En 1858, ambassadeur d'Autriche à Paris, le comte Hubner déclarait à Napoléon III: "Chaque puissance a une base morale, un principe duquel elle ne peut s'écarter impunément. L'Autriche a pour principe le respect dû aux droits imprescriptibles des souverains et la non reconnaissance des prétentions des nationalités de s'établir en état politique." L'Empire d'Autriche est donc fondé sur la légitimité de la maison des Habsbourg qui le dirige et le domine depuis des siècles. Or, la seconde moitié du XIXe siècle marque, non seulement au sein de l'Empire mais aussi dans le reste de l'Europe, la naissance et l'épanouissement des sentiments nationalistes. Les unifications italiennes et allemandes au cours de cette période témoignent de ce phénomène et remodèlent la carte de l'Europe de la Sainte Alliance et du Congrès de Vienne. La question des nationalités va donc être au cœur du régime autrichien qui est une véritable « mosaïque de peuples », puisqu'il est possible de recenser plus d'une douzaine de nationalités différentes. Le Printemps des Peuples de 1848 a traversé l'Europe et n'a pas épargné l'Autriche. Le régime qui va diriger l'Autriche durant une vingtaine d'années, de 1848 à 1867, va donc être clairement réactionnaire. Les gouvernements Schwarzenberg, puis Bach, vont travailler à germaniser tous les peuples de la monarchie et à réformer le système. Mais le Diplôme du 20 octobre 1860, modifié par la Patente un an plus tard, vont décevoir toutes les attentes nationalistes. Les dirigeants ne parviendront jamais à faire taire l'agitation hongroise. Pour régler ce problème, l'empire autrichien va finalement accepter le compromis de 1867 et former une double monarchie. En effet, affaibli à l'extérieur de ses frontières par les défaites face aux Prussiens, l'empereur François-Joseph se doit de céder aux revendications internes du nationalisme hongrois : ce dualisme étatique tente de résoudre le problème des nationalités tout en maintenant l'autorité et l'unité de l'Empire.
Mais est-ce que cette réforme va suffire à régler le problème des nationalités, ou est-ce que le nouvel empire austro-hongrois va rester une « prison des peuples » ?
Nous verrons d'abord que le compromis de 1867 permet de régler le problème hongrois, puis nous constaterons que malgré cette réforme, les revendications nationales persistent. Enfin nous montrerons l'impossible réconciliation de l'empire avec ses minorités, minorités qui mèneront le régime à sa perte.
[...] En Cisleithanie tout d'abord, les Tchèques s'organisent et se montrent intransigeants au moins jusqu'en 1879. Le mouvement national des Sokols créé en 1862 (provenant de l'association gymnique Sokol, faucon) devint très important. En 1871 un compromis austro-tchèque fut amorcé, mais échoua en raison des positions maximalistes des indépendantistes tchèques. Après ce projet de trialisme, le mouvement se divise entre jeunes- Tchèques et vieux-Tchèques plus modérés. Le cabinet Taafe de 1879 négocia avec ces derniers et aboutit à l'égalité des langues dans la justice et l'administration de Prague, à la construction d'une université tchèque. [...]
[...] Bibliographie : - Jean Bérenger, L'Autriche Hongrie, 1815-1914, Paris, Armand Colin - Jean Bérenger, Histoire de l'Empire des Hasbourg, 1273-1918, Paris, Fayard - François Fejtö, Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie : requiem pour un empire défunt, Paris, Seuil - *Hübner (comte Joseph Alexander von), Neuf ans de souvenirs d'un ambassadeur d'Autriche à Paris sous le Second Empire 1851- vol. Paris, Plon, 1904. [...]
[...] L'Autriche-Hongrie est-elle une prison des peuples ? En 1858, ambassadeur d'Autriche à Paris, le comte Hübner* déclarait à Napoléon III : «Chaque puissance a une base morale, un principe duquel elle ne peut s'écarter impunément. L'Autriche a pour principe le respect dû aux droits imprescriptibles des souverains et la non-reconnaissance des prétentions des nationalités de s'établir en état politique.» L'empire d'Autriche est donc fondé sur la légitimité de la maison des Habsbourg qui le dirige et le domine depuis des siècles. [...]
[...] Cet accord va d'abord redessiner les frontières et créer un empire désormais divisé entre deux grandes entités territoriales : l'Autriche d'un côté, gardant sous son contrôle la Bohême, la Moravie, la Galicie, le Tyrol, l'Istrie et une partie de la Dalmatie constituant la Cisleithanie; de l'autre côté du fleuve (la Leitha), la Transleithanie regroupe, sous l'autorité hongroise, la Transylvanie roumaine, la Slovaquie, la Croatie et les parties occupées de la Serbie et de la Bosnie. Cet accord va ensuite redéfinir les institutions politiques en établissant une double monarchie, appelée encore régime dualiste. Les deux États, Autriche et Hongrie, sont égaux et regroupés au sein d'un Empire indivisible représenté par l'aigle à deux têtes. [...]
[...] Les Hongrois vont être satisfaits du compromis qui leur accorde une indépendance gouvernementale, tout en leur offrant la protection de la puissance autrichienne. À la suite de ce compromis, le pays va entrer dans une phase de relative libéralisation jusqu'en 1879 pour la partie autrichienne, libéralisation qui va se prolonger au-delà de cette date pour la partie hongroise. La presse va se développer et se libéraliser avec des journaux comme die Neue Freie Presse de 1864 ou das Neues Wiener Tagblatt (Le Nouveau Quotidien viennois) de 1867. [...]
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