Michel Debré, l'un des pères fondateurs de la Constitution de la Vème République, annonçait dans son discours du 27 août 1958 devant le Conseil d'Etat que la constitution avait créé une « arme contre la déviation du régime parlementaire ». Cette arme, c'est le Conseil constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel est une innovation majeure et sans précédent du régime qui naît en 1958 (le Comité constitutionnel de la constitution de 1946, que l'on considère souvent comme le modèle du Conseil constitutionnel était en réalité très faible). Composé de neuf membres nommés par les plus hautes autorités représentatives de l'Etat, le Conseil constitutionnel a pour fonction de contrôler dans les conditions fixées par la constitution un certain nombre de normes et de lois. La Vème République parachève ainsi le processus de constitutionnalisation du droit qui avait commencé au lendemain de la Révolution française de 1789 : si les constitutions garantissant les droits des citoyens existaient depuis cette date, aucun organe n'était en mesure de les protéger. C'est à présent chose faite. Le Conseil constitutionnel garantit désormais une hiérarchie ; au sommet de la pyramide du droit, il fait office d'autorité juridictionnelle suprême. Cependant force est de constater que la place du Conseil constitutionnel a énormément évolué au cours de l'histoire de la Vème République. Ainsi François Mitterrand, président de la République de 1981 à 1995, le considérait en 1978 comme « l'instrument politique du pouvoir politique » (extrait de L'Unité, 23 juin 1978), servile et obéissant. Dix ans plus tard il reconnaît que le Conseil constitutionnel « dispose de grands pouvoirs » (revue Pouvoirs,n°45, PUF, avril 1988).
Il semble donc que le Conseil constitutionnel a eu à s'imposer dans les institutions de la Vème République. Son rôle a peu à peu dépassé celui que lui assignaient les constituants de 1958 : au départ organe de régulation du Parlement issu de la volonté de subordonner la loi à la constitution, le Conseil constitutionnel est devenu par la suite le garant des droits et des libertés de l'individu, lui donnant un prestige indéniable.
On peut se demander quels ont été les facteurs qui ont contribué à cette montée en puissance. Dans quelles mesures le Conseil constitutionnel est-il aujourd'hui le garant véritable de l'Etat de droit ?
Nous verrons dans une première partie l'évolution du rôle et de l'importance du Conseil constitutionnel dans le régime politique de la Vème République, qui se traduit par l'affirmation progressive de son autorité juridictionnelle. Ensuite nous essayerons de voir en quoi le Conseil constitutionnel est devenu le garant de l'Etat de droit et de la démocratie, en envisageant ses différentes attributions. Mais il nous faudra également avoir un point de vue critique sur cette institution ; c'est pourquoi nous examinerons ses limites.
[...] Le Conseil constitutionnel devient ainsi véritablement un organe de limitation du pouvoir politique. 2)Une autorité respectée Peu à peu le Conseil constitutionnel se dégage des influences politiques. Il s'affirme à la marge des querelles partisanes et n'hésite plus à censurer le pouvoir en place. Ainsi, il limite les réformes de nationalisation de la gauche comme celles de privatisation de la droite. Cette marche vers l'autonomie est facilitée par la durée des mandats très longue ans) et par l'alternance au pouvoir qui intervient en 1981. [...]
[...] Mais Le Conseil constitutionnel a réussi à s'imposer à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat ; ainsi le 25 avril 1985 la Cour de cassation modifiait sa jurisprudence et adoptait l'interprétation que donnait de l'article 66 le Conseil constitutionnel. De même après des divergences le Conseil d'Etat a fini par aligner sa jurisprudence concernant l'article 55 (primauté des engagements sur les lois françaises) avec l'arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. Le Conseil constitutionnel a donc peu à peu acquis son autorité au sein des institutions de la Vème République. [...]
[...] Ce mode de contrôle, qui existe aussi dans d'autres pays européens, a l'avantage d'inclure la société civile dans le contrôle de constitutionnalité et toutes les lois peuvent être potentiellement susceptibles de contrôle. En France, l'exception d'inconstitutionnalité existe, mais elle est très limitée : les conditions sont strictes (décision du 25 janvier 1985), le contrôle après promulgation ne peut intervenir qu'à l'occasion d'une loi modificatrice de la loi dont la régularité est contestée. L'étendue du contrôle constitutionnel est donc plus restrictive qu'aux Etats-Unis. [...]
[...] Cette subordination au pouvoir politique en place leur ôtait toute crédibilité, d'où la critique acerbe de François Mitterrand. La maturation Le temps passa ; le Conseil constitutionnel apprit à fonctionner selon la rigueur du Droit et à se dégager de l'emprise politique. Mais c'est surtout deux décisions essentielles de 1971 et de 1974 qui vont véritablement révolutionner la place du Conseil. 1)Les deux étapes des années soixante-dix Avant 1971 le Conseil constitutionnel jugeait de la conformité des lois par rapport à la référence très stricte du texte constitutionnel seul. [...]
[...] De plus, le Conseil constitutionnel exerce une surveillance indirecte de l'exécutif par les décisions de conformité sans réserve. Cette jurisprudence est récente ; en rendant ses décisions, le Conseil constitutionnel rend aussi des décisions prescriptives, c'est-à-dire qu'elles indiquent au gouvernement comment appliquer la loi selon sa propre interprétation. C'est une sorte de surveillance pour l'application à venir de la loi reconnue conforme à la constitution (le Conseil constitutionnel place ainsi le gouvernement sous la surveillance du Conseil d'Etat qui peut le censurer). [...]
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