« La cinématographie est l'arme la plus forte ». Cette phrase prononcée par Mussolini traduit toute l'importance occupée par le cinéma dans la mise en œuvre de la culture populaire fasciste. Le régime fasciste semble en effet s'être profondément investi dans le développement de ce vecteur culturel de masse qui, au début des années 1920, était plongé dans une profonde crise. Encore aujourd'hui les héritages du ventennio dans le secteur cinématographique sont nombreux : parmi eux il est possible de citer Cinecittà, ville du cinéma de Rome regroupant de grands studios, ou encore le Festival de cinéma de Venise. Toutefois, le cinéma italien sous le fascisme n'a pas été, comme on pourrait s'y attendre, un instrument de propagande forte et directe comme en Allemagne par exemple. Si certains films ont pu transmettre une glorification du régime et une héroïsation du Duce, cela ne traduit pas l'esprit général du cinéma italien durant la période fasciste, qui s'est plutôt attaché à la création d'un consensus populaire par la diffusion de films de divertissement. Par ailleurs, le cinéma n'a pas seulement été l'arme culturelle et politique attendue par Mussolini : c'est aussi à travers les films et parmi le monde cinématographique que se sont développées les critiques et remises en cause du régime. Il convient donc de s'interroger sur les relations complexes et ambiguës entretenues entre le cinéma italien et le régime et la société fasciste. Dans quelle mesure le cinéma italien a-t-il été instrumentalisé par le régime fasciste ? En quoi a-t-il servi le régime tout en révélant les ambiguïtés de la politique menée ? Si le cinéma italien a surtout été durant la première décennie du fascisme un objet de censure (I), il est devenu à partir des années 1930 de plus en plus l'arme souhaitée par Mussolini (II). Toutefois, à mesure que le régime déclinait, il a aussi révélé son pouvoir de « résistance passive » (III).
[...] Sa fonction est de réaliser des films d'actualités, les cinegiornali, et des documents d'éducation destinés à être diffusés dans les salles de cinéma avant les projections des films de divertissement . En 1927, les cinegiornali deviennent obligatoires dans toutes les salles et avant la projection de chaque film et sont placés sous le monopole de l'Etat fasciste. Ces films documentaires, au contraire du cinéma de divertissement, constituent donc des moyens de propagande directe sur la population, le régime présentant une image biaisée de l'information. [...]
[...] Derrière la remise en cause de l'ordre moral imposé par le fascisme, certains films contiennent également des critiques implicites au gouvernement. Ainsi, Le mariage de minuit (Piccolo mondo antico) de Mario Soldati, film réalisé en 1941, contient une critique de l'alliance italo- allemande. Par ailleurs, le Centre expérimental de cinématographie, à l'origine créé par le régime fasciste afin de former des professionnels, se transforme également peu à peu comme un lieu de réflexion politique et d'opposition au fascisme. Ainsi, parmi les élèves comme les professeurs s'affirment de plus en plus des mouvements pro-communistes. [...]
[...] Le cinéma participait à la création de l'homme nouveau dont rêvait Mussolini en présentant aux yeux du public italien un ordre moral conforme au régime fasciste. Conformiste, il présentait les idées et comportement traditionnels, liés à la famille, au respect des hiérarchies sociales, à la morale sexuelle Tout film considéré contraire aux bonnes mœurs était censuré. Ainsi, certains thèmes étaient interdits, parmi lesquels la prostitution, la délinquance, le suicide, l'adultère, etc. Ce cinéma d'évasion où dominent les films à l'eau de rose est surnommé le cinéma des téléphones blancs expression due à la présence dans nombreux de ces films de téléphones blancs. [...]
[...] C'est à cette époque que les critiques à l'égard du cinéma d'évasion, typique de la période fasciste, se multiplient. Ainsi, critiques de cinéma, journalistes, écrivains, intellectuels, professionnels de l'industrie cinématographique, etc., prônent la mise en œuvre d'un nouveau cinéma. Ces critiques sont notamment diffusées par l'intermédiaire d'articles publiés dans des magazines cinématographiques, tels Cinema fondé à Milan par Ernesto Treccati en février 1938, Bianco e nero créé en janvier 1937 et Si gira fondé en février 1942, pour citer les principaux. [...]
[...] Ils marquent ainsi leur volonté de rompre avec un cinéma censuré et instrumentalisé par le régime, contribuant par conséquent à une remise en cause plus globale du fascisme. Alberto Spaini, journaliste de la revue Cinéma, s'inscrit ainsi dans ce mouvement de critique de l'ordre fasciste et de renouveau idéologique en écrivant dans un numéro de 1942 : Les gens ont besoin de pleurer. Les gens ont besoin de trouver au cinéma, comme hier ils le trouvaient au théâtre, un écho et un reflet de leur douleur, de leurs travaux, de leurs amertumes. [...]
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