Dans son rapport sur la modernisation des politiques publiques, Eric Woerth pointait le coût financier des contrats conclus entre collectivités territoriales et Etat, ceci démontrant un scepticisme ambiant envers la contractualisation de l'action administrative. Pourtant, le contrat a longtemps été considéré comme un moyen sans commune mesure pour les autorités publiques de résoudre certains problèmes. Elles ont donc conclu toutes sortes de contrats avec des personnes privées, mais aussi entre elles. On parle aujourd'hui de contractualisation de l'action administrative qui est une forme d'institutionnalisation du contrat, une généralisation et une pérennisation de la relation contractuelle. Cette passion pour le contrat peut sembler paradoxale à divers égards. Le contrat constitue surtout le mode juridique de droit commun des relations entre personnes privées. Il n'est donc pas le mode premier d'intervention de la puissance publique qui lui a longtemps préféré l'acte unilatéral. De plus, les fondateurs de la Ve République souhaitaient renforcer les pouvoirs et les moyens de l'administration, ce qui impliquait l'utilisation de la prérogative de puissance publique et non la recherche du consentement de l'administré. C'est la loi Debré de 1959 qui a mis en place un réseau de contrats, et s'en sont suivies trois phases de développement du recours au contrat par l'administration : une phase de 1960-1982 : celle de l'économie contractuelle qui s'est traduite par la planification, une seconde phase de 1982-1992 avec l'administration territoriale, et une phase de 1992 à nos jours : l'époque du tout contractuel. Cependant, cette contractualisation de l'action administrative n'est pas sans limites et elle est aujourd'hui fortement critiquée.
Dès lors, le recours systématique par les autorités publiques au contrat qui comporte bon nombre de spécificités par rapport au contrat de droit privé doit pourtant être respectueux d'un certain nombre de critères afin que la contractualisation de l'action administrative ne constitue pas une « néo-centralisation ».
[...] B D'un contrat d'adhésion à un partenariat encadré et transparent La relation entre l'autorité publique et son cocontractant est parfois le reflet d'un contrat d'adhésion qui traduit un retour à la centralisation, au féodalisme La négociation et le contrat sont des points de passage obligés pour accéder à certains avantages : sans contrat, il n'y a pas de crédits, ou une diminution des crédits. Le cocontractant de l'autorité publique doit se soumettre au pouvoir de modifications unilatérales Compagnie française des tramways, 1910). La défaillance du cocontractant de l'administration n'est admise qu'à certaines exceptions. Ainsi, en cas de bouleversement définitif de l'économie du contrat extérieur à la volonté des parties, il s'agit d'un cas de force majeure et à défaut d'accord amiable, la résiliation du contrat peut être demandée aux juges par les parties. (CE décembre 1932 Compagnie de tramways de Cherbourg). [...]
[...] Ainsi, il existe une interdiction de transférer à un tiers le pouvoir de décision (CE septembre 1983, Fédération départementale des associations agrées de pêche de l'Ain), interdiction de prendre un engagement sur une décision à venir (CE janvier 1981, Siméon, concernant la promesse de nommer un fonctionnaire, CE février 1956, Leduc, concernant la délivrance d'un permis de conduire, CE janvier 1961, Barbaro, concernant l'interdiction de modifier l'organisation d'un service public), interdiction de substituer le contrat à l'acte unilatéral (CE mars 1985, Assoc. Les Amis de la Terre, CE juin 1995, Min. Cult. Association Défense Tuileries). [...]
[...] Ensuite, il existe des contrats Etat-entreprises publiques. Enfin, des conventions peuvent être conclues avec des personnes privées ou avec personnes privées non chargées d'un service public (conventions entre les organismes représentatifs des professions de santé et les caisses nationales de sécurité sociale qui avant ne pouvaient constituer des contrats administratifs, car conclues par des caisses primaires, organismes de droit privé : CE décembre 1963, syndicat des praticiens de l'art dentaire du Nord, mais depuis 1974, ce n'est plus le cas : CE octobre 1974, Confédération nationale des auxiliaires médicaux). [...]
[...] La contractualisation est le reflet d'une volonté de rechercher une alternative à l'acte unilatéral. La collaboration l'emporte ainsi sur l'autoritarisme. Il s'agit de développer les responsabilités et l'autonomie des services. C'est par exemple le cas du programme de renouveau du service public dont le point de départ fut la circulaire du Premier ministre du 23 février 1989. La volonté de développer l'autonomie des personnes publiques conduit à mettre en place des centres de responsabilité dans le cadre desquels sont élaborés les projets de service qui définissent des objectifs et des moyens et font l'objet d'un contrat signé entre l'administration centrale et les services déconcentrés. [...]
[...] A Les limites quantitatives et qualitatives au développement de la contractualisation de l'action administrative Le développement du recours au contrat également limité par un souci de cohérence de l'action administrative. La multiplication des contrats est en effet accusée de créer la confusion, notamment en matière de partenariats contractuels locaux. Certains critiquent le manque de cohérence, voire le désordre indescriptible qui en résulte, pour reprendre les propos de M. Hecquard-Théron qui dénonce la multiplication des procédures contractuelles. Par conséquent, ces procédures ne peuvent indéfiniment se développer, car leur foisonnement peut nuire à la cohérence des politiques. [...]
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