« Pour le peuple, les libertés locales sont à la liberté ce que les écoles sont à la science: elles lui apprennent à s'en servir ». Cette phrase de Tocqueville, extraite de la démocratie en Amérique, montre à quel point la nécessité de la décentralisation est ancrée dans les consciences depuis bien longtemps déjà.
Pourtant, la France est un pays de tradition jacobine depuis la Révolution française (à partir de la Convention montagnarde), tendance centralisatrice encore renforcée par l'Empire, qui fait des communes et départements de simples circonscriptions administratives, administrées par le maire et le préfet, tous deux nommés par le pouvoir central. Ce n'est que sous la IIIe République que ces deux entités redeviennent des collectivités donc les conseils sont élus (loi de 1871 pour les départements, 1884 pour les communes) mais les républicains se contentent de ce que l'on appellera par la suite une « semi-décentralisation », puisque l'exécutif départemental reste le préfet, agent de l'Etat, et que tous les actes des collectivités sont soumis à un contrôle d'opportunité a priori du représentant de l'Etat: c'est ce que l'on appelle la tutelle. Malgré l'inscription dans la Constitution de 1946, puis dans celle de 1958, du principe de libre administration des collectivités territoriales, cet état de fait ne change pas jusqu'aux lois Defferre de 1982-1983, qui reprennent une des 110 propositions du candidat François Mitterrand. Aujourd'hui, en 2008, cinq ans après que la deuxième phase de ce processus de décentralisation a été engagée sous le nom d'acte II par le premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le recul temporel semble suffisant pour dresser un premier bilan de ces deux phases. A ce titre, il semble clair que la décentralisation est globalement couronnée de succès bien qu'elle reste encore largement inaboutie.
[...] I Une décentralisation largement réussie A l'issue des phases I et II de la décentralisation, on peut faire le constat que les collectivités sont non seulement libérées mais aussi responsabilisées, et que l'Etat a dû se réformer sous l'impulsion décentralisatrice. Une libre administration effective Grâce aux principes affirmés par les réformes Les principes affirmés dans la loi en 1982 et dans la Constitution depuis 2003 sont d'abord des principes libérateurs pour les collectivités locales. On trouve en effet parmi ceux-ci la suppression de la tutelle qui permet à leurs actes d'être exécutoires sitôt leur réception par la préfecture, et de subir un simple contrôle de légalité a posteriori, à opposer avec l'ancien contrôle a priori. [...]
[...] En effet, l'expérimentation et le principe de subsidiarité permettent pour l'un que la collectivité déroge au droit commun pour expérimenter un nouveau dispositif, pour l'autre que les compétences transférées par l'Etat s'exercent au niveau le plus pertinent, qui n'est pas le même en fonction des territoires. Grâce aux moyens alloués aux collectivités La liberté sans les moyens de s'en servir ne serait rien, c'est pourquoi les réformes successives tendent à fournir les ressources humaines et financières nécessaires à l'exercice des compétences. La loi de 1984 crée donc la fonction publique territoriale adaptée aux besoins des collectivités puisqu'elle cumule le système de la carrière et une certaine souplesse de recrutement (obligatoire si l'on voulait tenir compte du principe de libre administration). [...]
[...] Mais ceci n'est pas le seul handicap de la démocratie locale. Une démocratie locale défaillante Le déficit démocratique de certains niveaux d'administration Certains niveaux d'administration souffrent d'un déficit démocratique que n'a pas amélioré la décentralisation. Le Conseil Général, bien qu'élu par moitié tous les trois ans, souffre d'un manque de visibilité lors des élections cantonales par ailleurs régulièrement boudées par les électeurs. Les EPCI ne sont pas élus au suffrage direct alors qu'ils exercent des compétences très importantes, mais aussi, et surtout que la plupart d'entre eux lèvent la Taxe Professionnelle Unique ce qui pose un problème au regard du principe de consentement à l'impôt affirmé par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. [...]
[...] Un principe a gouverné ces transferts: celui de transfert par bloc de compétence. Ceci a amené chaque niveau de collectivité à recevoir une vocation première: le développement économique pour les Régions, l'action sociale pour les départements et les services publics de proximité aux communes. Ce principe général, fixé en 1982 et repris dans la loi de 2004 liberté et responsabilité locales, n'a cependant pas empêché un certain saupoudrage de compétences avec entre autres les écoles attribuées aux communes, les collèges aux départements et les lycées aux régions. [...]
[...] En outre, JP Raffarin souhaitait introduire une initiative populaire ce qui a aussi été refusé par le Sénat. Dans les faits, les élus locaux utilisent très rarement le référendum et quand ils le font, c'est assez souvent un moyen de faire de la démagogie sur des sujets qui ne relèvent pas des compétences locales, ces référendums étant ensuite annulés par le juge administratif. Par exemple, un maire a fait voter ses administrés sur la politique d'immigration de l'Etat (il était Front National). [...]
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