Les notions d'autochtonie et d'ethnicité sont complexes, problématiques et même polysémiques. Néanmoins, pour commencer, il convient de définir ces termes. Le terme d'autochtonie semble poser moins de problème que celui d'ethnicité. Un autochtone est originaire par voie ancestrale du pays qu'il habite.
Certes, on se rend bien compte des lacunes du telle définition, qui ne met pas en évidence un certain nombre d'enjeux importants relatifs à l'interaction entre une unité géographique (ou territoire) et des peuples. Par ailleurs, en réduisant l'autochtonie à une dimension ancestrale, cela semble créer un paradoxe avec l'idée de modernité. Comment dés lors, l'autochtonie pourraient-elle être un langage de la modernité. Il est difficile de relier le principe d'autochtonie avec des concepts politiques modernes si l'on conçoit l'autochtonie comme l'attachement à sa terre de naissance.
Il faut alors voir l'usage de ce terme et son opposition à l'allochtonie. En effet, l'autochtonie
est utilisée dorénavant et couramment par certains comme une stratégie dont le but avoué est d'obtenir le pouvoir. En l'opposant à l'allochtonie, on se rend bien compte des problèmes que peut poser la réaffirmation de ces valeurs. Par ailleurs, revendiquer une autochtonie, c'est revendiquer une identité qui va dans le sens inverse du mouvement de
mondialisation qui se développe ces dernières années.
C'est l'idée que développent en tout cas Jean-François Bayart, Peter Geschiere et Francis Nyamnjoh, dans un article intitulé Autochtonie, démocratie et citoyenneté en Afrique, paru dans Critique internationale en janvier 2001.
[...] Bayart, lui, considère l'éthnicité comme une forme d'identité parmi un grand nombre d'identités vécus. Lonsdale, dans un article de Politique africaine de mars 1996, intitulé «éthnicité morale et tribalisme politique», la définie «comme un fait social global, qui présente peut-être d'autant plus ce caractère que nous sommes dans une période de globalisation». Il y développe également l'idée que l'appartenance ethnique est un fait social universel, ainsi tout être humain crée sa culture à l'intérieur d‘une communauté qui se définit par opposition aux autres. [...]
[...] Pourtant, on ne peut pas non plus réduire l'autochtonie à un simple instrument pour obtenir le pouvoir. Pour Christian COULON (Les dynamiques de l'ethnicité en Afrique noire, dans Sociologie des nationalismes PUF, 1996), ce sentiment d'appartenance peut être le résultat d'une instrumentalisation, mais la croyance en ce sentiment n'en n'est pas moins possible que «parce que l'ethnicité est un langage compris par les acteurs. L'ethnie et l'ethnicité sont une construction historique ; c'est cette historicité de l'ethnicité qui permet d'expliquer sa saillance dans les sociétés africaines contemporaines». [...]
[...] On le sait, le colonisateur a surtout hiérarchisé ces races et éthnies en fonction de si elles lui étaient plutôt adaptées ou réfractaires. Bien sûr, la connotation péjorative de l'éthnicité que Otayek parmi d'autres, met en évidence est liée à cette période. Otayek justement défini l'ethnicité comme la conscience d'appartenir à un groupe humain différent des autres et de le revendiquer. Avec cette définition on est bien loin de la conception biologique de l'éthnie, et de son rapport étroit au lien du sang. [...]
[...] De la même manière, je cite : fractionnement ethnique égal, le degré d'importance de l'ethnicité peut être très variable selon les pays. L'identité n'est donc pas constituée des caractéristiques objectives innées de l'individu, mais au contraire des aspects de sa personnalité qu'il aura besoin, plaisir ou intérêt à mettre en avant dans un contexte donné. L'individu étant positionné dans des stratifications multiples, l'identité est une réalité multidimensionnelle et évolutive en fonction des moments de la vie de l'individu, de son histoire ou du contexte social, politique ou professionnel dans lequel il se trouve inséré. [...]
[...] Ce serait donc la réhabilitation des élections qui a nourri l'autochtonie en rendant cruciales des questions comme Qui peut voter où ? ou Qui peut se porter candidat ? Et où ? A ce sujet, Bayart, Geschiere et Nyamnjoh dans l'article déjà cité, développent cette argumentation en faisant référence au cas ivoirien. Car c'est précisément l'argumentaire utilisé par les tenants de l'«ivoirité» pour légitimer l'exclusion des «étrangers» du jeu électoral. En d'autres termes, ce qui était tolérable en régime de parti unique devient caduque dans un contexte de multipartisme. [...]
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