il peut en effet sembler important, dans un système démocratique, que les hommes politiques connaissent l'avis des individus sur les questions politiques, et que l'électorat puisse s'exprimer hors période électorale
L'opinion publique est-elle le produit artificiel d'une méthode d'enquête où existe t-elle indépendamment de sondages qui ne seraient là que pour la mesurer ? Le sondage a-t-il une fonction démocratique ou n'est t-il que l'instrument politique de ceux qui ont intérêt à affirmer l'existence de l'opinion publique ?
[...] Les réponses "erronées", ou ne représentant pas une véritable opinion, sont d'autant plus fréquentes que la formulation des sondages encourage ce type de phénomène. Les questions sont généralement très complexes et demande une connaissance poussée dans la matière pour pouvoir porter un jugement construit et justifié. Or non seulement on ne demande pas aux individus de justifier leurs réponses, mais les questions fermées encouragent à fournir une réponse même sans avoir d'opinion. En effet, par souci d'efficacité et de rapidité, on fournit des opinions toutes faites aux individus parmi lesquelles ils doivent choisir. [...]
[...] L'action politique est ainsi moins fondée sur les problèmes réels de la société que sur l'idée que se fait la population, ou plus précisément l'opinion publique telle que créée par les sondages, des problèmes sociaux. Les sondages contribuent alors à accroître la démagogie des hommes politiques en vue de se faire réélire plutôt que de traiter les réels problèmes auxquels la société est confrontée. Il s'agit évidemment d'un cercle vicieux complexe et l'on ne peut en conclure que l'action politique est dictée par les sondages. [...]
[...] Pierre Bourdieu analyse ce mécanisme dans "L'opinion publique n'existe pas", un exposé fait à Noroit en janvier 1972. Il dit ainsi qu'il a pas de question qui ne soit réinterprétée en fonction des intérêts des gens à qui elle est posée". Il dit notamment que ce qui sépare fondamentalement les "classes supérieures" des niveaux plus bas de la hiérarchie sociale c'est que les premières interprètent généralement les questions telles qu'elles ont été pensées, c'est-à-dire de manière politique, tandis que les "classes populaires" ont tendance à projeter leur éthique sur les questions posées. [...]
[...] La modification des opinions individuelles et des comportements politiques par les sondages Nous pouvons même aller plus loin en affirmant que, en créant la notion "d'opinion publique" les instituts de sondages et les médias qui utilisent leurs enquêtes tendent à influencer les opinions elles-mêmes et à modifier les comportements. On peut dire tout d'abord avec Alain Garrigou qu'il existe une logique cumulative du renforcement des croyances entre les médias et l'opinion. Les sujets politiques d'actualité sont traités par les sondages, ce qui donne l'impression d'une mobilisation de l'opinion, par la suite ces sondages influencent la programmation des médias eux-mêmes, ce qui tend à créer une mobilisation de l'opinion, etc. L'exemple le plus frappant à cet égard concerne la popularité des hommes politiques. [...]
[...] Tout d'abord la question partait du principe qu'il existait un "délinquance des jeunes" ce qui est un phénomène sociologique à analyser. Affirmer son existence comme un postulat de départ, c'est déjà influencer la réponse. En deuxième lieu, on ne donne que deux types d'explications de la délinquance des jeunes, les problèmes de société (violence dans les medias, immigration, chômage), et les problèmes liés à l'éducation et à la famille. C'est suggérer ici qu'il n'y a que deux types d'explications possibles du phénomène tout en ne définissant pas clairement ce que recouvraient ces notions, les "problèmes de société" étant un thème tellement vaste qu'il se révèle être un facteur d'explication nul. [...]
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