Selon Lipset et Rokkan et leur modèle, le système de partis d'un État serait déterminé par les divisions sociales qui caractérisaient le pays à l'époque de la formation du système de parti. L'expansion du suffrage universel autour de la même période a créé des liens permanents entre des groupes sociaux et des partis qui les ont mobilisés pour la première fois. Pour que ces clivages se manifestent, les groupes en question doivent être conscients de leur identité collective, ce qui est fait par le biais des partis politiques. On peut parler d'institutionnalisation des clivages.
Depuis les années 1960, il y a eu de nombreux débats sur la question de clivages et sur le schéma Rokkanien, dans lequel ces clivages apparaissent puis s'institutionnalisent à la suite d'une révolution. Ainsi, des chercheurs ont vu d'autres révolutions de type rokanienne depuis les années 1960, et par conséquent de nouveaux clivages. C'est le cas par exemple d'André-Paul Frognier, ou de Kriesi qui ont analysé une révolution post-industrielle suivie d'une révolution mondialiste. Inglehart a également analysé une révolution qu'il appelle « révolution silencieuse », obéissant aussi selon lui au schéma rokanien. Pour des auteurs comme P. Martin et D.L. Seiler, il y a eu une « Révolution globale ».
Nous pouvons donc nous demander si cette théorie est toujours d'actualité et si les clivages font toujours les partis politiques aujourd'hui.
Pour cela, nous verrons dans un premier temps en quoi, à partir de la théorie de Lipset et Rokkan, les clivages sont impliqués dans la construction des partis politiques. Nous nous intéresserons par la suite aux nouvelles configurations actuelles en nous demandant quels effets elles peuvent avoir sur le schéma rokanien.
[...] Cette globalisation de l'économie amène à la valorisation des acteurs financiers aux dépens d'autres catégories comme les artisans, les commerçants, etc. La hausse du niveau d'instruction et du niveau de vie dans les sociétés occidentales est également à prendre en compte. Tous ces changements ont donc comme on l'a vu des conséquences politiques et en ce qui concerne les partis politiques également. Selon Inglehart, il s'agit d'un processus de modernisation, et celui-ci aurait atteint un maximum dans les années 1970, amenant alors un changement de valeurs dominantes partagées par les individus. Des valeurs que l'on qualifie de post-modernes. [...]
[...] Hottinger, il y aurait également eu une révolution internationale qui produit le sous clivage socialistes/communistes. Il est donc important de ne pas confondre les clivages qui sont un phénomène structurel (découlant de changements profonds que les deux politistes nomment ‘Révolutions') et les conflits qui sont conjoncturels. Leur théorie établit donc un lien très marqué entre le clivage et l'institutionnalisation. Pour eux, les grandes familles partisanes se développent sur la base des clivages fondateurs et ces clivages ne prennent leur forme la plus achevée que quand ils sont institutionnalisés sous forme de partis (ou de manière intermédiaire dans des organisations diverses : mouvements, associations). [...]
[...] Si ce modèle reste donc assez pertinent dans les démocraties européennes, il ne faut pas le généraliser. Jean Blondel étend d'ailleurs cette personnalisation du pouvoir à l'Europe occidentale. Pour lui, les nouveaux clivages que nous venons de voir ne sont pas aussi nets que ceux étudiés par Lipset et Rokkan. Par exemple, des succès de partis socialistes comme le SPD allemand, le PSOE espagnol, le PS français ou le Parti Travailliste britannique ne seraient pas dus aux clivages traditionnels mais à la popularité des leaders. [...]
[...] Ce sont donc des intérêts divergents qui s'expriment dans l'appartenance à une organisation et sont repérables dans l'action. Un problème se pose cependant si nous souhaitons adapter la théorie de Lipset et Rokkan aux systèmes partisans récents. En effet, les oppositions de Lipset et Rokkan s'expriment de façon binaire (ce qui à l'avantage de la clarté). Cependant cela risque d'entraîner des difficultés pour le positionnement de certains partis qui rassemblent une pluralité de groupes sociaux (du fait qu'un parti peut se positionner sur les pôles de plusieurs clivages). [...]
[...] Notons tout de même que 80% des ouvriers votent pour le Labour. Ce n'est pas comme le Parti Socialiste français, celui-ci ne capte pas significativement les voix des ouvriers qui depuis plusieurs années ont tendance à se tourner vers les partis de droite ou d'extrême droite, seulement 42% d'entre eux votent pour des partis de gauche. Si le clivage possédants/travailleurs existe toujours, nous avons une baisse du vote de classe. Et cela en France comme dans d'autres pays occidentaux. Prenons l'exemple des partis sociaux-démocrates européens. [...]
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