La démocratie peut être définie comme un régime fondé sur un fort élément de participation populaire. C'est-à-dire dans lequel les décisions sont non seulement supposées émaner de la masse des gouvernés ? ce qui est le cas de presque tous les régimes, car même les plus brutaux des tyrans prétendent agir au nom du peuple, de la nation, des prolétaires, etc. ?, mais où cette origine est garantie par la participation effective d'une part importante des gouvernés à la prise des décisions ou à la désignation de ceux qui les prennent. Si l'on s'en tient à cet élément, elle est un mode ancien d'organisation du pouvoir politique dont les premières formes s'observent dans l'antiquité : la République romaine (5e-1er siècles av. JC) et surtout l'Athènes du 5e siècle av. J.C. Sans doute cet élément central justifie-t-il à lui seul que l'on utilise le même terme pour désigner ces régimes antiques (fort différents) et les démocraties contemporains. Mais on perd alors de vue tout ce qui distingue la démocratie athénienne des démocraties modernes. Celles-ci, en effet, se caractérisent par deux traits radicalement étrangers à la première. D'abord, elles sont des régimes représentatifs, alors qu'Athènes est (essentiellement) une démocratie directe. Ensuite, elles apparaissent comme des régimes libéraux, se donnant pour but la reconnaissance, l'établissement et la préservation de la liberté des gouvernés. Sans doute, l'Athènes classique était-elle aussi un régime de libertés ? que ses citoyens, en tout cas, voyaient comme tel. Mais ce sont deux conceptions différentes de la liberté qui sont au coeur de chacun de ces régimes, et rien n'est plus étranger à la démocratie antique que le libéralisme d'où naissent les démocraties modernes.
1. DES DÉMOCRATIES LIBÉRALES
A partir de la fin du 17e siècle, le libéralisme se déploie à la fois comme critique de l'ordre politique ancien, visant autant l'absolutisme monarchique que la société d'ordres qu'il domine, et comme proposition d'un ordre nouveau, remettant en cause autant les fondements du pouvoir que ses formes.
A. Fondements humains et indétermination du politique
Convoquer Machiavel et Hobbes pour éclairer les origines du libéralisme semble paradoxal. Le premier parce qu'il aurait "tout justifié", libérant les princes des entraves de la morale et du droit, le second parce qu'il aurait, en "théorisant" l'État absolu, ouvert la voie à toutes les oppressions, semblent de piètres défenseurs des libertés individuelles. Ils participent pourtant tous deux d'une rupture intellectuelle décisive. Détachant le politique des transcendances supposées en guider l'action (la religion, la morale, le droit naturel, etc.), Machiavel affirme qu'il trouve en lui-même ses propres fondements (...)
[...] Le principe représentatif sur lequel ils se construisent s'inscrit entre deux conceptions radicales de la représentation. En effet, la représentation (politique) peut être définie comme l'institution d'un “tenant la désignation d'un acteur, individuel ou collectif, habilité à parler et agir en lieu et place de celui ou ceux qu'il représente, quelles que soient les raisons pour lesquelles on estime préférable ou nécessaire d'en passer par cette médiation et quelles que soient les modalités de cette désignation (tirage au sort, cooptation, élection . [...]
[...] Trois principes décisifs pour la mise en place et la construction des régimes Une séparation des opinions et du pouvoir. Le démocratiques se dessinent ainsi : pouvoir est neutre, sans opinion. En retour, les opinions seront sans pouvoir, Le contrat social pose les fondements humains cantonnées dans la sphère privée du pouvoir politique, contre toute transcendance, assimilée au choix d'une opinion contre une autre. Par là, une porte est ouverte au primat de la volonté des individus dans l'organisation politique. [...]
[...] Ce n'est bien sûr pas à cette réalité mal connue qu'est comparée la démocratie représentative, mais à une vision floue et idéalisée d'un système où chacun participerait directement et réellement à la prise des décisions politiques. Cette comparaison conduit à mettre en exergue deux craintes inhérentes au système représentatif. La crainte d'une dépossession des gouvernés, détenteurs théoriques de la souveraineté, d'une captation du pouvoir par les représentants. Dépossession qui, pour Rousseau, est inscrite dans le projet même d'une représentation de la volonté19. [...]
[...] Pourtant, la mise en œuvre de ce régime de libertés ne va pas de soi, se heurtant dès l'origine au principe de l'égalité qui découle des théories contractualistes et que consacrent les déclarations des droits. Bien sûr, cette égalité ne s'entend pas comme une égalité de condition. Affirmer l'égalité des citoyens, c'est dire qu'ils sont égaux en tant que sujets du droit et, après l'avènement du suffrage universel, en tant qu'acteurs politiques. Mais ces deux principes se contredisent en partie. [...]
[...] Ainsi les conceptions initiales de la liberté sur lesquelles se sont définies les démocraties libérales, construites contre le pouvoir de l'État, se heurtent-elles, avec une violence et des conséquences variables, aux exigences de l'égalité qui en appellent l'intervention DES DÉMOCRATIES REPRÉSENTATIVES A. Le choix de la représentation La force du mythe athénien, l'idéalisation de la démocratie directe et de la volonté de participation des citoyens conduisent souvent à n'envisager la démocratie représentative que comme un pis-aller. Un second choix auquel contraindraient la dimension des États modernes et le nombre des citoyens. [...]
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