Si l'étymologie nous invite à considérer l'idéologie comme la "science des idées", il apparaît clairement que la notion d'idéologie a aujourd'hui acquis un contenu entièrement différent, dont le caractère polémique se manifeste par un foisonnement de définitions parfois contradictoires. Ainsi, on ne trouve pas moins de cinq, voire six significations à l'idéologie dans l'œuvre de Marx, qui fut pourtant l'un des premiers à tenter de la définir.
Souvent utilisée comme une arme politique, l'idéologie serait finalement l'idée de mon adversaire: un concept sans véritable cohérence théorique, un "mot creux" (Régis Debray) nous masquant les véritables enjeux du débat. Il faut pourtant reconnaître à l'idéologie une permanence dans la pensée politique moderne, ainsi qu'un existence empirique historiquement évidente ; rendant nécessaire une interrogation sur sa nature, ses caractéristiques et ses conditions d'émergence.
Apparu avec la modernité politique, le concept d'idéologie semble lui être consubstantiel tant il est au cœur de la « trinité idéologique » (conservatisme, libéralisme, socialisme) comme du phénomène totalitaire.
En quoi le concept d'idéologie est-il intrinsèquement lié à la modernité politique ?
[...] C'est la mort des ennemis qui produit la réalité de la Révolution, et c'est l'application rigoureuse de la loi du meurtre qui produit le peuple nouveau, régénéré, que décrit l'idéologie révolutionnaire Disparition de l'idéologie au stade ultime du totalitarisme Dans l'hypothèse d'un totalitarisme accompli, l'idée perd sa valeur, supplantée par le processus logique qui s'engendre lui-même : le contenu réel de l'idéologie finit dévoré par la logique de son exécution. Finalement, pour Arendt, la domination totalitaire porte en elle-même les germes de sa destruction, en ayant pour principe la Terreur principe antipolitique et son corollaire, la désolation principe antisocial. La Terreur et la désolation organisées sont donc, en poussant leur logique à l'extrême, des principes destructeurs du monde. [...]
[...] L'idéologie prépare à la terreur 1. L'idéologie comme principe de mouvement À la différence de l'idéologie au sens marxiste, l'idéologie définie par Arendt n'est pas fonction des intérêts de la bourgeoisie, ni d'aucunes classe dominante : elle est le principe de mouvement du régime totalitaire, au service des lois objectives de la Nature et de l'Histoire qui sont le principe d'action du totalitarisme. En tant que substitut au principe d'action elle a pour but de préparer les individus à l'accomplissement des lois objectives, c'est-à-dire de rendre chacun apte à devenir soit bourreau, soit victime. [...]
[...] Cette fonction intégrative est l'objet de la critique marxiste a. L'idéologie comme distorsion de la réalité sociale De la fonction identitaire normative de l'idéologie découle logiquement l'imposition d'une orthodoxie, qui limite les possibilités d'auto- interprétation du groupe pour la préservation de son unité. Dans l'optique marxiste, cette orthodoxie, imposée par la classe bourgeoise, a une fonction de dissimulation, de distorsion de la réalité des rapports sociaux. L'idéologie bourgeoise donne une image biaisée de la réalité car elle est déterminée par les intérêts de classe ; dans son œuvre, Marx ne cesse de pourfendre cette distance introduite par le capital entre les sujets sociaux et le mécanisme de représentation par lequel ils se pensent au sein de la société. [...]
[...] Bibliographie LEFORT, Claude, Essais sur le politique, XIXème-XXème siècles, Paris, Seuil ARENDT, Hannah, L'origine du totalitarisme, tome 3 : Le Système totalitaire, Paris, Sous la direction de DUPRAT, Gérard, Analyse de l'idéologie, tome 2 : thématiques, Paris, Galilée BOLTANSKI, Luc et BOURDIEU, Pierre, La Production de l'idéologie dominante, Actes de la recherche en sciences sociales, Année 1976, Volume numéro p. 3-73 (article en ligne sur Persée) BAECHLER, Jean, De l'idéologie, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Année 1972, Volume 27, Numéro p. [...]
[...] Pour reprendre la théorie d'Etienne Balibar, les ambigüités et les contradictions que renferme le terme d'idéologie nous incitent à penser en dehors des dichotomies philosophiques traditionnelles (théorie/pratique, scientisme/relativisme . ) : on peut finalement parler de valeur épistémologique du concept d'idéologie. La fin des idéologies, prédite dans les années 60 par les ouvrages de Raymond Aron (Fin des idéologies, renaissance des idées, 1966) et Daniel Bell (The End of Ideology, 1960) devant des phénomènes comme la crise économique ou les guerres colonialistes (Irak) encore bien éloignée. [...]
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