La période que je vais traiter s'étend de 1993 à 2002. Durant ces neuf années, trois présidents ont régné sur la Côte d'Ivoire : Henri Konan-Bédié de 1993 à 1999, le Général Robert Gueï de 1999 à 2000, et finalement Laurent Gbagbo qui est au pouvoir depuis 2000 et y est encore aujourd'hui.
Mon but est de décrire et qualifier les évènements qui se sont déroulés entre 1993 et ces dernières années en Côte d'Ivoire par le biais du concept d'ivoirité. Je vais utiliser ce concept d'ivoirité pour essayer de vous montrer le rôle qu'il a joué dans la crise ivoirienne. Comment a-t-il été mis en place ? Par qui a-t-il été mis en place ? Pourquoi a-t-il été mis en place ? Quelles sont les dérives que l'on a pu observer ? La question à laquelle je vais tâcher de répondre est celle-ci : Comment la mise en place d'une tactique politique telle que le concept d'ivoirité a mené la Côte d'Ivoire à cette mise à l'écart d'une partie de sa population ? A priori, je dirais que ce concept a été l'élément déclencheur de la crise et que la stratégie intelligemment mise en place et utilisée par les différents leaders au pouvoir a conduit à de la discrimination. « Ce n'est pas comme les idéologues naïfs le croient, un manque d'expérience politique dont l'Afrique souffre, mais plutôt l'excès de stratégies politiciennes.»
Je pense également que c'est une conjoncture particulière qui a rendu ces évènements aussi néfastes et qui a fait qu'ils se sont enchainés et ont mené à une crise internationale. « Un certain nombre de décisions et d'initiatives prises par les trois leaders qui se sont succédés au pouvoir de 1993 à 2003 consacrent l'orientation tribaliste de l'action dite démocratique. Ce sont pour les plus importantes : la loi foncière votée par l'Assemblée nationale en 1998, l'instauration de la carte de séjour, la fin du vote des étrangers, la proclamation de l'ivoirité par Bédié, la nouvelle Constitution, la loi sur l'identification. »
J'ai pris délibérément la décision de ne pas me focaliser sur les massacres et de ne pas les expliquer, j'y ferai donc simplement référence. Ma décision est motivée par le fait que je pense que cela n'apporterait rien au travail. En effet ce n'en est pas l'objet et cela n'aiderait en rien à comprendre la situation et ce qui y a mené.
Mon travail va s'articuler autour de plusieurs parties. Je vais premièrement vous présenter les différents clivages (ethniques et religieux) que l'on retrouve en Côte d'Ivoire. Ensuite, je vais faire un bref historique de la situation depuis l'indépendance, et je vais expliquer l'ère d'Houphouët-Boigny, ceci dans le but de vous exposer la situation du pays avant la mise en place du concept d'ivoirité par Henri Konan Bédié. Ensuite, nous arriverons à la partie qui traite et analyse réellement ce concept, je vais donc l'expliquer et tâcher de définir en quoi il consiste. Nous traiterons de ses origines et fondements. La partie qui suivra est celle que je considère comme étant la plus importante : « le glissement du concept vers l'exclusion », je vais tâcher de vous donner une explication au pourquoi de cette dérive vers la mise à l'écart de l'autre et la violence envers autrui. Avant de vous donner un bref aperçu de la situation aujourd'hui, je vais me lancer dans la difficile tâche d'essayer de qualifier ce qu'il s'est passé durant une dizaine d'années en Côte d'Ivoire. Je n'estime pas avoir les qualifications nécessaires pour donner une explication scientifique à ce qu'il s'est passé. Le fait que cette guerre civile, même si l'on en voit la fin petit à petit, ne soit pas encore totalement et définitivement terminée ne permet pas d'avoir le recul nécessaire à une analyse complète. Enfin, ces massacres n'ont pas encore été jugés et ce qu'il s'est passé n'a pas encore été officiellement qualifié ; cela ne permet donc pas aujourd'hui d'en tirer des conclusions. Suite à ces éléments, nous considérons les limites de ce travail.
[...] cit., p Certains diront de Konan-Bédié qu'il a voulu baouliser la Côte d'Ivoire [vii] KONAN-BEDIE H., Les chemins de ma vie Editions Plon, Paris [viii] Extrait tiré de l'émission Le dessous des cartes du 27 novembre 2006, Côte d'Ivoire, quelques clés pour comprendre la crise WHITAKER B.E., citizens and foreigners : democratization and the politics of exclusion in Africa”, in African Studies Review, pp 109-126, p.116 BAYLE B., sous la direction de Danielle Domergue-Cloarec, Côte d'Ivoire 1993-2003, autopsie d'une déchirure Collection Premières armes Montpellier, p MIRAN M., Islam, histoire et modernité en Côte d'Ivoire Editions KARTHALA, Paris p [xii]Extrait tiré de l'émission Le dessous des cartes du 27 novembre 2006, Cote d'Ivoire, quelques clés pour comprendre la crise [xiii] MIRAN M., op. cit., p.144 [xiv] Voir carte en infra pour la répartition géographique de ces ethnies. Elles se rattachent aux cinq groupes linguistiques indiqués en légende BAYLE B., op. cit., p.19 [xvi] L'expression françafrique désigne d'ailleurs les bonnes relations entre la colonie ivoirienne et sa métropole. Ce terme sera repris dans le livre de F-X Verschave et deviendra un concept péjoratif. [xvii] DIMIER V., op. [...]
[...] et LOSCH B., Côte d'Ivoire : la voie étroite in Politique Africaine, mars 2000, p.117 [xxi] BAYLE B., op. cit., p.19 [xxii] Ibid., p.25 [xxiii] De SAINT-SAUVEUR E.F., La Côte d'Ivoire, chronique d'un scénario de crise Les cahiers de l'Afrique : revue d'étude et de réflexion sur le monde africain, deuxième trimestre 2003, p [xxiv] FALL J.K., l'hospitalisation du président Houphouët-Bougnies a relancé les spéculations sur sa succession Le Monde octobre 1993, p [xxv] DIMIER V., op. cit., p.135 [xxvi] SUBTIL Côte d'Ivoire : la démission du Premier Ministre semble mettre fin à la querelle de succession Le Monde décembre 1993, p [xxvii] BAYLE B., op. [...]
[...] Pour l'empêcher de se présenter, Bédié va continuer sa logique du concept d'ivoirité et lancer une procédure judiciaire dans le but d'enlever à Ouattara sa nationalité ivoirienne. Il va y parvenir : en effet, le 6 octobre 1999, le certificat de nationalité d'Alassane Ouattara est annulé[li]. Entre 1993 et 1999, les musulmans, la population du Nord du pays et les étrangers qui faisaient tous partie intégrante de la population de 1960 à 1993, se sont donc vu retirer leurs droits politiques sous prétexte qu'ils n'étaient pas, ou plus vraiment ivoiriens de pure souche. [...]
[...] Leurs préoccupations se focalisaient sur la conquête du pouvoir, plutôt que sur l'élaboration d'un projet politique. Pour répondre à ma question de départ qui était donc : Comment la mise en place d'une tactique politique telle que le concept d'ivoirité a mené la Côte d'Ivoire à cette mise à l'écart d'une partie de sa population ? On a vu que les causes étaient multiples : une libéralisation mal préparée qui a mené à une crise économique, l'instauration du multipartisme, le décès d'un leader et sa succession problématique, un candidat musulman, etc. [...]
[...] De plus, comme dans la majorité des pays d'Afrique, un nombre important d'ethnies[xiv], soixante en moyenne, cohabitent sur le territoire national. Si l'on met tous ces différents peuples dans un contexte de crise économique et politique, telle que celle qui commença début des années 1990, on devine que la situation a pu facilement basculer vers la xénophobie ou l'exclusion et entraîner l'éclatement de la nation. Figure La mosaïque ethnique ivoirienne, P. REKACEWICZ La situation en Côte d'Ivoire avant le concept d'ivoirité En 1960, à la décolonisation, Houphouët-Boigny est élu Président. Il est le père de l'indépendance ivoirienne. [...]
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