Le 7 octobre 1977, le Soviet suprême adopta à l'unanimité la quatrième et dernière constitution soviétique, parfois nommée constitution "Brejnev". Son nom officiel était "Constitution de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques". Le Texte était long et détaillé, il ne comptait pas moins de vingt-huit articles de plus que la constitution soviétique de 1936.
La Constitution soviétique de 1977 fut présentée par le secrétaire général du P.C.U.S. Leonid Brejnev comme un changement, dévoilée au terme d'une longue et très solennelle procédure de révision. Elle exprimait le passage de l'Union Soviétique vers une société socialiste évoluée (ou avancée). C'était une bien curieuse tendance qu'avait la classe politique soviétique des dernières années de l'U.R.S.S., et plus largement la doctrine communiste, de proclamer régulièrement des changements capitaux pour l'avenir, afin en réalité de dissimuler une singulière continuité.
En 1977, le changement tenait en quelques articles liés à l'apparition d'un « Etat socialiste du peuple entier ». Peut-on réellement considérer ses maigres différences comme un bouleversement ? L'affirmation que tout « pouvoir appartient au peuple » ne doit pas en effet s'analyser comme une reconnaissance par le droit soviétique des leçons de Rousseau et comme une allégeance au système démocratique…
Il s'agit en effet plus d'une consécration que d'une réelle rupture. L'idée selon laquelle la société socialiste doit se fonder sur un Etat et doit s'appuyer sur le droit, longtemps honnie, finalement admise comme une concession lors de la rédaction de la Constitution de 1936, était à partir de 1977 un fait acquis : la notion d' « Etat soviétique » apparaît dés les premières lignes de la nouvelle Constitution. Sans doute s'agit-il d'un « Etat de type nouveau » mais il est toutefois reconnu comme « l'instrument essentiel de la défense des conquêtes révolutionnaires, de l'édification du socialisme et du communisme ». Même le fédéralisme, habile solution momentanément acceptée par Staline pour résoudre la lancinante question des minorités, demeure la forme de l'Etat. Enfin, s'il est vrai que le préambule de la Constitution de 1977 relève les progrès accomplis sur le chemin du communisme, le texte repousse l'objectif suprême à un avenir exaltant peut-être, mais surtout indéterminé…
L'innovation de 1977 consistait alors plutôt en une cristallisation constitutionnelle des réalités politiques soviétiques : le rôle déterminant du Parti Communiste, les principes de centralisme démocratique… Ainsi, les textes constitutionnels permettent de se faire une idée de la nature de l'Etat soviétique, et de son organisation dans les années 1970-1980.
[...] Or, il s'agit toujours d'un parti unique, avant-garde combative et éprouvée du peuple C'est un parti peu nombreux[3] pour un parti unique (17 millions de membre sur environ 200 millions de citoyens soviétiques). Les conditions d'entrée y sont sévèrement réglementées. Le parti fonctionne selon un système quasi clanique, qu'illustre bien les trois successions réalisées en moins de trois ans après la disparition de Brejnev (Andropov, Tchernenko, Gorbatchev). Le régime se stabilise peu à peu : le secrétaire du Comité central chargé des départements idéologiques fait figure de second et de successeur du secrétaire général en cas de vacance[4]. C'est un régime de souveraineté partisane. [...]
[...] Mais elle ne traite pas comme inaliénables les droits politiques et socioéconomiques accordés au peuple : les citoyens bénéficient de ces droits uniquement dans la mesure où ils n'interférent pas avec les intérêts du socialisme, et seul le P.C.U.S. a le pouvoir et l'autorité de déterminer la politique du gouvernement et de la société. Ainsi, le droit à la liberté d'expression prévu par l'article 52 peut être suspendu si l'exercice de cette liberté n'est pas en accord avec la politique du Parti. Jusqu'à l'époque de la glasnost, la liberté d'expression ne comprend donc pas le droit de critiquer le gouvernement. [...]
[...] En ce sens, le changement de 1977 revit une dimension internationale : l'Union soviétique est un modèle d'exercice du pouvoir socialiste face aux pays qui en sont encore à la phase précédente de dictature du prolétariat ; elle est une référence pour les mouvements de lutte marxiste à travers le monde ; et elle est un moyen de propagande pour les partis communistes frères, car elle est la preuve que la doctrine fonctionne à merveille au sein du paradis rouge Du même coup, cet Etat socialiste du peuple entier n'est qu'une étape supplémentaire sur le chemin du communisme. Il convient de ne pas s'arrêter en route, le but suprême étant la société sans classe où se développe l'auto-administration sociale communiste comme l'affirme le préambule de la Constitution de 1977. La Constitution établit que tout le pouvoir appartient au peuple. L'Etat ne doit donc être qu'un mode d'exercice du pouvoir du peuple. [...]
[...] En pratique, le fonctionnement de l'Etat nouvellement défini n'est pas modifié par rapport aux pratiques précédentes. Toutefois, la nouvelle Constitution prévoit en substance une certaine forme (atténuée) de démocratie directe pour la confection de la loi. (cf. article 48)[2]. B-Le Parti Communiste, force dirigeante. La Constitution de 1936 n'évoquait que brièvement le rôle dévolu au Parti Communiste. Il n'était mentionné qu'à l'article 126, au titre du droit d'association. Dans la nouvelles Constitution, il est un élément du système politique aussitôt après l'Etat. [...]
[...] Surtout, en pratique, le P.C.U.S. a un rôle unificateur. Il rassemble les peuples et les Républiques d'U.R.S.S. autour du même projet. Les principes du centralisme démocratique tels qu'ils sont réellement appliqués sont difficilement conciliables avec un fédéralisme véritable : la base (les République fédérées) n'interviennent en pratique que peu dans la prise de décision au sommet (pouvoir d'Etat et administration d'Etat). On l'a vu, il n'y a pas, dans la Constitution soviétique de 1977, de ruptures véritables avec la Constitution appliquée antérieurement, celle de 1936. [...]
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