La notion d'opinion publique est pluri-sémantique. D'une part parce que la définition de ce terme n'a cessé d'évoluer depuis sa création par Jean-Jacques Rousseau au XVIIIe siècle, et d'autre part parce que dans le monde contemporain, les penseurs ne sont pas tous d'accord quant au sens à lui donner.
En effet, le terme d'opinion publique est employé par des hommes politiques, des sondeurs, des sociologues, des communicants, et bien d'autres encore. Le sens pris par le mot «opinion» peut donc être très différent selon le métier ou la fonction de la personne, qui l'emploie. Et ce d'autant plus que cette notion peut justifier n'importe quelle affirmation, concernant la politique notamment: «l'opinion des gens est que…», «je sais que l'opinion préfère…», «ce discours ne passe pas auprès de l'opinion.»,… On peut donc imaginer que cette pluralité sémantique pose problème dans un contexte où le recours à la notion d'opinion et plus particulièrement d'opinion publique se développe. Il est vrai en effet que l'évolution des techniques de sondage d'une part et de l'idée qu'ont certains dirigeants politiques de leur action d'autre part – ils n'agiraient non plus tels des despotes éclairés dont la volonté est de faire triompher l'intérêt général mais seraient guidés par le courtermisme de façon à satisfaire l'électorat en vue de leur réélection – font que l'importance indéniable accordée à l'opinion publique est en grande partie rattachée aux sondages.
A la vue de l'évolution de la notion d'opinion publique, il est donc nécessaire de se pencher sur ce concept en se posant tout d'abord la question suivante: Quelle importance doit-on accorder aux sondages dans l'opinion publique ?
Pour cela, il est indispensable dans un premier temps d'aborder la question de l'évolution de la signification du terme d'opinion publique depuis sa création et du mécanisme de formation actuel de l'opinion. Dans un second point nous nous arrêterons sur le lien qui doit être ou ne pas être fait entre opinion publique et sondages.
[...] Et même s'ils sont taxés d'imposer des problématiques aux individus, ils nous rappellent qu'il ne faut pas oublier que cela n'est pas le seul fait des sondages. Ainsi, notre choix n'est-il pas aussi limité lors de consultations électorales ? L'utilisation des sondages Le second point sur lequel porte la critique faite aux sondages concerne leur fonction sociale. Ils sont considérés comme un instrument utilisé par quelques groupes d'individus, parmi lesquels les journalistes et les hommes politiques, pour donner du poids aux majorités silencieuses face à l'activisme de certaines minorités représentatives. C'est ce qu'énonce Elisabeth Noëlle-Neumann avec le principe de la Spirale du silence. [...]
[...] Ainsi, si dans certains cas, les sondages jouent en faveur d'un comportement électoral, comme le «vote utile» pour Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 1995 afin d'éviter un second tour Chirac-Balladur, cette même élection montre aussi un renversement du rapport de force entre ces deux mêmes hommes au cours de la même campagne, illustrant de ce fait la limite de leur influence. Comme nous l'avons vu, l'importance des sondages dans la formation et la diffusion de l'opinion publique est à relativiser. Tout d'abord, l'opinion publique, bien qu'ayant des sens différents à celui qu'on lui connaît aujourd'hui, est antérieure à l'apparition des sondages. [...]
[...] Enfin, selon Bourdieu, l'agrégation statistique des jugements individuels revient à considérer que toutes les opinions se valent. Cela revient tout d'abord à omettre le fait que certaines personnes ont une opinion dûment fondée alors que d'autres ignorent le sujet de l'enquête, et que des individus ont une influence et des motivations plus importantes que d'autres, ce que ne prennent pas en compte les sondages. Ainsi, selon l'approche bourdieusienne, les sondages créent de toutes pièces une opinion qui n'est que factice et trompeuse : la véritable opinion étant celle qui émane du champ collectif des forces sociales. [...]
[...] Elles enquêtent sur le moral des troupes, notamment en lisant les lettres envoyées par les poilus et, par l'usage de la propagande, cherchent le soutien de la population. Dès lors, la connaissance de l'opinion publique, la recherche de son soutien et le fait de parler en son nom deviennent des enjeux permanents de la vie politique. Les sondages et leur développement vont quelque peu matérialiser la présence de cette opinion publique. L'opinion publique sondagière marque, elle, la dernière étape de l'évolution de l'opinion publique, celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. [...]
[...] Ils renforcent ainsi l'opinion majoritaire. Ce silence aggrave l'impression factice d'un consensus et tend in fine à la suppression de toute opinion minoritaire.» Ceci est d'autant plus vrai que les médias occupent aujourd'hui une position de porte-parole qui leur confère le monopole du commentaire et de l'interprétation des sondages. Aussi, Pierre Bourdieu nous met en garde face à la tentation qu'ont les hommes politiques actuels de céder à la politique des sondages. Il rappelle l'importance que l'on doit accorder à être gouverné par des despotes éclairés gouvernant pour l'intérêt général, sans les hommes et même parfois malgré eux. [...]
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