« Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. » Cette prédiction d'Ernest Renan, vieille de plus d'un siècle, nous montre que les identités nationales sont en mouvement perpétuel. Dans les années 60 et 70, le développement et le renforcement des systèmes d'alliance entre les nations ainsi que le développement d'organisations internationales voire supranationales ont pu amener certains historiens à affirmer que l'on entrait dans une période post-nationale. En effet, l'Europe comme construction politique entretient un rapport complexe avec les nations qui la constituent. Qu'en est-il des identités nationales dans un tel contexte ?
La notion d'identité est multidimensionnelle ; elle peut se réduire à l'unité comme elle peut se rapporter à un groupe auquel l'on s'identifie, les caractéristiques du groupe et de la personne qui s'y identifie étant suffisamment semblables ou similaires pour que l'identification se fasse. Ainsi, dans le premier cas, l'identité est un moyen de distinguer un individu d'un autre, dans le second d'inclure (ou d'exclure) un individu d'un groupe, voire de définir le groupe en question. Partant de là, on comprend bien que l'on puisse se sentir à la fois individu unique, ressortissant de tel pays et ressortissant communautaire à la fois.
Le Préambule du Traité Constitutionnel prévoit la création de l'Europe « unie dans sa diversité », et énonce notamment que « les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun ». Comment interpréter le principe d'Europe unie dans la diversité? Existe-il une identité européenne? Si oui, peut-elle coexister avec les identités nationales ou tend-elle nécessairement à effacer les particularismes?
Pour répondre à ces questions, nous analyserons l'émergence de l'identité européenne comme nouvelle référence au-delà des identités nationales puis nous verrons que l'Europe des Nations cohabite avec les identités nationales, voire les renforce.
[...] Or, la construction européenne ne modifie pas ces différences de perception et donne lieu plutôt à une meilleure définition de l'identité nationale par la confrontation à l'altérité. Ainsi, certains opposants à la construction européenne présentent fréquemment l'identité ethno-culturelle, dimension la plus visible de l'identité nationale, comme étant menacée. Or ce qui crée effectivement la frontière entre deux groupes ethno-culturels, ce sont moins les différences culturelles que la volonté de se différencier par des marqueurs culturels de l'identité. Le contexte socio-économique et politique influe largement sur cette frontière mouvante. [...]
[...] La construction européenne menace-t-elle les identités nationales ? Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Cette prédiction d'Ernest Renan, vieille de plus d'un siècle, nous montre que les identités nationales sont en mouvement perpétuel. Dans les années 60 et 70, le développement et le renforcement des systèmes d'alliance entre les nations ainsi que le développement d'organisations internationales voire supranationales ont pu amener certains historiens à affirmer que l'on entrait dans une période post-nationale. [...]
[...] Les fédéralistes insistent sur la nature imaginaire du construit social que représentent les identités nationales. Pour Habermas, qui défend un modèle cosmopolitique, l'identité européenne d'aujourd'hui est postérieure au modèle des états nations et se formerait par dissociation entre l'identité politique et culturelle. Le projet européen produirait une identité politique essentiellement basée sur l'universalisme de la démocratie et de l'état de droit : l'identité européenne serait donc élargie dans un modèle post-national. Cependant, le renforcement de cette identité, par le biais d'une implication citoyenne, n'est apparu que tardivement au sein du projet politique européen. [...]
[...] On pose généralement comme principe que la régionalisation a pour effet d'estomper les identités nationales, comme si la construction d'un cadre régional impliquait nécessairement le relâchement de l'intérêt pour l'Etat- nation. L'Union européenne paraît promettre davantage à cet égard. Elle constitue un système de gouvernement résolument nouveau et polycentrique, déconnecté, au moins en partie, de ses éléments nationaux ; mais son influence sur le nationalisme n'est pas univoque. En effet, la perception faussée d'une remise en cause des Etats engendre une crise identitaire à laquelle il faut répondre sous peine de laisser le champ libre aux populismes et mouvements extrémistes qui proposent une appartenance alternative. [...]
[...] Bibliographie Benedict Anderson, L'imaginaire national, Paris, La Découverte Jean-François Bayart, L'illusion identitaire, Paris, Fayard Robert Frank (dir.), Les identités européennes au XXe siècle : diversités, convergences et solidarités, Paris, Publications de la Sorbonne Robert Frank, Rosalind Greenstein (dir.), Gouvernance et identités en Europe, Collection Axes, Bruxelles, Bruylant S. DUCHESNE, A.P FROGNIER, Sur les dynamiques sociologiques et politiques de l'identification à l'Europe, Revue française de science politique, Presses de Sciences Po, Vol avril 2002. J.D. Medrano, P. Guttierez, Nested identities: national and European identity in Spain. Ethnic and Racial Studies, 2001. [...]
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