Le pouvoir dont dispose l'Assemblée de mettre en cause, par un vote, l'existence du gouvernement, constitue la caractéristique fondatrice du régime parlementaire. Celui-ci s'oppose au régime présidentiel, qui se reconnaît à l'irrévocabilité mutuelle entre exécutif et législatif, et dont les Etats-Unis fournissent le meilleur exemple. La responsabilité du gouvernement devant le Parlement était l'un des cinq principes énoncés par la loi du 3 juin 1958, qui s'imposèrent à la délégation et ainsi à la Constitution de la 5ème République. Celle-ci organise incontestablement un régime parlementaire puisque l'article 20 dispose que le Gouvernement est « responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 ». L'article 49 de la Constitution définit trois procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale qui, conformément à l'article 50, peuvent aboutir à la démission de celui-ci, remise par le Premier Ministre au Président de la République. La première procédure (article 49, alinéa 1) repose sur la seule initiative du Gouvernement, plus précisément de son Premier Ministre. La deuxième procédure (article 49, alinéa 2) repose sur l'initiative des députés. La mise en cause du Gouvernement peut enfin résulter de la conjugaison des deux initiatives : celle du Premier Ministre qui engage cette responsabilité devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte en discussion devant elle, suivie de celle des députés qui peuvent riposter par le dépôt d'une motion de censure ; on est alors dans le cas de l'article 49 alinéa 3, passé dans le langage courant comme « le 49.3 ». Le fait peut d'ailleurs étonner s'agissant d'un article de notre Constitution, généralement peut connue des non initiés. Quelle est donc la spécificité de cet article, son importance dans l'agencement institutionnel de la France et dans sa vie politique ? En quoi fait-il débat ?
La compréhension de la procédure en question apparaît comme un préalable nécessaire à une analyse plus poussée de son utilisation. Utilisation que l'on pourra peut-être qualifier d'abusive, en particulier confrontée à l'usage prévu à l'origine par les rédacteurs.
[...] Ils ont toujours choisi la première solution. Si certains ont vu dans cette procédure une forme de chantage, d'autres au contraire préfèrent interpréter son utilisation comme une preuve de la rectitude du gouvernement : celui-ci estime alors que le texte est capital à un point tel qu'il n'aurait pas de raison d'être si le texte n'était pas adopté. On l'aura compris : l'efficacité du procédé réside dans le fait qu'il permet de passer d'un vote sur un texte de loi qui nécessite la majorité des suffrages exprimés à un vote sur une motion de censure qui elle n'est acquise qu'à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée (289 voix). [...]
[...] Le comité présidé par le doyen Vedel avait conclu à la nécessité du maintien d'un article clé du système politique français. On peut ici mentionner la proposition de Guy Carcassonne : permettre à la majorité de l'Assemblée nationale de voter à une majorité qualifiée une motion préalable interdisant le recours à l'article 49 alinéa 3. L'opposition serait seule incapable de l'obtenir, mais utilisée avec parcimonie par la majorité, cette mesure permettrait d'exprimer au gouvernement que si l'Assemblée n'entend pas le renverser, elle n'accepte pas pour autant le texte, auquel elle est hostile et à propos duquel une poursuite des négociations est jugée indispensable. [...]
[...] (Carcassonne) De recours occasionnel et drastique qu'il était initialement, l'article 49.3 s'est rapidement transformé en une arme multifonctionnelle donnée à des premiers ministres qui semblent parfois abuser des facilités qu'elle leur offre. Le contexte a changé depuis 1958 et alors que cet instrument devait équilibrer les pouvoirs pour permettre l'affirmation de l'exécutif jadis faible, il est utilisé par un pouvoir fort. Lionel Jospin s'est refusé à l'utiliser mais seulement pour tomber dans un autre travers : pour surmonter les divisions occasionnelles de la gauche plurielle, il lui est arrivé de menacer de démissionner (sorte de retour aux procédés le la 4ème République). [...]
[...] D'où l'utilisation fréquente du texte avec un record pour Michel Rocard (23 fois sur 13 textes). Cette utilisation est conforme à la finalité initiale de la procédure : permettre à un gouvernement minoritaire c'est-à-dire ne disposant que d'une majorité relative à l'Assemblée, de gouverner en évitant la jonction des oppositions. Mais d'autres utilisations ont pu être faites : dans les six premières législatures, son utilisation est plutôt à l'encontre de la majorité. Elle permet de faire passer un texte alors que cette dernière n'y tient pas. [...]
[...] Extraordinaire artifice, diront beaucoup, qui consiste, dans le silence des députés, à considérer comme adopté un texte sur lequel n'est intervenu aucun vote. Un tel mécanisme apparaît d'autant plus contestable qu'il porte, le plus souvent, sur un choix essentiel, comme l'élection au suffrage universel du Parlement européen en 1976 ou plus récemment, la loi sur l'égalité des chances, plus particulièrement le Contrat Première Embauche. Ce mécanisme a pourtant sa raison d'être (ou du moins l'avait-il en 1958) lorsque les constituants cherchaient à éviter les défauts du régime de la 4ème République : il était alors habituel que les députés ne veuillent pas prendre la responsabilité de faire tomber le gouvernement mais qu'ils n'acceptent pas d'avantage de voter les textes jugés essentiel par celui- ci. [...]
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