La notion de légitimité est ambiguë. Au sens strict, il s'agit du droit fondé sur l'hérédité de la couronne. Plus largement, la légitimité peut aussi être ce qui "fondé en droit" ou ce qui est "conforme à l'équité, à la raison, aux règles établies, à la tradition". Le terme renvoie également à "des actions d'éclat, des services rendus ou une adhésion populaire dont peut se réclamer un chef d'Etat et qui fondent son autorité" (Dictionnaire de l'Académie française). Le Roi du Maroc est l'héritier de la dynastie alalouite, qui règne sur le pays depuis près de trois siècles. Il est par ailleurs le "Commandeur des croyants" (Amir Al Mouminine), exerçant une autorité morale sur la communauté musulmane. Quant à sa légitimité politique, elle se manifeste traditionnellement dans l'allégeance (bay'a), acte de soumission par lequel les notables et les chefs de tribus reconnaissent l'autorité du Roi.
Le Maroc est un protectorat depuis 1912, c'est-à-dire qu'il est sous le gouvernement indirect d'une puissance étrangère. Les institutions locales sont conservées, mais s'y superpose une administration coloniale aux mains d'un résident général qui détient les leviers du pouvoir. La spécificité marocaine réside donc dans la continuité de l'institution monarchique sous l'administration française. Ainsi, au moment où l'indépendance est proclamée, le 2 mars 1956, le Roi du Maroc va devoir répondre à un certain nombre de défis.
En effet, l'expérience coloniale n'a-t-elle pas modifié les données de l'autorité royale ? La légitimité du Roi est-elle acquise et incontestée au sein du Maroc indépendant ?
Nous allons tâcher de considérer en trois parties les différents jeux d'affirmation de la légitimité royale depuis l'indépendance. Ils correspondent aux trois souverains qui se sont succédés depuis 1956 - Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI. Chacun d'entre eux évolue dans un contexte bien particulier qui nécessite par conséquent une réponse adaptée.
[...] En 1960, Mohammed V parvient à faire entrer au gouvernement Allal el Fassi ; ainsi, l'Istiqlâl, qui voulait contrer l'influence de l'UNFP (Union nationale des forces populaires), l'aile gauche du parti qui avait fait scission en 1959, réduit ses marges de manoeuvre vis-à-vis de Mohammed concédant par là "une rupture de l'équilibre en faveur de la monarchie" (Vermeren). Sans coup de force, l'institution monarchique a donc réussi à prendre le contrôle du pouvoir et à s'imposer en éliminant son principal adversaire, celui-là même qui avait contribué à construire sa légitimité politique. II. La légitimité monarchique face aux revendications démocratiques 1. Hassan II, la reprise en main du pays face à l'opposition Afin de préparer sa succession, Mohammed V avait pris soin de désigner Moulay Hassan prince héritier lors d'une cérémonie d'intronisation en 1957. [...]
[...] Dans un autre hadith, le Prophète précise que le sultan est l'ombre de Dieu sur terre ; celui qui lui circonvient est un égaré et celui qui emprunte sa voie est sur le droit chemin". . ] Nous chorfa, oulémas, notabilités, hommes et femmes, jeunes et vieux avons décidé donc à l'unanimité de renouveler à amir al-mouminine, défenseur de la foi et de la nation, SM le roi Hassan II, le serment d'allégeance comme l'avaient fait nos pères et ancêtres aux souverains alaouites". Source Mohamed Tozy, Monarchie et Islam politique au Maroc, Presses de Sciences-Po, Paris, 1999. [...]
[...] Ce dernier rédige un manifeste réclamant l'indépendance. Sidi Mohammed comprend rapidement qu'il a tout intérêt à s'allier aux nationalistes, qui contribuent par leurs revendications à renforcer sa légitimité politique face aux autorités protectorales. Fort d'un nouveau soutien populaire, il adopte désormais une position de fermeté face à la résidence. Ainsi, comme le précise Pierre Vermeren, "cette alliance inattendue fut scellée jusqu'à l'indépendance, et l'Istiqlâl devait faire du sultan Sidi Mohammed le roi du Maroc, titre qu'il prendra officiellement le 15 août 1957". [...]
[...] Il va s'appuyer sur un certains nombre de forces hostiles à l'Istiqlâl, dont le discours se radicalise (il demande le départ des soldats étrangers, une réforme agraire, la redistribution des terres et une changement démocratique). C'est donc sur les forces armées et les élites rurales que la monarchie va s'appuyer pour contrer son adversaire. La bourgeoisie rurale possédante voit en effet d'un mauvais oeil les velléités de bouleversement de l'ordre établi de Ben Barka. Ainsi, selon les mots de Pierre Vermeren, "le Palais, relativement isolé malgré son aura politico-religieuse, est rejoint par une quantité croissante de fidèles effrayés par la tentation hégémonique" de l'Istiqlâl. [...]
[...] Les premières élections ont lieu en 1998 et laissent enfin place à l'alternance. El Youssoufi, le leader de l'USFP (Union socialiste des Forces Populaires, résultant d'une scission de l'UNFP), devient premier ministre. Ainsi, la participation de l'ensemble des forces partisanes au processus de décision politique montre que ces dernières reconnaissent définitivement la légitimité politique de la forme monarchique de gouvernement. Le 23 juillet 1999, Hassan II meurt et son fils Mohammed VI monte sur le trône. Les premiers temps du règne du jeune roi sont marqués par un véritable "état de grâce", car Mohammed VI bénéficie d'une solide assise populaire. [...]
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