Depuis la Révolution, on considère que la loi tire sa légitimité non pas de son contenu mais de son mode d'élaboration, en tant qu'expression de la volonté générale. Le système représentatif est apparu comme le moyen le plus apte à garantir cette légitimité. L'Etat, garant de l'intérêt général, a vu ses missions s'étendre progressivement, passant d'un Etat Gendarme à un Etat Providence, intervenant aussi bien dans les matières sanitaires et sociales que dans l'économie ou l'aménagement du territoire.
Dans ce dernier domaine, jusque dans les années 70, il y avait un double consensus : consensus sur la nécessité de l'aménagement, d'une politique d'équipement ambitieuse et volontaire : construction d'autoroutes, construction de villes nouvelles (Villeneuve d'Ascq par exemple), construction de centrales nucléaires pour assurer l'indépendance énergétique de la France et consensus sur la légitimité de l'Etat et de ses ingénieurs à déterminer ces politiques.
Or depuis la fin des 30 Glorieuses, en France (mais aussi dans les autres démocraties occidentales) les deux consensus ont volé en éclat. D'une part, les mouvements écologistes, mettant en avant la nécessité de préserver la nature, ont contesté les bienfaits de certains aménagements voire de la croissance elle-même (cf idée d'une croissance zéro développée par le club de Rome à la fin des années 70) et ont fait émerger plus récemment l'idée de développement durable. D'autre part on assiste depuis 30 ans à une crise de l'Etat et du système représentatif. Non seulement on reproche à l'Etat de ne pas parvenir correctement voire de ne plus parvenir du tout à assurer les missions qui lui incombent, mais parfois on le soupçonne d'agir sous la pression d'intérêts particuliers (par exemple en matière nucléaire).
Parallèlement dans la sphère des idées politiques, la référence à la démocratie délibérative, originellement conçue par Jürgen Habermas, a connu un succès croissant. Cette philosophie politique met en avant une définition procédurale de la légitimité. On peut citer Bernard Manin : « La décision légitime n'est pas la volonté de tous, mais celle qui résulte de la délibération de tous : c'est le processus de formation des volontés qui confère sa légitimité aux résultats, non les volontés déjà formées ».
La conjugaison de ces différents phénomènes a conduit à la création de nouvelles procédures de décision publique, tant sur le plan européen que sur le plan national.
C'est dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement du territoire que les choses sont allées le plus vite et le plus loin.
Au niveau européen, 3 directives communautaires de 1985, de 1997 et de 2001 relatives à l'évaluation des incidences environnementales de projets publics ou privés, ainsi que la Convention sur l'accès à l'information et la participation du public et à l'accès à la justice (dite Convention d'Aarhus) signée le 25 juin 1998 et ratifiée par la loi du 28 février 2002 ont incité à prendre davantage en compte les attentes des citoyens.
En France, la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 sur la démocratisation des enquêtes publiques a ouvert la voie. Douze ans plus tard, la loi Barnier du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, a énoncé un véritable « principe de participation » du public et a institué la Commission nationale du débat public. Cette commission a été transformée en autorité administrative indépendante et a vu ses missions et ses pouvoirs accrus par la loi Vaillant du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Faut-il voir dans la CNDP une avancée de la démocratie une avancée de la démocratie ou un « gadget » selon l'expression de Corinne Lepage, ministre de l'environnement de 1995 à 1997 ? Quelle part de pouvoir se joue réellement dans le débat public : simple information, concertation ou codécision ?
[...] La loi Vaillant a ainsi permis une montée en puissance de la CNDP. En effet, on est passé de 9 débats publics menés entre 1997 et 2002 à 14 débats publics entre 2002 et aujourd'hui, dont 11 menés par la CNDP et 3 menés par le maître d'ouvrage. A cela il faut ajouter 2 concertations recommandées. Néanmoins il convient de s'interroger davantage sur un dispositif qui est en passe de devenir la norme. II Ou un instrument imparfait de gestion des conflits ? [...]
[...] Or, d'après Philipe Subra, le fonctionnement de la CNDP, et notamment des commissions particulières du débat public, laisse à désirer. Constituées au gré des carnets d'adresses, fonctionnant de façon peu collégiale, avec des présidents tout-puissants, soucieux d'affirmer leur autonomie vis-à-vis de la commission nationale, souvent mal préparées à la conduite de réunions très conflictuelles, des membres sans formation, parfois absentéistes, sans qu'il y ait de réel partage d'expériences d'un débat à l'autre, elles ont leur part de responsabilité dans les dérives de la procédure. [...]
[...] Le débat public ne lie pas le décideur, il l'informe. Conclusion Ainsi l'instauration et le renforcement de la Commission nationale du débat public peuvent assurément apparaître à la fois comme une avancée en matière de démocratie pour les citoyens, et comme un outil de gestion des conflits pour les autorités publiques, dans la mesure où les pouvoirs publics gardent un certain contrôle des projets soumis au débat public. Est-ce antinomique ? Non si le dosage entre démocratie et contrôle de l'Etat est équilibré, si on garde toujours à l'esprit les principes et les contradictions qui travaillent cette idéologie du débat public en passe de devenir la norme de référence en matière d'action publique. [...]
[...] En l'absence de décision explicite à l'issue de ce délai, la commission est réputée avoir renoncé à organiser le débat public. Dans tous les cas, un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif est envisageable dans le délai habituel de 2 mois suivant la décision. En revanche, à l'expiration de ce délai, le législateur a interdit toute possibilité de soulever l'exception d'illégalité des décisions de la CNDP. Le débat Lorsque la CNDP le décide, le débat a lieu. [...]
[...] -La CNDP conseille à leur demande les autorités compétentes et tout maître d'ouvrage sur toute question relative à la concertation avec le public tout au long de l'élaboration d'un projet. L'ambition du législateur était ici de faire en sorte que, pour reprendre l'expression utilisée lors des débats parlementaires, la CNDP ait une fonction pédagogique, qu'elle participe à la diffusion d'une véritable culture de la concertation -La CNDP a également pour mission d'émettre tous avis et recommandations à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser et développer la concertation avec le public. [...]
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