Barbare et cité, voilà bien deux notions que tout semble opposer, la cité représentant l'organisation politique grecque par essence, alors que le barbare est justement la négation de tout ce qui est grec. Lorsqu'on s'essaie à un travail de définition plus approfondi le constat reste le même. La cité est pour les grecs l'unité politique de base à l'époque classique, elle est autonome (même si quelques alliances ont existées) et indépendante en théorie, puisqu'en pratique certaines cités notamment Athènes et Sparte se sont imposées aux autres. Elle se structure autour de ses citoyens qui détiennent le pouvoir politique de manière égalitaire, mais dont le nombre est assez réduit au regard du nombre d'habitants de la cité.
Les barbares représentent quant à eux, à la même époque, les peuples qui ne sont pas grecs, c'est à dire pour reprendre l'origine mythique du mot, ceux qui ne sont pas les descendants d'Hellen qui est considéré comme le premier grec. Hellen étant à l'origine des quatre peuples grecs, les Doriens, les Achéens, les Ioniens et les Eoliens. Outre cette origine mythique, le mot barbare est introduit vraisemblablement par Homère, qui dans l'lliade va créer l'adjectif « barbarophone » pour désigner le langage incompréhensible d'une peuplade asiatique alliée des grecs pendant la guerre de Troie. Ce critère linguistique va s'imposer et se développer progressivement à tous ceux qui ne parlent pas parfaitement le grec. Petit à petit le concept de civilisation grecque va émerger sous l'influence des philosophes et des poètes avec le courant hellénistique et le barbare va alors devenir tout simplement le non grec. Pour reprendre Montaigne dans les Essais, « chacun appelle la barbarie ce qui n'est pas de son usage ». Il faut noter toutefois que cette définition est ici bien différente de celle que l'on peut faire aujourd'hui, car le terme barbare est dépourvu du caractère péjoratif qui lui est donné de nos jours. Pour les grecs le terme barbare est un qualificatif et non un jugement de valeur.
L'époque classique grecque n'est bien évidemment pas la seule période où les notions de cité et de barbares peuvent être illustrées. Les romains utilisaient en effet eux aussi ces termes quoique dans un sens quelque peu dévoyé. Rome ne fonctionnant en effet pas vraiment comme une cité grecque et le mot barbare était employé de manière extrêmement négative. Cependant c'est bel et bien l'Antiquité grecque qui cristallise le mieux ces deux notions et les rapports qu'elles peuvent entretenir.
Il faut préciser qu'il est peu aisé d'étudier des objets de natures différentes, comme ici un peuple et un type d'organisation politique. Pour faciliter la comparaison et la mise en exergue de points d'études, il est plus commode d'opposer les barbares et les grecs, car ceux-ci personnifient la cité. Donc pour étudier la relation barbare-cité, il faut se pencher sur la relation barbare-grec.
Dire que ces notions sont antagonistes, ne signifie pas pour autant qu'elles n'ont pas de rapports entre elles. Il va donc être intéressant de se demander, comment les barbares considéraient la cité grecque et inversement comment la cité, et à travers elle les grecs, considérait les barbares ?
Cette question semble à priori très simple, puisque les relations entre des peuples dont les rapports sont presque exclusivement belliqueux, ne peuvent pas être très développées. On va s'apercevoir pourtant que ces relations peuvent être beaucoup plus compliquées et riches que prévues. En effet, malgré des modèles politiques radicalement opposés ( I ), barbares et grecs entretiennent une relation ambiguë oscillant entre dédains et admiration ( II ).
[...] Cette privation est incompréhensible pour les Grecs qui chérissent leur liberté. On trouve une illustration de cet argument dans la célèbre tragédie Les Perses d'Eschyle. Il nous propose en effet dans celle-ci une allégorie fameuse, celle des deux sœurs ennemies, l'une grecque, l'une barbare. Il décrit la première comme éprise de liberté et se rebellant contre la domination, alors que l'autre accepte sans broncher de se soumettre. À la suite d'Eschyle, le théâtre grec s'efforcera de montrer le combat entre grecs et barbares, comme un combat entre des institutions libertaires et dominatrices. [...]
[...] La position des barbares n'est cependant pas la même suivant la cité où ils se trouvent. On peut prendre ici l'exemple des deux cités emblématique de la Grèce antique, Athènes et Sparte, pour voir la disparité des situations des barbares en territoire grec. La première cité est bien plus tolérante à leur égard que la seconde. En effet même s'ils n'ont pas vraiment de droits, Athènes emploie parfois des barbares notamment pour la défense de la cité. Ainsi Aristophane dans Les Thesmophories, nous montre qu'a son époque, se sont des archers scythes qui assuraient la police dans la ville d'Athènes. [...]
[...] On retrouve également une influence barbare dans l'art grec. En effet, nombreuses sont les statuts représentant des barbares, ou les vases décorés à la façon perse ou égyptienne. De nombreux voyageurs grecs ont ainsi franchi le pas, et se sont dirigés vers les contrées barbares. C'est par exemple le cas de Xénophon, qui en disgrâce à Athènes, va s'exiler à la cour de Cyrus II, et finira même par combattre, à la tête d'autres mercenaires grecs, dans l'armée perse. Cette armée aillant toujours, par ailleurs, suscitée un profond respect chez les Grecs, qui vantaient sa bravoure et son courage. [...]
[...] Or être citoyen dans l'Antiquité grecque est réservé à une élite, dont les barbares ne font évidemment pas partie. En effet, seuls les hommes nés dans la cité peuvent avoir le rang de citoyen de celle-ci. Cela exclu par exemple les métèques, c'est-à-dire les grecs d'une autre ville, ou les femmes. Donc devant une telle rigueur on comprend aisément que les étrangers en soit exclus. Cette imperméabilité du corps politique aux étrangers peut sembler assez normale, c'est en effet le cas dans presque tous les pays à l'heure actuelle. [...]
[...] Pourtant c'est l'inverse qui va se produire, puisqu'on va découvrir chez beaucoup de grecs une attirance pour le monde barbare. Bien évidemment du coté barbare, il y a aussi une certaine admiration pour les grecs, c'est ce qui justifie en partie les tentatives de conquêtes, cependant celle-ci s'arrête à peu près là. Il n'y aura en effet que peu d'hellénisation des barbares, ou alors sur quelques individus seulement qui s'exileront alors en Grèce. Cette attirance qu'ont les grecs pour l'Orient barbare, est avant tout matérielle. En effet, les contrées barbares fascines par leurs richesses et leurs mystères. [...]
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