Le concept des droits de l'Homme existait déjà avant toute Déclaration, comme l'a démontré M. Villey au sujet des Cités antiques grecques et de l'Empire romain. Toutefois ils n'avaient d'existence à l'époque que sous forme d'idées et non d'obligations juridiques. En France, c'est la Déclaration de 1789 qui donna force juridique aux droits de l'Homme. Il est à noter qu'elle ne crée pas les droits en question mais qu'elle les proclame : il s'agit d'une déclaration de droits naturels, inhérents à l'Homme et qui, par conséquent, existaient avant toute loi positive. L'Ecole moderne du droit naturel, dont Grotius fut le maître à penser, a donc largement influencé la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789.
Il est intéressant de prendre la DDHC de 1789 pour référence en ce qu'elle constitue une synthèse de tous les textes relatifs aux droits de l'Homme dont on avait pu connaître auparavant (Déclaration américaine de 1776, Magna Carta de 1215, The Bill of Rights de 1689...). En outre, le prestige de la Déclaration française par rapport aux autres tient au fait qu'elle traduit une véritable rupture avec l'Ancien Régime : elle marque la fin de la monarchie absolue. Fruit d'une révolution bourgeoise, selon Marx, la DDHC de 1789 est caractérisée par son libéralisme. Son but est de garantir la protection des droits individuels, tout en limitant le pouvoir de l'Etat. Elément fondateur de l'histoire institutionnelle française, elle est devenue une référence politique incontournable.
Jusqu'au XIXe siècle, le contenu des droits de l'Homme ne connut pour ainsi dire aucune évolution. Il s'agissait de garantir les « droits-libertés » inscrits dans la DDHC de 1789 (dits « droits de première génération »). Puis à partir de 1848, s'ouvre un débat entre libéraux et socialistes (au sens large) au sujet du contenu des droits de l'Homme. Les socialistes revendiquent en effet la consécration en droit positif de « droits-créances » (dits « droits de deuxième génération »), à côté – voire parfois contre – les « droits-libertés ».
Contrairement à ce que déclarait Marcel Gauchet, selon lequel « les droits de l'Homme ne sont pas une politique », il semble que ces derniers sont devenus un enjeu politique de premier ordre tant pour les libéraux que pour les socialistes.
Si les uns et les autres s'opposent quant au contenu des droits de l'Homme (I), ce n'est pas pour autant sur le terrain théorique que se pose le débat, mais bien sur le terrain de la politique (II). En effet, si la proclamation théorique de droits est une chose, leur réalisation pratique en est une autre...
[...] Qu'elle se borne à être juste, nous nous chargeons d'être heureux ! Ainsi, pour synthétiser notre propos, les libéraux prônent l'idée d'un Etat minimum au nom des droits-libertés tandis que les socialistes se prononcent en faveur d'un Etat Providence au nom des droits-créances Les deux conceptions poursuivent sans doute un but très louable, mais leur manque de nuance fait, qu'appliquées à la réalité politique, elles risquent de nuire aux droits de l'Homme qu'elles ont pourtant pour ambition de protéger. Les effets politiques pervers contenus en germe dans les conceptions libérale et socialiste La dérive possible de la conception socialiste des droits de l'Homme est celle d'un Etat totalitaire qui ne ferait pas grand cas des libertés individuelles Quant à la conception libérale, on a pu lui reprocher de conduire à un abandon de la part de l'Etat des problèmes sociaux, et notamment du problème de la pauvreté La théorie socialiste : un Etat totalitaire en puissance Les socialistes (notamment d'inspiration marxiste), à trop privilégier les droits-créances en viennent à dévaloriser les droits-libertés pourtant fondamentaux. [...]
[...] Quant au principe d'égalité, qui apparaît indissociable de la liberté au terme de la DDHC de 1789, il s'exprime principalement à travers les articles 6 et 13 de la Déclaration consacrant respectivement l'égalité de tous devant la loi et devant les charges publiques (et par là même, la fin des privilèges de l'Ancien Régime). Il convient enfin de mentionner les droits à caractère politique prévus par la DDHC de 1789. Ces derniers se posent en corollaire des droits individuels en ce qu'ils ont pour objet d'en assurer la conservation. [...]
[...] Pour lui, la Révolution de 1789 n'est qu'une révolution bourgeoise, et derrière l'apparent humanisme et universalisme de la Déclaration des droits de l'Homme, se cache en réalité un égoïsme bourgeois et capitaliste. Dans son ouvrage intitulé La question juive, Marx reproche aux révolutionnaires de 1789 de n'avoir inscrits dans la DDHC que des droits formels, indéterminés et qui n'apportent en réalité de garanties qu'aux membres de la bourgeoisie. C'est le caractère trop abstrait des droits qui est ainsi critiqué par Marx. Ce dernier rejette en effet l'abstraction de l'Homme faite par les révolutionnaires de 1789, et avec elle l'idée même de droit naturel. [...]
[...] Une telle exclusion des libertés collectives s'explique par le contexte de l'époque : si les révolutionnaires de 1789 n'ont pas inscrit les libertés collectives dans la DDHC, c'est par contestation de l'ordre ancien fondé sur les corporations. Cet individualisme donne aux droits énoncés un caractère actif. Il s'agit de consacrer une liberté d'action pour l'individu (possibilité d'agir, pouvoir de faire), ce qui est directement lié au droit naturel : en effet, puisque l'individu est libre par essence, il doit pouvoir agir librement, sans que personne ne puisse venir restreindre cette liberté (qui n'a pour seule limite que la liberté de ses concitoyens). [...]
[...] La théorie libérale : un Etat totalement indifférent à la misère ? A l'inverse, l'on a reproché à la théorie libérale - qui insiste sur la nécessité d'une intervention minimale de l'Etat aux fins d'une garantie maximale des droits-libertés - de ne pas faire grand cas de la question de l'assistance aux plus démunis. On a en effet dénoncé l'indifférence de l'Etat libéral à la pauvreté et souligné le fait que la seule liberté ne permettait pas à chacun d'avoir un égal accès au bonheur. [...]
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