L'analyse de la poétique (la création qui vise à imiter le réel) d'Aristote ne dégage pas un domaine spécifique qui serait celui de l'artiste. Mais depuis l'époque romantique, le crédit accordé à la création artistique est immense, car elle permettrait à l'homme d'exprimer ce qu'il porte en lui de plus noble (Kant, Critique de la faculté de juger). Aussi, depuis la fin du XVIIIe siècle, l'artiste se conçoit volontiers comme étranger au siècle.
Cette tension entre l'aspect individuel de la création artistique et l'aspect collectif de tout engagement politique explique l'ambiguïté des relations entre les artistes et les pouvoirs publics. Le prince oscille entre la volonté d'instrumentaliser la création artistique au service de sa gloire ou celle d'exercer un mécénat. L'artiste, lui, est partagé entre son souci d'agir en citoyen exprimant ses opinions, et la nécessité de préserver l'autonomie de sa création.
Les pouvoirs publics, s'ils se sont rangés à un certain libéralisme en matière de création artistique, mènent désormais essentiellement une politique visant essentiellement à démocratiser l'accès à la culture.
[...] Chatterton refuse un emploi de valet et se suicide. Vigny souhaitait ainsi attirer l'attention des pouvoirs publics. Animé par son génie, inspiré par son imagination, l'artiste, outre son moi social, est avant tout un “autre moi”. Le génie est un don personnel, une qualité attachée à un individu et rebelle à toute tentative de systématisation, comme l'écrit Kant. L'artiste doit rester aussi imperméable que possible à la société dans laquelle il s'insère, s'il veut donner libre cours à son génie. [...]
[...] C'est le constat dressé par Marc Fumaroli dans L'Etat culturel. Le Front Populaire se garda de heurter de front ses principes, même s'il afficha pour la 1è fois une volonté de populariser les activités culturelles. Jean Zay, ministre de l'éducation nationale et des beaux-arts fit ouvrir les collections du Louvre de nuit et organisa des visites guidées gratuites. C'est une volonté de démocratisation culturelle qui inspire la politique culturelle depuis l'après-guerre La constitution de 1946 dispose que Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture”. [...]
[...] Un autre risque est celui de la mauvaise conscience, que Lamartine cherche à conjurer dans ses odes politiques. La crédibilité de l'artiste est aussi menacée si le message politique qu'il véhicule parasite son travail esthétique Support de la mise en scène du pouvoir, l'art peut se trouver encouragé, instrumentalisé, voire subordonné à des impératifs politiques L'art permet d'immortaliser les hauts faits du prince mais également de mettre en scène les vertus d'un régime politique C'est l'homo faber et non l'homo laborans qui est capable de fournir un support à l'histoire des hommes. [...]
[...] Les régimes autoritaires cherchent parfois à favoriser un art officiel. L'institution du Salon de l'académie des beaux-arts, le salon officiel de Paris cristallisa au XIX cette opposition entre les artistes établis et subventionnés et l'avant-garde, impatiente et novatrice. En 1863 la colère des artistes contraignit Napoléon III à leur concéder une exposition dans une salle voisine de l'exposition officielle, le Salon des Refusés, où Manet exposa Le déjeuner sur l'herbe. Loin d'appeler de ses voeux, comme le philosophe, l'expulsion des artistes de la Cité, le pouvoir politique préfère au contraire encourager la démocratisation des activités artistiques, sans grand succès jusqu'à présent 2 Si le philosophe peut vouloir expulser l'artiste de la cité . [...]
[...] L'exécution de Maximilien de Manet (1867) illustre le désastre de l'expédition de Napoléon III au Mexique. Edouard Detaille dans Le rêve (1888) représente des conscrits en manoeuvre songeant à la future revanche sur l'Allemagne et constitue un manifeste en faveur du général Boulanger. L'engagement dans la vie publique n'est pas sans risques pour les artistes Le premier risque, sous les régimes autoritaires, est celui de la censure. Le personnage de Ratapoil de Honoré Daumier, qui caricaturait les bonapartistes militaristes, disparut des journaux après le coup d'État du 2 décembre 1852. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture