Avec 40,5 millions d'albums tous genres confondus et 383 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006 , la Bande Dessinée représente en France le troisième segment le plus important du marché du livre. Genre populaire, longtemps déprécié par les intellectuels, la Bande Dessinée a pourtant gagné depuis quelques années ses lettres de noblesse. Les genres se diversifient, les styles de narration et de graphisme évoluent, les publics se segmentent et s'élargissent, touchant toutes les générations et tous les milieux sociaux. Comme le précise Gilles Ratier dans son bilan 2006 pour ACBD , « la BD francophone européenne [est] devenue une industrie culturelle totalement mature ». Le terme « d'industrie culturelle » n'est pas innocent. Combiné aux chiffres précédemment cités, il illustre le fait que la Bande Dessinée est bien un média de masse, trop peu souvent considéré comme tel. En effet, la fonction essentielle qui lui est souvent attribuée est celle du divertissement.
Profitant du dynamisme du secteur, de nombreuses niches se sont développées, à l'instar des BD people, de la BD reportage et tout particulièrement de la BD dite politique. Bénéficiant du contexte de la campagne présidentielle, le genre de la BD politique a connu un essor remarquable durant la campagne, relayé par les médias. Mais que désigne-t-on par le terme de « BD politique » ? Nous la définirons comme toute BD tournant autour du sujet politique : l'histoire peut aussi bien être la biographie d'un personnage politique (La Face Karchée de Sarkozy), qu'une histoire visant à expliquer (Objectif Elysée) ou moquer (Vive la politique !) les ressorts de la vie politique, de façon fictive (Elysée République) ou basée sur des faits réels (Ségo, Papa, François et moi). Par ailleurs, il est important de noter que le terme de BD « politique » ne signifie nullement que la BD en question soit militante, ni même que le contenu soit politisé. Déterminer le caractère politique (politisé) ou non de ce type de BD fait partie du travail que nous nous proposons d'effectuer dans ce dossier.
Le développement de la BD politique est à la fois novateur et s'inscrit dans la logique historique du dessin de presse. Il rompt sans rompre avec la fonction traditionnelle de pur divertissement de la BD, usant d'un ton léger pour aborder des sujets souvent considérés comme rébarbatifs, dans le contexte particulièrement sensible de la campagne présidentielle.
La question qui se pose dès lors est de savoir si, en tant que médium de masse, la BD est appelée à jouer un rôle dans la formation des opinions politiques du public. Les études sociologiques sur la BD en général et la BD politique en particulier étant à peu près inexistantes, nous traiterons d'avantage de l'aspect production que de l'aspect réception. Ainsi, dans une première partie nous chercherons à savoir si la BD politique est pensée (objectifs des auteurs) et conçue (procédés narratifs) dans cette optique de contribution à la formation des opinions politiques. Dans une deuxième partie, nous nous interrogerons sur les atouts et les handicaps de la BD en général pour devenir un vecteur reconnu d'information politique, traitant à la fois des contraintes techniques et des perceptions du public, afin de déterminer si la BD politique est condamnée à demeurer un phénomène temporaire, ou si elle représente un élargissement durable du genre.
[...] Annexes Retranscription (partielle, faute de dictaphone) de l'entretien avec Richard Malka, scénariste de La Face Karchée de Sarkozy Question : Vous avez déjà précisé au cours de plusieurs interviews que le choix du support s'était porté sur la BD non seulement en raison de vos affinités personnelles ainsi que celles de vos collègues, mais aussi pour toucher un plus large public Pensez-vous que la BD puisse avoir un rôle à jouer dans ce domaine, à l'image des autres grands médias de masse (télé, radio, presse) ? Pensez-vous que la BD puisse contribuer à la formation d'opinions politiques ? [...]
[...] Les BD accusées d'entretenir le cliché du tous pourris sont-elles réellement vides de toute critique ? On peut suggérer que ces accusations relèvent de deux croyances sérieusement remises en question par les débats sociologiques sur les médias (et la pratique médiatique même) : la croyance que le lecteur reçoit l'information sans aucun filtre ni aucun recul par rapport à ce qu'il lit ; et la croyance que l'information politique, pour être de qualité, se doit d'être sérieuse. C'est donc en réalité tous les débats relatifs à la réception du message par l'individu, mais aussi et surtout à l'infotainement, qui sous-tendent la question de savoir si la BD peut avoir une fonction d'information politique ou non, et par conséquent aider le lecteur à se former une opinion. [...]
[...] Parmi les BD parues lors de la période électorale, certaines reprennent ce style, à l'instar de Ségolène ? (Pétillon, éditions Albin Michel) ou Présidentielles, Carnet de campagne de Charlie Hebdo, ou encore les croquis de Plantu sur la campagne. La BD enquête semble tout particulièrement s'inscrire dans la continuité du dessin de presse en introduisant une innovation radicale : ce ne sont plus les propos journalistiques qui expliquent l'image mais l'image qui explique les propos. Vu la popularité du dessin de presse et de la BD, on peut se demander s'il n'est pas dans la logique historique que ces deux genres finissent par se rejoindre, sans s'absorber totalement l'un l'autre : le dessin de presse n'est pas près de disparaître, même avec le développement de la BD politique, et cette dernière ne reprend pas forcément les codes du dessin de presse, elle s'approprie simplement le sujet (l'actualité politique) et l'approfondit de manière à l'adapter à son format. [...]
[...] Mais que désigne-t- on par le terme de BD politique ? Nous la définirons comme toute BD tournant autour du sujet politique : l'histoire peut aussi bien être la biographie d'un personnage politique (La Face Karchée de Sarkozy), qu'une histoire visant à expliquer (Objectif Elysée) ou moquer (Vive la politique les ressorts de la vie politique, de façon fictive (Elysée République) ou basée sur des faits réels (Ségo, Papa, François et moi). Par ailleurs, il est important de noter que le terme de BD politique ne signifie nullement que la BD en question soit militante, ni même que le contenu soit politisé. [...]
[...] Je pense à l'exemple de Choc Hebdo qui a couvert la campagne et publié 2 pages de BD par semaine sur ce thème : c'est un rythme très difficile à tenir et presque impossible à accélérer. Q : Pensez-vous que finalement, les politiques y trouvent leur compte ? Les gens de l'UMP ont beaucoup aimé la BD, notamment de Villepin. Sarkozy pas trop. Mais aucune contestation sur le fond n'a été soulevée. Les politiques sont amusés, en quelque sorte, c'est honorifique de se voir dédier un ouvrage. Il y a plusieurs niveaux de lecture, on y prend ce qu'on a envie. [...]
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