« Il s'agit d'une réunion historique et d'un pas important sur la voie de la découverte de la vérité et pour que justice soit faite » a lancé Fouad Siniora, le Premier Ministre du Liban, à la sortie du Conseil des Ministres où il a défendu avec véhémence le projet de création du Tribunal International Spécial chargé de juger les responsables de l'assassinat de Rafic Hariri.
L'ancien Premier ministre libanais a en effet été assassiné le 14 février 2005 par un attentat explosif au cœur de Beyrouth. Face aux vives réactions de la communauté internationale dans son ensemble, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1595 (du 7 avril 2005), mettant en place une Commission d'enquête internationale chargée d'investiguer sur l'assassinat de l'ex Premier Ministre et de 22 autres personnes.
Detlev Mehlis, le rapporteur spécial de la Commission d'Enquête, a présenté un premier rapport le 25 octobre 2005, dans lequel il affirme que l'enquête aurait été grandement facilitée par la coopération active des autorités syriennes, ce que le Conseil de Sécurité finira par imposer par une résolution.
Le 11 janvier 2006, le Secrétaire Général de l'ONU a annoncé la nomination de Serge Brammertz à la tête de la Commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri.
Du point de vue international, tout semble aller dans l'ordre et les vœux pieux du Conseil de Sécurité et du secrétaire Général apparaissent comme l'aboutissement naturel du processus engagé par M. Siniora, par sa lettre adressée à Kofi Annan. La situation politique libanaise, la particularité des relations libano syriennes et la nature juridique même du tribunal sont autant d'éléments qui viennent compliquer la situation. En effet, la question du tribunal spécial apparaît en quelque sorte comme le nœud gordien de la crise politique que traverse le Liban actuellement.
On peut donc se demander en quoi les incertitudes sur la nature juridique du projet de tribunal spécial représente l'exact révélateur de la crise politique que le Liban doit surmonter ?
[...] Quelle serait la valeur ajoutée d'un Tribunal international spécial comparé à une juridiction libanaise ? Il peut en effet apparaître au contraire surprenant que le Liban ne souhaite pas conserver cette affaire dans son giron judiciaire interne, ou même qu'une simple plainte n'est pas été déposée à l'encontre de responsables syriens (à la suite de la Commission d'enquête) Cour Pénale Internationale. La valeur ajoutée du tribunal spécial crée par accord En mettant de côté provisoirement les aspects juridiques, on peut s'interroger sur les réelles motivations de la demande libanaise à l'ONU de créer un tribunal spécial pour le Liban. [...]
[...] L'accord affirme que le Tribunal est compétent pour connaître d'autres attentats commis au Liban avant et après le 14 février, dans la mesure où ceux-ci sont liés intrinsèquement à l'assassinat de Rafic Hariri. L'article premier du statut du Tribunal résume en effet la compétence du Tribunal, en affirmant qu'il est compétent à l'encontre des responsables de l'attentat qui a tué Rafic Hariri, et des responsables des attentats ayant un lien de connexité avec celui du 14 février. Cette extension de compétence va dans le sens de l'idée développée plus bas d'un certain détournement de la fin première du Tribunal. [...]
[...] La condition de la ratification au cœur des affrontements politiques En tant que accord conventionnel, l'accord relatif au Tribunal Spécial pour le Liban doit être ratifié, et le défaut de ratification aurait pour conséquence de le rendre nul. Or, la Constitution libanaise prévoit qu'un accord international peut être ratifié soit par le Président soit par le Parlement, et tant le Président Lahoud que Nabih Berri ont manifesté leur opposition à cette forme de tribunal. Le problème réside dans le fait que le Gouvernement libanais est au bord de l'incapacité à la suite des démissions des ministres chiites du mouvement Hezbollah et Amal. [...]
[...] A mots couverts, l'idée du tribunal international était dès lors déjà dans les pensées de la majorité libanaise. Kofi Annan a donc consulté les différentes parties libanaises, et a finalement préconisé dans un rapport publié le 29 mars 2005, la création d'un tribunal international mixte qui siègerait hors du territoire libanais, pour des raisons de sécurité. Par la suite, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1664 par laquelle il a confié à Kofi Annan le soin de négocier avec le gouvernement libanais afin de trouver un accord visant la création d'un tribunal international fondé sur les normes internationales de justice pénale les plus élevées Répondant là à la demande du gouvernement libanais, le Conseil de Sécurité s'est unanimement prononcé pour la création de ce tribunal. [...]
[...] Au Liban, il suffit de constater que les premiers défendeurs du Tribunal sont Saad Hariri, fils de Rafic Hariri et chef de la majorité parlementaire, et Fouad Siniora, Premier Ministre, et que ses premiers pourfendeurs sont le Président Lahoud et le Président du Parlement, pour constater l'impasse totale dans laquelle le projet de création du Tribunal se trouve aujourd'hui embourbée. Le Tribunal comme instrument juridique ou arme politique ? Face à ses hésitations, on peut se demander si le Tribunal à caractère international constitue-t-il réellement un besoin juridique, ou une arme politique ? [...]
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