Depuis les années 1990, la stratégie d' « externalisation » du contrôle des frontières de l'Union Européenne confère aux pays limitrophes de l'espace Schengen le rôle de stopper sur leurs territoires les candidats à l'immigration. Cette mesure a ainsi déclenché la prolifération de ce que l'on appelle « camps d'étrangers » dans l'ensemble de l'espace euro-méditerranéen. Cette notion de « camp », très controversée depuis 1945, peut être définie comme un « regroupement imposé et arbitraire de civils enfermés sans jugement en dehors du système pénitentiaire, visant à les isoler, les expulser, les rééduquer ou les faire travailler » (M Bernardot). Les individus qui y sont placés le sont en tant qu' « indésirables » et les conditions précaires dans lesquelles ils y subsistent suscitent de nombreux débats dans les démocraties libérales européennes.
Ces camps d'étrangers, en tant que regroupements forcés de populations, sont un phénomène propre à l'évolution de l'Etat du XXe siècle puisqu'ils sont formalisés pour la première fois en droit par les Anglais durant la guerre de Boers à partir de 1901. Cependant, ce moyen d'internement administratif ne s'inscrit-il pas dans l'histoire plus longue de l'Etat-nation moderne ?
[...] Ce débat renvoie alors aux principes de souveraineté de l'Etat puisque, tout d'abord, cette pratique se situe au cœur du processus de monopolisation de la violence légitime De même, reprenant la conception de Schmitt affirmant est souverain celui qui décide de l'état d'exception l'Etat invoque l'urgence de la situation face au phénomène de l'immigration et l'existence de circonstances exceptionnelles, soit la raison d'Etat. Les Etats européens, faisant de l'exception la règle par le biais des camps d'étrangers, ne remettent-ils pas en cause la victoire du droit sur la force propre à l'Etat de droit ? De plus, définissant un ennemi commun, l'étranger, ce mode d'internement ne constitueraient-ils pas, selon la conception de Schmitt, une preuve tangible de la construction à venir d'un véritable Etat européen ? [...]
[...] Ces camps d'étrangers, en tant que regroupements forcés de populations, sont un phénomène propre à l'évolution de l'Etat du XXe siècle puisqu'ils sont formalisés pour la première fois en droit par les Anglais durant la guerre de Boers à partir de 1901. Cependant, ce moyen d'internement administratif ne s'inscrit-il pas dans l'histoire plus longue de l'Etat-nation moderne ? L'introduction de la vie dans la sphère politique : une extension de la tutelle de l'Etat moderne ? L'article 1 de la Convention de Montevideo définissait l'Etat comme une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et une capacité à entrer en relation avec les autres Etats Cependant, à partir de 1977, M Foucault commence à concevoir la modernité comme le passage d'un Etat territorial à un Etat de population le pouvoir politique se transformant en gouvernement des hommes La politique deviendrait biopolitique la vie naturelle de l'homme étant progressivement intégrée dans les stratégies de l'Etat moderne qui prendrait désormais à sa charge la santé de la nation. [...]
[...] Les camps d'étrangers, un modèle de gestion de l'indésirable propre à l'évolution de l'Etat du XXe siècle ? Depuis les années 1990, la stratégie d' externalisation du contrôle des frontières de l'Union Européenne confère aux pays limitrophes de l'espace Schengen le rôle de stopper sur leurs territoires les candidats à l'immigration. Cette mesure a ainsi déclenché la prolifération de ce que l'on appelle camps d'étrangers dans l'ensemble de l'espace euro- méditerranéen. Cette notion de camp très controversée depuis 1945, peut être définie comme un regroupement imposé et arbitraire de civils enfermés sans jugement en dehors du système pénitentiaire, visant à les isoler, les expulser, les rééduquer ou les faire travailler Bernardot). [...]
[...] Ce problème de l'étranger dans la construction de l'unité politique se retrouve d'ailleurs dans l'histoire des Etats européens et notamment en Espagne durant la Reconquista. Dès 1449, à Tolède, on observe la mise en place d'enquête de pureté de sang afin de définir les chrétiens purs par rapport aux convertis, ce qui n'est pas sans rappeler le projet de loi voulant imposer des tests génétiques aux candidats à l'immigration en France. Des ghettos pour les juifs et les musulmans sont institués avant que ceux-ci soient exclus à partir de 1792. [...]
[...] Immigration : l'étranger, un danger pour l'Etat-nation ? De plus, comme l'énonçait P Legendre, l'Etat n'est pas uniquement un concept juridique, il serait en mesure de façonner la communauté en définissant notamment une unité nationale. Or, la naissance de l'homme lui conférant citoyenneté et souveraineté selon le jus soli ou le jus sanguinis, l'étranger immigré ou réfugié remettrait en cause ce lien entre naissance et nationalité fragilisant l'unité. De même, au XIXe siècle, l'essor de l'immigration liée à l'industrialisation déclenche une peur d'une dégénérescence de la nation par le mélange des sangs selon les mots d'Herder. [...]
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