La personnalité de Mao connaît actuellement un fort regain d'intérêt en tant qu'objet d'étude dans la Chine populaire contemporaine, adhésion qui exprime toute l'ambiguïté de ce personnage fort controversé. La question de savoir si la Chine de Mao (1949-1976) est un système totalitaire participe de la même logique.
En effet, le concept même de totalitarisme donne lieu aujourd'hui à de nombreux débats afin de déterminer si tel régime a présenté une nature totalitaire, et la définition de cette notion étend plus ou moins le champ de son application, certains allant jusqu'à l'admettre pour la France de Vichy.
L'étude de la Chine de Mao en tant que système totalitaire doit ainsi porter sur la vérification de la présence des critères du totalitarisme tels que définit par Hannah Arendt dans Le système totalitaire, définition « de base » communément admise. Ce système politique se caractérise par la soumission complète des existences individuelles à un ordre collectif que fait régner un pouvoir dictatorial, dont le concept fondamental est la « domination totale » : parti unique, monopole idéologique, terreur croissante, absence de distinction entre Etat et vie politique, militarisation de la vie politique.
De la prise de pouvoir de Mao en 1949 à sa mort en 1976, la Chine a présenté indubitablement de nombreux caractères du système totalitaire mais il faut dès lors préciser qu'ils relèvent plus du totalitarisme soviétique que du totalitarisme nazi. En effet, si Hannah Arendt établit une comparaison des deux modèles occidentaux en tant que « système », ils diffèrent profondément en tant qu'idéologie, l'Allemagne d'Hitler (ou même le fascisme italien) voulant rétablir les hiérarchies et l'ordre de la nature tandis que l'URSS de Staline et la Chine de Mao prônent l'instauration d'un ordre humain « constructiviste » permettant la réalisation de la fin historique de l'égalité réelle, de la liberté réelle et de l'abondance.
[...] L'homme nouveau doit s'émanciper de toutes les formes possibles de particularismes car il est partie intégrante d'un ensemble, il est la propriété de l'Etat et ne peut se détourner de cette logique. Puisque l'Etat répudie tout pluralisme, autant social qu'idéologique au nom de cette visée unificatrice, il a du imposer des moyens d'encadrement de la population et de la culture visant à supprimer tout intermédiaire entre le peuple et le parti. En témoignent, par exemple, la réforme agraire (1950), qui, sous un prétexte de plus d'égalité, va pouvoir s'immiscer dans la vie privée des paysans chinois, les organiser collectivement sous l'autorité du PCC et les lier moralement au parti ou la loi sur le mariage, du 30 avril 1950 qui permet de rompre avec des pratiques lourdement patriarcales en réduisant la puissance de l'idée familiale : il s'agit de replacer l'individu seul, sans écran ni intermédiaire face au Parti. [...]
[...] L'idéologie hégémonique semble faire défaut. De telles instabilités et de telles particularités au sein du régime maoïste pourraient, ainsi, donner une nouvelle dimension au totalitarisme voire substituer une autre définition à ce régime. Rien ne caractérise mieux les mouvements totalitaires en général et la gloire de leurs chefs en particulier que la rapidité surprenante avec laquelle on les oublie et la facilité surprenante avec laquelle on les remplace Si la Chine de Mao a suivi une voie toute autre après sa mort, allant jusqu'à effectuer une démaoïsation du système, la personnalité du Grand Timonier n'est pas restée sans intérêt de même que la nature de ce régime particulier qui, bien qu'il présente de nombreux points communs avec le système totalitaire ne semble pas entièrement satisfaire à tous les critères. [...]
[...] Aussi, Mao n'a pas pensé initialement son régime comme un système totalitaire mais plutôt comme une reproduction sinisée du modèle soviétique. Dans cette perspective, il semble donc que c'est parce que la Chine de Mao a suivi le modèle socialiste soviétique qu'on a pu l'assimiler à un système totalitaire : la mise en place de la doctrine marxiste-léniniste conduit en effet à prendre des mesures radicales d'encadrement de la population dans la perspective d'un homme nouveau et la quête de l'un lesquelles mesures correspondent aux critères du totalitarisme (propagande Aussi, le constat d'une telle corrélation nous amène à nous demander si l'exportation d'un concept occidental, hors de son contexte historique et géographique (Europe des nations industrielles, lutte du prolétariat industriel contre la bourgeoisie d'affaires) ne conduit pas à dénaturer la nature même de ce concept celui-ci ne trouvant (peut être) plus à s'appliquer. [...]
[...] Bibliographie - Simon Leys, Les habits neufs du président Mao - Lucien Bianco, les Origines de la révolution chinoise 1915-1949. Paris : Gallimard, coll. Folio - Jung Chang, Jon Halliday, Mao. L'histoire inconnue, Paris, Gallimard - Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme - Roland Lew, L'intellectuel, l'État et la révolution. Essai sur le communisme chinois et le socialisme réel, L'Harmattan, Paris p. [...]
[...] L'influence déterminante de la personnalité de Mao dans l'évolution du régime 1. Les idiosyncrasies d'un homme Selon Leys dans son livre les habits neufs du Président Mao, Mao Zedong est décrit de manière très critique : un homme politique ayant une démarche d'artiste et de poète pour qui la réalité doit s'imposer et une approche idéaliste et volontariste des problèmes qui a contribué à arriérer l'économie du pays. L'originalité de mao est qu'il a voulu instaurer un régime basé sur le soulèvement des masses (comme en URSS) les masses étant, dans ce cas là, les paysans et non les ouvriers. [...]
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