Le Conseil d'Etat est une des institutions françaises les plus originales. Juridiquement simple service du ministère de la Justice, il est dans la pratique d'une très grande indépendance. Par les fonctions capitales qui sont les siennes (conseiller du gouvernement, juge administratif en dernier ressort et vivier d'administrateurs), il se révèle indispensable au bon fonctionnement de nos institutions et à la garantie de l'Etat de droit. Il est servi pour cela par le premier corps constitué de l'Etat, celui des conseillers d'Etat. Malgré leur rôle juridictionnel important ces conseillers ne sont pas des magistrats, mais des fonctionnaires de l'administration. Nous devons donc nous demander dans quelle mesure une institution administrative comme le Conseil d'Etat a pu devenir le principal garant de l'Etat de droit en France. Pour tenter de répondre à cette question, nous verrons que le Conseil d'Etat est une institution héritée de l'histoire administrative de la France et du Conseil du Roi d'Ancien Régime (1), mais qu'il est devenu, en rupture avec cet héritage, un garant majeur de l'Etat de droit dans notre pays (2).
[...] La dernière révocation d'un conseiller d'Etat date de 1960, avec la révocation par le général de Gaulle du conseiller Jacomet pour ses prises de position hostiles à sa politique algérienne. Ainsi le Conseil d'Etat est-il devenu au fil des ans le premier garant de l'Etat de droit en France. Son indépendance, garantie par la loi et la tradition institutionnelle de la France (on ne révoque plus les conseillers d'Etat, même si les textes le permettent), lui donne le pouvoir d'arbitrer sereinement entre les intérêts particuliers des citoyens, qu'il se doit de défendre, et l'intérêt général, qui est le fondement de l'action de l'administration qu'il doit contrôler. [...]
[...] En effet, contrairement au Conseil du Roi, le Conseil d'Etat ne peut connaître que le contentieux administratif. C'est la mise en pratique du principe de la séparation des pouvoirs : juger l'administration serait une ingérence du pouvoir judiciaire dans les prérogatives du pouvoir exécutif. Notons que le Conseil d'Etat napoléonien est sous l'étroite dépendance du premier consul : tout comme feu le Conseil du Roi, il ne peut que donner des avis, tant en matière administrative que juridictionnelle. Libre à ce dernier de les mettre en pratique ou non. [...]
[...] Ce dernier arrache aussi à l'administration des Finances le jugement de ses fonctionnaires (la plupart des fonctionnaires français). Cependant le Conseil d'Etat ne prend sa forme moderne qu'avec le Consulat. Les révolutionnaires avaient logiquement supprimé le Conseil du Roi, mais sans lui substituer une autre institution. Napoléon comble ce vide juridictionnel en instituant le Conseil d'Etat par l'article 52 de la Constitution de l'an VIII. Avec ce texte, la dualité de juridiction qui fait l'originalité de notre système judiciaire est instaurée. [...]
[...] Suite à la querelle des Parlements, qui revendiquaient de pouvoir juger l'administration royale, Richelieu impose en 1641 l'Edit de Saint-Germain- en–Laye, qui pose le principe de la séparation des juridictions administrative et judiciaire dans le royaume : le roi peut juger tous les contentieux du royaume compris ceux qui dépendent de l'ordre judiciaire), mais lui seul juge l'administration. Ne pouvant mal faire, son administration ne peut être jugée que par son Conseil. Ce déséquilibre traduit une certaine conception du droit : retenir la justice administrative permet de limiter la responsabilité de l'administration, dans la mesure où il n'existe pas de droit administratif. Les arrêts du Conseil ne font que refléter les intérêts de l'administration sans faire grand cas de ceux des particuliers. L'intérêt général, c'est-à-dire l'intérêt centralisateur du souverain, l'emporte sur les intérêts particuliers. [...]
[...] Du Conseil du Roi au Conseil d'Etat : la difficile instauration de l'Etat de droit en France Le Conseil d'Etat est une des institutions françaises les plus originales. Juridiquement simple service du ministère de la Justice, il est dans la pratique d'une très grande indépendance. Par les fonctions capitales qui sont les siennes (conseiller du gouvernement, juge administratif en dernier ressort et vivier d'administrateurs), il se révèle indispensable au bon fonctionnement de nos institutions et à la garantie de l'Etat de droit. [...]
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