Le 24 décembre dernier Juan Carlos a rappelé à ses compatriotes qu'il était du devoir des partis et des institutions politiques de combattre l'ETA, et ce afin de respecter la constitution qui précise que ces structures doivent « déployer tout les efforts possibles » afin de maintenir « l'unité et la cohésion » que le groupe terroriste met à mal. Ce fait d'actualité est un bon exemple de ce qu'est la constitution espagnole : une constitution de compromis ayant pour but l'unité de l'Etat espagnol (même si celui-ci permet une forte décentralisation).
La constitution du 29 décembre 1978 a été élaborée tout d'abord en opposition au régime précédent, en s'inspirant des modèles européens voisins et en se posant comme un texte de compromis entre les espagnols. En effet, ceux-ci s'étaient déchirés pendant la guerre civile de 1936-1939 qui avait fait 900 000 morts et mené à la victoire de Franco contre les Républicains. Celui-ci mit en place une dictature à parti unique, dictature centralisatrice refusant d'accepter la moindre particularité régionale,… La loi de succession de 1969 désigne Juan Carlos comme le successeur légitime de Franco, le futur roi est en conséquence éduqué et pris en charge par le régime. Franco meurt en 1975, Juan Carlos de Bourbon devient alors roi du Royaume d'Espagne, et paradoxalement, celui que Franco avait choisi pour lui succéder décide de démocratiser l'Espagne, de tourner la page du fascisme. Des changements sont alors entreprit, comme par exemple la réforme politique de 1976 qui reconnaît, entre autres, l'autonomie des régions, donne leur liberté aux partis politiques, met en place l'élection démocratique des Cortès (c'est-à-dire le parlement et le sénat espagnol, l'équivalent du Congrès français). Le régime s'établit donc comme le négatif du franquisme, en totale opposition, ce qui est d'ailleurs souvent le cas des pays qui furent sous le joug d'une dictature (ex : la République Fédérale d'Allemagne, les Etats-Unis dans une certaine mesure).
Le tournant démocratique est complètement franchit avec la constitution de 1978, adoptée par référendum avec 88% de oui pour une participation de 67% (ce qui donne donc à peu près 59% de oui pour la population ayant le droit de vote, donc une réelle majorité de la population a adoptée la constitution). Le régime devient à partir de ce moment vraiment démocratique, et le coup d'Etat raté du colonel Tejero en 1981 prouve bien la victoire de la démocratie et de Juan Carlos qui demande alors aux militaires de cesser cette action anticonstitutionnelle.
La constitution espagnole est donc, comme dans tout autre Etat, le texte supérieur, celui qui organise les pouvoirs et par ricochet la vie politique du pays. La constitution espagnole est une constitution de compromis entre des volontés unitaires et nationalistes, entre des anciens franquistes et des républicains, entre une monarchie et une démocratie. Il est donc intéressant, et important pour comprendre l'Espagne d'aujourd'hui, de voir comment la constitution espagnole érige un régime permettant la coexistence de toutes ces oppositions dans un cadre garantissant à la fois l'unité et le respect des droits fondamentaux, ainsi que le respect des nationalités au sein de cet Etat unitaire.
[...] L'Espagne reste donc un Etat unitaire, en effet le seul ordre constitutionnel complet reste celui de l'Etat central, lui seul a la souveraineté sur la population et le territoire, mais en même temps la décentralisation (plutôt poussée pour un Etat unitaire, ce qui n'est pas le cas de tous comme par exemple en France ou elle est difficile) permet de respecter le vœu de reconnaissance des particularismes régionaux, et donc de politiques adaptées à ceux-ci. L'Etat accepte donc d'être décentralisé et de transférer des compétences aux communautés autonomes, partage que la constitution de 1978 prévoit aussi. [...]
[...] Il y a donc encore là un certain vœu de compromis, après un régime décidant de façon unilatérale. La constitution espagnole met donc en place un Etat unitaire bénéficiant d'une décentralisation aboutie, ce qui n'empêche malheureusement pas les dérives de certains groupes considérant l'autonomie encore trop faible, ou alors refusant même de faire partie de l'Etat unitaire, donc ne reconnaissant pas de ce fait la constitution (ce qui est le cas de ETA). En théorie le modèle parait donc parfait, mais en pratique il comporte certaines limites et aussi des risques de déviances futures (la question de la division des compétences faisant toujours débat). [...]
[...] Ces droits, comme le reste des principes précédemment évoqués, s'inspirent largement, et font la synthèse des autres droits européens. Les droits d'égalité devant la loi, à la vie et à l'intégrité physique et morale à la liberté et à la sécurité (sorte d'Habeas corpus élargi), à la liberté d'expression, à l'association, sont ainsi constitutionnalisés, mais ils restent des idéaux vers lesquels on se doit de tendre. La constitution espagnole constitutionnalise également des droits sociaux et économiques, ceux-ci doivent obligatoirement être réalisés. [...]
[...] Cependant, cette volonté semble mise à mal aujourd'hui avec la recrudescence des organisations terroristes telles ETA, ne reconnaissant pas la constitution, donc ne souhaitant pas faire partie du compromis démocratique rationalisé formalisé par ce texte. Bibliographie Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique de droit constitutionnel, collection Que sais-je ? PUF (127p) Stéphane Rials, Textes constitutionnels étrangers, collection Que sais-je ? PUF (127p) Jean Gicquel et Jean-Eric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Domat droit public, Montchrestien, 20ième édition (790p) Olivier Duhamel, Droit constitutionnel 2. [...]
[...] Le président du gouvernement a aussi le droit constitutionnel (article 115) de dissoudre les Cortès generales, dissolution qui sera alors déclarée par le roi ; seule limite : on ne peut procéder à une dissolution si la dernière date de moins d'un an. Cette dissolution peut aussi être politique (comme en Angleterre), ce qui fut le cas en 1993. Mais le parlement, second organe de la vie politique espagnole, dispose lui aussi d'une arme constitutionnelle : la motion de censure. [...]
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