Au moment de définir le concept de vie privée, son hétéronomie semble flagrante : la vie privée n'existe qu'en opposition avec le concept de vie publique. Et cette notion de vie publique révèle un présupposé historique : l'existence d'un Etat moderne, qui dédouble l'identité du citoyen en lui assignant une part politique distincte de sa part intime.
Cette distinction n'est pas toujours allée de soi : si Marcel Gauchet attribue au christianisme l'apport de la notion d'intériorité (au travers de la conscience chrétienne, qui permet à l'homme de reconnaître ses péchés), il estime que c'est seulement au XIXe siècle que la séparation entre sphère privée et sphère publique apparaît nettement, grâce notamment à la reconnaissance de la famille choisie et voulue par amour, qui désolidarise l'expérience personnelle de l'expérience publique.
[...] Au théâtre, il y avait une double scènes : le public était lui- même en représentation. Avec les salles obscures du cinéma et l'intimité de la télévision, le spectateur n'est plus inclus dans le spectacle, mais réduit au statut de voyeur Dire que la sphère publique a disparu serait excessif, mais l'on peut dire avec Marcel Gauchet qu'elle est devenue un problème Et le philosophe de poursuivre : La notion de public est obscurcie par la quasi-impossibilité de nous représenter un monde commun, tellement commun qu'il n'appartient à personne. [...]
[...] C'est d'ailleurs en relation avec le totalitarisme qu'Arendt pense la relation entre vie privée et publique. Pour elle, le totalitarisme s'est employé à réduire l'existence des individus à sa seule dimension vitale en créant une société où le travail en vue de la survie résume la fonction de l'homme. Or, l'existence humaine, précisément pour être humaine, ne peut se réduire à cette fonction : elle ne peut se penser sans une dimension politique, c'est-à-dire sans une conscience de l'appartenance au monde. [...]
[...] La pente de notre monde est de conclure : il n'y a que des individus. Pourtant, il y a une autre dimension tout aussi fondamentale qui est que nous ne pouvons vivre comme individus que dans un monde commun C'est ici qu'intervient le deuxième temps de notre réflexion : comment imaginer une intimité sans rapport à autrui ? Et surtout, comment une vie privée peut-elle exister par elle-même, si elle n'est pas dessinée par un commencement et une fin ? [...]
[...] Dire que la vie privée a envahi la sphère publique relève désormais du cliché : pipolisation de la vie privée des hommes politiques, exhibition de celle des hommes ordinaires . Interroger ces phénomènes conduit à un constat vertigineux : à force de monopoliser l'espace public, la vie privée perd son sens, et, ce qui est bien plus grave, son existence. En effet, se poser la question du commencement de la vie privée, c'est se poser la question de sa limite. Implicitement, la cause est entendue : cette limite ne cesse de gagner du terrain, au point de condamner l'espace public à la faillite. [...]
[...] Où commence la vie privée ? Vie privée/vie publique Le titre de cette émission cathodique illustre tout le paradoxe que subit le concept de vie privée dans notre société moderne : la vie privée des invités, étalée devant des milliers de téléspectateurs, mérite-t-elle encore son nom ? Au moment de définir le concept de vie privée, son hétéronomie semble flagrante : la vie privée n'existe qu'en opposition avec le concept de vie publique. Et cette notion de vie publique révèle un présupposé historique : l'existence d'un État moderne, qui dédouble l'identité du citoyen en lui assignant une part politique distincte de sa part intime. [...]
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