Il faut partir d'un constat: le projet de la biopolitique est très largement inachevé chez Foucault. La biopolitique est exposée dans Il faut défendre la société et La Volonté de Savoir, en 1976, mais n'y est pas centrale: elle occupe une leçon, un chapitre, et devra être l'objet de développements ultérieurs. Ces développements ultérieurs seront limités, puisque, que ce soit dans Sécurité, territoire et population ou dans Naissance de la biopolitique, le problème est annoncé mais son développement limité.
Une première impression s'impose donc: la biopolitique reste une question embryonnaire, qui ne peut pas être exactement mise en parallèle à ce que Foucault pose comme son complémentaire, l'analyse sur l'anatomo-politique.
On pourrait s'en tenir à ce constat et considérer la biopolitique comme un problème relativement mineur chez Foucault et qui sera développé par d'autres; c'est-à-dire réduire cette absence à une contingence dépourvue de sens. On peut aussi la prendre sérieusement comme donnée du problème. Que la biopolitique soit chez Foucault un objet mal théorisé, dont le traitement est sans cesse annoncé et reculé, n'est pas un hasard, mais une situation à expliquer. Selon cette hypothèse, si l'on part de l'idée que la biopolitique marque quelque chose de plus général sur l'évolution de Foucault, on se retrouve alors face à deux possibilités.
Première possibilité: la biopolitique est un moment de crise théorique, auquel cas il faut chercher dans le biopolitique la cristallisation des contradictions entre l'avant et l'après biopolitique. Il y aurait deux théories successives et irréconciliables chez Foucault.
Deuxième possibilité: on ne considère non pas qu'il y a crise mais renouvellement dans le passage au dernier Foucault, de la gouvernementalité et de la subjectivation. Auquel cas, le travail de Foucault n'est pas nécessairement marqué par les contradictions; la biopolitique est simplement le moment où le manque progressivement créé par la conceptualisation du couple savoir/pouvoir – l'avant biopolitique – va être comblé par la gouvernementalité – l'après biopolitique – ce qui nécessite la reformulation de la biopolitique en d'autres termes. Il y aurait alors complémentarité entre divers aspects de Foucault, au prix d'un abandon de la biopolitique.
En tout cas, il apparaît que le problème de la biopolitique, c'est avant tout celui du sujet. Plus précisément, c'est le point d'intersection d'analyses débarrassées du sujet moderne, comme l'affirme L'Archéologie du savoir, ordonnées selon le couple savoir/pouvoir, et d'un nouveau problème, celui de la subjectivation, ouvert par l'idée de la gouvernementalité et étendue au gouvernement de soi. La biopolitique est alors, pour comprendre les productions de Foucault, un point d'attaque particulièrement fécond, puisqu'elle met en jeu ces deux ensembles relativement distincts, l'un déjà relativement systématisé, l'autre encore à venir.
J'essaierai donc de montrer comment la biopolitique est guidée par la question du sujet chez Foucault. Dans un premier temps, elle s'inscrit dans ce rejet du sujet, ce qui implique deux choses: 1 – A la place du sujet apparaissent des technologies de pouvoir, propres au biopolitique. 2 – S'il n'y a pas de sujet du biopolitique, mais des technologies du pouvoir, il n'y a pas non plus d'objet du biopolitique, mais des domaines d'exercice du pouvoir, constitués par un savoir : la population comme espèce vivante. Ainsi le travail de Foucault consiste à substituer à l'association sujet/objet politique le couple stratégies/lieu d'exercice du pouvoir.
Par la suite, si la biopolitique est un travail inachevé pour Foucault, c'est qu'en elle s'ouvre une problématique qui la dépasse, nommément la question de la gouvernementalité et de la subjectivation. Ce qui posera alors la question de l'autonomie face à la biopolitique, débouchant sur la question de la résistance, non pas dans le pouvoir, mais contre lui.
[...] La biopolitique s'occupe précisément de la population en tant qu'elle est vivante. Néanmoins, l'association des composants ne va pas de soi, les deux termes ayant chez Foucault des trajectoires séparées : la question de la vie est un fil qui ramène le problème de la biopolitique aux travaux antérieurs de Foucault : Les Mots et les choses notamment ; le problème de la population préfigure les développements ultérieurs sur la gouvernementalité. On se retrouve donc à la croisée des chemins : la vie peut être associée à la constitution de savoirs ; la population se rapporte à la gouvernementalité. [...]
[...] Ce qui posera alors la question de l'autonomie face à la biopolitique, débouchant sur la question de la résistance, non pas dans le pouvoir, mais contre lui. I Biopolitique et souveraineté : le problème du sujet Dans l'Archéologie du savoir, Foucault a écarté le sujet de l'étude des discours. Cette position se perpétue dans la Volonté de Savoir. Pour comprendre les discours sur la sexualité, Foucault délivre une analytique du pouvoir rejetant l'unité souveraine qui présidait jusqu'ici aux théories sur le pouvoir. L'espace ainsi libéré va être occupé par un ensemble de mécanismes de pouvoir rapports de force, affrontements, soutiens - constitués en stratégies. [...]
[...] En tout cas, il apparaît que le problème de la biopolitique, c'est avant tout celui du sujet.[1] Plus précisément, c'est le point d'intersection d'analyses débarrassées du sujet moderne, comme l'affirme L'Archéologie du savoir, ordonnées selon le couple savoir/pouvoir, et d'un nouveau problème, celui de la subjectivation, ouvert par l'idée de la gouvernementalité et étendue au gouvernement de soi. La biopolitique est alors, pour comprendre les productions de Foucault, un point d'attaque particulièrement fécond, puisqu'elle met en jeu ces deux ensembles relativement distincts, l'un déjà relativement systématisé, l'autre encore à venir. J'essaierai donc de montrer comment la biopolitique est guidée par la question du sujet chez Foucault. [...]
[...] La biopolitique prend donc la vie comme domaine d'exercice. En même temps, il ne s'agit pas de toute la vie, mais de la vie considérée comme population ; c'est pourquoi il faut considérer ce deuxième membre constitutif du domaine d'activité de la biopolitique, à savoir la population. La question de la population est beaucoup plus problématique que celle de la vie : La vie est un enjeu dont Foucault a traité préalablement à la biopolitique ; au contraire, la population émerge au sein de la biopolitique. [...]
[...] Gros, Michel Foucault, que sais-je PUF - H. Dreyfus, P. Rabinow, Michel Foucault, un parcours philosophique, Au- delà de l'objectivité et de la subjectivité, Gallimard H. Dreyfus, P. Rabinow, Michel Foucault, un parcours philosophique, Au- delà de l'objectivité et de la subjectivité, Gallimard Par exemple : Foucault, Il faut défendre la société, p.216, Hautes Etudes, Gallimard Seuil Ibid, p.225-6. Foucault, Sécurité, territoire et population, p.76 : définition de la population : ensemble d'éléments à l'intérieur duquel on peut repérer des constantes et des régularités jusque dans les accidents, à l'intérieur duquel on peut repérer l'universel du désir produisant régulièrement le bénéfice de tous, et à propos duquel on peut repérer un certain nombre de variables dont il est dépendant et qui sont susceptibles de le modifier. [...]
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