S'engager en politique, dans le modèle de la démocratie libérale, est classiquement conçu comme l'accomplissement d'un acte civique, le vote, à travers lequel les individus sont invités à s'élever de leur condition personnelle afin d'exprimer leurs préférences entre différents acteurs politiques incarnant, ou prétendant incarner différents projets de société. S'engager, dans une perspective républicaine, est s'investir dans le champ politique également, et de manière constante, en dehors du cadre restreint de l'élection. Cet engagement se traduit par un militantisme, que l'on définit comme l'action de lutter pour une cause, tout en soulignant qu'il est souvent assimilé – du fait de son histoire – à l'engagement partisan ou syndical. A la lumière de cette première exposition, si crise de l'engagement il y a, celle-ci semblerait se traduire par un déclin. En effet, progression de l'abstention, baisse des effectifs des partis politiques, déclin du taux de syndicalisation dans la plupart des pays occidentaux et plus particulièrement en France, sont autant d'indicateurs de ce déclin.
[...] Il n'est plus le simple timbre collé à l'enveloppe, pour imaginer l'affiliation au modèle communautaire des organisations militantes institutionnalisées nécessitant une adhésion, engageant dans la durée. Ce militantisme nouveau est un militantisme post-it, détachable, mobile, au sein d'un collectif basé sur un modèle sociétaire basé sur la libre- association, sorte de contrat qui protège l'individu de sa dissolution dans le groupe. Ainsi s'est développé le concept d'engagement distancé pour caractérisé les associations (type Act-Up ou mouvement des sens papiers) dont l'efficacité de lutte pour des enjeux segmentés, défait des idéologies traditionnelles, dépendent moins du rassemblement massif du groupe que de l'interconnexion en réseaux des militants. [...]
[...] De plus, il n'y a pas d'opposition nécessaire entre le global et le local dans la mesure où les actions du niveau local sont souvent portées par des idéaux empruntés aux utopies. Le local devient un espace de sécurité où l'on cultive un idéalisme pragmatique selon Jacques Ion, puisque agissant directement au nom de valeurs universelles (exemple : bénévole dans une association caritative). Cet intérêt pour ce politique ancré dans le présent, le concret, et le proche renvoi à l'individu qui peut se saisit comme son propre objet politique afin de retrouver une dignité qu'ils estiment bafouer et qu'il est urgent de retrouver. [...]
[...] En conclusion, on parle de crise de l'engagement dans la mesure où décline les formes de participation politique institutionnalisée, mais également dans la mesure où découle de cette défection, l'émergence d'un ensemble de formes de prises de parole non conventionnelles qui cherche à s'inscrire en opposition avec des formes dites anciennes Cet ensemble, constitué d'un grand nombre de collectifs aux luttes spécialisées, à leur organisation prétendue verticale connectant en réseaux des actions d'initiative individuelle, tendent à clôturer la sphère politique en la lui disputant le lieu du débat public et en le restreignant au rôle de gestionnaire de la concurrence entre collectifs. Ainsi cette crise de l'engagement est le reflet d'une crise de la représentativité, à percevoir à la lumière de l'individuation et du contexte actuel d'incertitude. Cela nous invite par ailleurs à repenser notre modèle démocratique qui doit permettre une socialisation du politique gage de la gouvernabilité de la démocratie, et une politisation des expressions issues de la société civile, gage du respect de l'idéal démocratique. [...]
[...] Néanmoins, ce modèle, notamment en France, tend à affaiblir le système représentatif. D'abord par le fait que l'organisation horizontale, différente de la verticalité des partis politiques, réduit les possibilités de connexions entre la sphère politique et ces mouvements non conventionnels actifs dans l'espace politique du fait du faire de la politique autrement de ces collectifs. Ensuite parce que ces collectifs, tout en faisant appel à l'Etat pour répondre à ses demandes, l'affaiblit. D'une part du fait de l'hétérogénéité des demandes et de leur nombre qui ne peuvent être toutes satisfaites et donc génèrent davantage de déception et de méfiance et stimule la concurrence entre les collectifs donc la nécessité pour eux de renouvellement pour assurer leur pérennité. [...]
[...] Dans un contexte de mondialisation et de décentralisation, l'Etat-nation perd le monopole du lieu de la décision politique, concurrencé soit par le développement des institutions internationales, européennes, ou financières, soit par des collectivités territoriales aux pouvoirs renforcés. L'Etat est de moins en moins perçu comme le vecteur du changement social. La croyance en le progrès s'affaiblit, tandis que les experts sont constamment sollicités pour spéculer sur l'avenir, sinon éclairer le présent. Nous vivrions dans un temps marqué par un pessimisme collectif. A l'époque de ferveur militante et radicale des années 1960-70, succède celle du scepticisme quant à la capacité de la communauté à se transformer. [...]
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