Comme l'avait souligné TOCQUEVILLE à propos du ministère de Louis XVI et de Turgot, « le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est celui où il commence à se réformer ». L'autocratie russe, forme de gouvernement original instituée par Pierre le Grand (1689-1725) est la réunion de tous les pouvoirs entre les mains du tsar «empereur et souverain de toutes les Russie », chef de la religion orthodoxe. Ce pouvoir personnel centralisé est légitimé par les traditions et n'est encadré par aucun texte. Il repose essentiellement sur l'autorité morale du souverain, sur la force des croyances et des traditions et sur le lien qui se veut affectif entre le souverain et ses sujets.
A son arrivée au pouvoir en 1855, Alexandre II met en route une politique de réformes profondes du régime et du pays. Pourtant le régime reste fragile. Lorsqu'il aborde la première guerre mondiale, le « despotisme sans lumière » selon la formule de Jean Paul SCOT arrive au bout de sa course tant son retard et ses faiblesses sont exacerbées.
L'historiographie de cette période est source de virulents débats tant l'étude en est emprunte d'idéologie. Deux courants principaux s'affrontent. Selon l'historiographie libérale, la première guerre mondiale a perturbé la transition « classique » vers un régime parlementaire de droit. A cette thèse, s'oppose l'historiographie socialiste, selon laquelle l'autocratie russe s'était enfoncée dans un blocage sans issue.
Il convient d'étudier l'autocratie entre le début des grandes réformes d'Alexandre II en 1861 et jusqu'à la veille de la première guerre mondiale pour comprendre les raisons de sa chute.
Les structures de l'autocratie russe résiste-elle aux changements radicaux qui transforment la Russie à partir de 1861?
Dès la seconde moitié du XIXème siècle, les structures de l'autocratie russe était en crise (I). La libéralisation politique qui s'imposait a échoué (II). Mais l'industrialisation ayant entraîné des mutations sociales profondes, le fossé entre la société et le souverain s'est fatalement creusé (III).
[...] Un régime incapable de se libéraliser L'autocratie est un régime de fait, les réformes n'ont pu s'y implanter, car elles étaient réversibles. Ce fait est le frein majeur à la libéralisation et donc au réformisme : tout se fait au gré du tempérament du tsar, influencé par ses ministres. Les réformes ne pouvaient donc pas permettre le dynamisme indispensable à l'évolution du régime. La cause principale de ceci est que les réformes ont été faites à contre cœur, surtout sous Alexandre III et Nicolas II : elles étaient le moyen de calmer l'agitation populaire dans la crainte d'un attentat, ou d'une révolte. [...]
[...] Vladivostok est fondé en 1860. L'impérialisme s'exprime également dans les Balkans où la Russie veut s'imposer face aux puissances européennes. Les Russes se veulent les protecteurs des peuples frères qui sont slaves et orthodoxes. Cet impérialisme doit permettre une gloire extérieure qui crée une union sacrée des peuples russes autour de l'autocrate et donc de faire oublier les difficultés intérieures. Hélas, cette stratégie ne fonctionne plus : la défaite en Crimée et le traité de 1856 prouvent le recul de la Russie sur la scène internationale. [...]
[...] Les réformes, promesses de changement ? Les grandes réformes entreprises entre 1861 et 1874 doivent permettre une transition tout en conservant les piliers de l'Ancien régime : absolutisme politique et suprématie sociale de la noblesse. Le servage est aboli en 1861, c'est la fin de la grande anomalie sociale qui distingue la Russie de l'Europe. Vingt millions de serfs recouvrent leur liberté et sont dotés d'une parcelle de terre minimale pour éviter leur prolétarisation. En 1864 sont crées les zemstvos, des assemblées de gouvernement ou de district chargés de gérer certains services publics tels que l'hygiène, l'instruction ou le secours. [...]
[...] Pour l'autocratie, c'est le verdict des armes : elle doit se réformer pour subsister. L'autocratie russe sort durement ébranlée de ses épreuves : remise en cause à l'extérieur, la toute-puissance de l'autocratie peut désormais l'être également de l'intérieur. c. L'autocratie entre Orient et Occident : un équilibre de plus en plus instable A ces difficultés s'ajoute un débat profond qui divise la Russie. Le paradoxe russe est inscrit dans sa géographie, entre l'Asie et l'Europe, la Russie cherche son identité. [...]
[...] Nicolas II défend l'autocratie au nom d'un peuple idéalisé qui a cessé d'exister. Son aveuglement et son obstination condamnent l'autocratie. Conclusion La tragédie de l'autocratie russe est celle d'un pays qui cherche son identité : elle s'obstine à conserver une forme politique dépassée par dédain pour le modèle occidental tandis qu'elle emprunte la voie de l'industrialisation à l'européenne. À terme, cette contradiction est fatale. Cette impossible transition depuis l'ancien régime vers l'âge moderne est causée par la persistance des traditions, des croyances. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture