« L'enthousiaste ignorant n'est pas un homme, c'est la plus terrible des bêtes féroces ». Condorcet, dont l'esprit mathématique ne cessera d'être, porte ici une réflexion sans équivoque : le calcul, la raison contre le sentiment incontrôlé. Tant d'hommes de lettres, de savoir, d'érudition ont évoqué leur attachement à l'instruction. Carnot, Romme, Arbogast, Condorcet évidemment, mais aussi Rousseau, ou encore Auguste Comte. Ces hommes qui formèrent le comité spécial de l'Instruction Publique étaient tous conscients en leur for intérieur que seul l'homme éclairé pouvait maîtriser son destin, que le pouvoir sans le savoir est le pire des despotismes.
[...] Ces hommes qui formèrent le comité spécial de l'Instruction Publique étaient tous conscients en leur for intérieur que seul l'homme éclairé pouvait maîtriser son destin, que le pouvoir sans le savoir est le pire des despotismes. Ainsi, ces hommes des Lumières choisirent le terme d'instruction. L'instruction et non la simple éducation. L'instruction qui commande et qui explique à la fois, l'instruction qui décrit à travers l'homme l'action, le comportement, la méthode. L'instruction qui s'adresse à l'homme en tant qu'homme L'instruction qui l'élève au lieu de le confondre dans l'ignorance de ce qu'il est, dans l'ignorance qu'il se fait du monde. [...]
[...] En 1860, Charles Dollfus dans Liberté et centralisation prit toute la mesure de la problématique universaliste : L'élection élargie est une arme redoutable, sujette à de funestes explosions entre les mains de l'ignorance La souveraineté nationale apparaissait donc comme un bon moyen de maîtriser cette ignorance, d'autant plus que la souveraineté populaire, contrairement à la pratique de la Ve République, ne s'exprimait jamais, ni à travers le référendum, ni même à travers l'élection du Président de la République. De plus, on ne saurait ignorer le danger d'une démocratie ignorante. Le pouvoir au moins d'un peuple s'il n'est pas éclairé est tout aussi dangereux que celui d'un seul homme. S'imagine-t-on qu'il y ait dans le nombre une vertu magique et qu'il suffise d'assembler les hommes pour les rendre infaillibles ? [...]
[...] Il s'agit d'un suffrage par la connaissance, par l'instruction. Le suffrage censitaire qui reposait théoriquement sur la fortune supposait de ce fait une certaine instruction des citoyens redevables. Leur condition sociale suggérait une éducation suffisante, une instruction évidente. Cela s'avérait d'autant plus pour les citoyens nobles, qui, de par leur condition recevaient une instruction dispensée par la religion. Il convient d'ailleurs de s'attarder quelques instants sur ce point. On peut en effet considérer que la religion catholique fît clairement défaut à l'instruction des jeunes citoyens, quelle que soit leur condition. [...]
[...] Cependant, certains savent sans doute plus et mieux que d'autres. Cette inégalité de fait est réelle. Mais entraîne-t-elle nécessairement une inégalité de droit ? C'est pourquoi aujourd'hui encore l'instruction civique que nous recevons est indispensable dans une société où l'élite politique ne cherche plus à être légitimée par le for intérieur de chacun, mais plutôt par l'opinion qu'elle fait d'elle-même, la fausse opinion publique véhiculée par les médias. L'instruction est donc aujourd'hui encore le seul remède à la manipulation des esprits, à la naissance d'un suffrage corrompu. [...]
[...] Le suffrage a-t-il besoin de l'instruction ? L'instruction peut-elle exister sans ressentir le besoin du suffrage ? Sans doute l'un privé de l'autre confère à la société qui le porte une certaine aliénation. L'homme éclairé saurait-il supporter de n'être qu'une marionnette indifférente et le pouvoir de n'appartenir qu'à l'ignorance ? Les méandres de l'histoire et des faits sociaux ne conjuguèrent pas toujours au mieux la relation fusionnelle qui unit ces deux principes. On peut donc s'interroger sur les liens qui unirent le suffrage à l'instruction, ou comment la volonté d'une souveraineté large et solide s'associe-t-elle à la connaissance de ses détenteurs ? [...]
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