« Le temps des armes n'est pas celui des lois » a dit Plutarque. L'un des plus grands penseurs de l'Antiquité oppose dans cette phrase l'usage des armes à l'usage des lois, comme s'il en découlait deux ordres fondamentalement différents.
Mais pour les deux cas -armes ou lois- l'enjeu est de résoudre un conflit. Il existerait des sociétés qui règlent leurs conflits par l'usage des armes et d'autres qui règlent leurs conflits par l'instauration et l'application de lois. L'usage des armes a été organisé par l'homme au sein des armées, c'est-à-dire d'ensembles d'individus réunis sous un commandement militaire en vue d'opérations déterminées et au service d'un État. Une armée ne sert que les intérêts d'un État et dès lors qu'elle sert les intérêts d'une personne privée ou d'un groupe d'individus, on ne parle plus d'armée mais de simple milice privée. L'armée est l'un des éléments constitutifs de l'État et incarne, avec la police, la puissance publique dont il est le détenteur exclusif. Les États modernes se sont construits d'abord sur la conquête du monopole militaire avant de s'octroyer le monopole politique.
[...] C'est pourquoi Plutarque parle de temps des armes qui a été dépassé, grâce au processus de civilisation qui a permis l'avènement du temps des lois De sorte que nous nous trouvons face au paradoxe selon lequel l'armée protège une démocratie en même temps qu'elle menace ses idéaux, comme pour lui rappeler que l'homme malgré tous les progrès réalisés en terme d‘éducation et de civilisation, besoin d'être contraint et encadré. Face à un tel paradoxe, quel intérêt les démocraties ont-elles à maintenir leurs armées? [...]
[...] Pourtant, il faut noter que même en l'absence de guerres sur leur territoire, les démocraties conservent leurs armées. C'est une question intéressante dont nous nous préoccuperons. En outre, l'armée peut aussi menacer les principes démocratiques. Par exemple, l'état de siège qui existe dans toutes les démocraties consiste à mettre entre parenthèses les droits et libertés des individus pour que le pouvoir militaire assure pour un temps limité le pouvoir politique. On voit bien ici à quel point le lien entre armée et démocratie n'est pas naturel, ne va pas de soi et demeure sensible. [...]
[...] Mais alors que ce monopole est utilisé arbitrairement en régime autoritaire et totalitaire, il s'avère légal et légitime en démocratie, ce qui change fondamentalement les liens entre les armées et la démocratie. D'où les théories du contrat social. C'est parce que les citoyens démocratiques savent que sans puissance publique les lois n'ont pas de force sur les hommes et sont finalement réduites à de simples textes sans valeur, qu'ils ont accepté la menace de l'armée (et de la police mais la police n‘est que la petite sœur des armées, elle est venue beaucoup plus tard dans l‘histoire). [...]
[...] De sorte que le recours à la guerre est rare. Deux arguments donnent raison à cela: d'une part le coût colossal de la guerre pour les démocraties qui préfèrent investir dans l'éducation que dans la défense, d'autre part l'évolution des mentalités en démocratie qui fait que le recours à la guerre est de plus en plus insupportable et inacceptable pour les familles et l'opinion publique. Pour toutes ces raisons, les démocraties refusent de recourir à la guerre: citation du Président français Jacques Chirac, discours sur l‘intervention en Irak mars 2003: "S'affranchir de la légitimité des Nations unies, privilégier la force sur le droit, ce serait prendre une lourde responsabilité" on en revient à Plutarque, au temps des armes qui s'oppose au temps des lois Ainsi, selon les valeurs démocratiques, là où hier la guerre était le reflet du courage et de l'honneur, elle est aujourd'hui vécue comme ce qu'il reste de plus barbare chez l'homme. [...]
[...] Exemple de la Birmanie avec la junte militaire et de la Lybie avec le passé sanglant du Colonel Kadafi. Le danger est donc que la force supérieure des armes l'emporte sur celle des valeurs, comme cela a été le cas dans tous les régimes totalitaires qui ont soudoyé les démocraties (République de Weimar, Italie) en les transformant en totalitarisme au moyen de l'armée. Par définition, la démocratie est le régime du peuple qui a choisi volontairement de créer des lois qu'il est sensé respecter pour ne plus avoir à obéir à des hommes (Roi, dictateur, chef militaire C'est la grande thèse de Rousseau dans Du contrat social qui nous rappelle le génie de l'invention des lois. [...]
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