Le 26 juin 1986, à la Convention Nationale du parti socialiste, Lionel Jospin soulignait « la nécessité de fonder les valeurs du socialisme dans la réalité, faute de quoi elles risqueraient de se réduire à une idéologie, c'est-à-dire à une vision abstraite et déformée du monde » (Le Monde du 09/07/1986). Cette vision péjorative répandue tend à faire des idéologies un pur instrument de manipulation qui, comme l'a souligné Marx, serait au service des dominants afin de justifier leur exploitation de classe. Ainsi, toute « justesse » des idéologies serait empêchée. Pourtant, plusieurs définitions de l'idéologie nous amènent à considérer cette vision comme étant trop réductrice.
En effet, J. Lagroye définit l'idéologie comme « la manière dont les individus, dans une société, conçoivent le sens de leurs pratiques, sens en fonction duquel ils sont constamment incités (voire contraints) à orienter leurs actions. » D'autre part, J. Baechler la définit comme « une formation discursive polémique ; grâce à laquelle une passion cherche à réaliser une valeur par l'exercice du pouvoir dans une société. » Enfin, P. Braud dit de l'idéologie qu'elle est « un ensemble structuré de représentations du monde social qui fonctionne à la croyance (politique) et à la violence (symbolique). » On voit donc déjà les grands traits qui nous permettent de cerner le cadre des idéologies, à savoir les notions de subjectivité (« conçoivent », « passion », « croyance ») mais aussi d'action politique (« action », « réaliser », « pouvoir », « violence »). A partir de là, quand P. Braud dit « ce qui fait la force des idéologies, ce n'est pas leur justesse, mais leur capacité mobilisatrice », on est tenté de voir les idéologies comme n'étant pertinentes, fortes, non pas en soi dans leur contenu, mais dans leur utilisation comme ressource politique dans le cadre de l'action collective (selon la définition de la mobilisation d'Oberschall).
Or peut-on dissocier la qualité à la fois de moyen et de fin, ou du moins de porteuse de fin, d'une idéologie ? Car la notion de justesse, qui selon Le Robert est « la qualité qui rend une chose parfaitement adaptée ou appropriée à sa destination » et qui implique une notion d'exactitude et de correction, doit être relativisée lorsqu'on l'attribue à l'idéologie. Par ailleurs, il n'est pas question non plus de nier la force des idéologies comme étant mobilisatrices car elles s'inscrivent, de par leur contenu et leur définition, dans un processus de socialisation , d'action politique et donc nécessairement de mobilisation. Néanmoins, ne peut-on pas trouver une corrélation entre une justesse particulière des idéologies, à savoir la subjectivité de leur valeur, et leur capacité mobilisatrice, corrélation qui fonderait leur force ? D'ailleurs si P. Braud semble fonder la force, c'est-à-dire la pertinence mais aussi l'existence permanente des idéologies sur leur capacité mobilisatrice, n'est-ce pas parce que cette dernière repose précisément sur la subjectivité de leur justesse ?
[...] Or peut-on dissocier la qualité à la fois de moyen et de fin, ou du moins de porteuse de fin, d'une idéologie ? Car la notion de justesse, qui selon Le Robert est la qualité qui rend une chose parfaitement adaptée ou appropriée à sa destination et qui implique une notion d'exactitude et de correction, doit être relativisée lorsqu'on l'attribue à l'idéologie. Par ailleurs, il n'est pas question non plus de nier la force des idéologies comme étant mobilisatrices car elles s'inscrivent, de par leur contenu et leur définition, dans un processus de socialisation , d'action politique et donc nécessairement de mobilisation. [...]
[...] EX : l'idéologie communiste : d'un point de vue purement théorique, sa justesse peut sembler claire, mais c'est dans le passage à l'acte que se révèle son caractère utopique, source de totalitarisme, sa force comme capacité mobilisatrice pose donc problème. Ainsi l'on peut s'accorder sur le propos de P. Braud ce qui fait la force des idéologies, ce n'est pas leur justesse mais leur capacité mobilisatrice en précisant que cette dernière tient tout de même à une forme de justesse des idéologies, à savoir une justesse subjective. [...]
[...] Il leur faut donc des croyances. De même, Pareto explique que les individus tiennent souvent pour assurées des propositions en réalité indémontrées ou indémontrables. Elles dissipent le malaise que l'on éprouve face à l'inconnu et l'indéchiffrable. Les croyances sont comme un repère face à une situation neuve. Mais surtout, les idées politiques tendent à imposer des représentations du réel en conformité avec leurs propres principes fondamentaux. l'idéologie relève de la croyance, donc n'est pas plus fausse qu'elle n'est vraie Comme le dit P. [...]
[...] Nous verrons donc dans un premier temps en quoi la justesse des idéologies est difficilement critiquable de par son caractère subjectif. Puis nous en déduirons que cette subjectivité est un élément clé justement qui fait des idéologies une ressource politique pour l'action collective. Aux fondements des idéologies, une justesse difficilement critiquable car subjective L'argument de la science et de la morale comme réfutation de la justesse des idéologies La construction des idéologies se fait sur des propositions non vérifiables C'est notamment ce que disent T. [...]
[...] Dans la même logique, J. Baechler démontre que du fait que les idéologies se basent sur des passions et des valeurs arbitraires, elles ne peuvent être ni prouvées, ni réfutées : une idéologie n'est ni vraie, ni fausse, elle ne peut être qu'efficace ou inefficace, cohérente ou incohérente. A partir de cette citation, on voit bien que juger la pertinence, mais aussi la légitimité d'une idéologie passe par l'évaluation à la fois de son efficacité, donc de sa capacité mobilisatrice, mais aussi de sa cohérence. [...]
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