Si ce n'est « qu' » en octobre 1940 que l'antisémitisme est consacré, juridiquement, en France comme doctrine d'Etat, il est nécessaire de revenir succinctement sur les grandes phases de l'antisémitisme français, qui permettent de mieux appréhender le chemin vers un reniement absolu des valeurs républicaines et démocratiques, dont la France est pourtant historiquement l'initiatrice.
On pourrait très schématiquement considérer que du décret d'émancipation du 27 septembre 1791 « refusant tout aux Juifs comme nation mais leur accordant tout comme individus » (Clermont-Tonnerre) jusqu'aux débuts de la IIIe République, la situation des Juifs français suit la voie d'une intégration réussie, que la législation permet (Consistoire créé sous Napoléon, reconnaissance du culte juif en 1831, décret Crémieux de 1870 sur les Juifs algériens…) et qui se traduit notamment par une ascension sociale aussi bien dans les sphères politiques (Crémieux, Fould, Naquet) économiques (Rothschild) que musicales (Offenbach). L'antisémitisme bien qu'existant n'a alors qu'un écho faible traduit alors surtout des velléités anticapitalistes (Fourier, Proudhon). Les années 1880 voient pourtant une forte poussée antisémite - dans un contexte où se mêlent nationalisme, ressentiment des antirépublicains, anticapitalisme, antijudaïsme catholique, affaires politiques - qui culmine en décembre 1894 lorsque Dreyfus est condamné par le Conseil de guerre pour délivrance de renseignements à l'ennemi : un antisémitisme qui se veut doctrinal et nationaliste est fort présent chez certains intellectuels (Drumont, Maurras, Barrès) et de nombreuses couches de la société. Néanmoins l'issue favorable du procès ouvre une voie d'apaisement jusque dans les années 30. C'est dans un contexte de crise globale qu'un antisémitisme encore plus virulent réapparaît alors dans la presse (déchaînement contre Blum) et au niveau politique (législation restrictive du gouvernement Daladier à l'encontre des étrangers en 1938).
Cette brève évocation semble donc, sinon entièrement, du moins en partie, constituer la genèse des dérives de la France de Vichy et évacue d'emblée l'idée d'un pur hasard historique, qui occulterait plus d'un siècle et demi d'un antisémitisme, toujours présent, mais avec plus ou moins d'intensité.
Ce rappel fait, il convient à présent d'étudier la mise en place de l'antisémitisme d'Etat en distinguant deux périodes majeures correspondant d'une part aux différentes législations antisémites, de l'autre à l'application effective des mesures prises par les autorités françaises, en d'autres termes de l'étape législative à l'action policière.
[...] Néanmoins, l'issue favorable du procès ouvre une voie d'apaisement jusque dans les années 30. C'est dans un contexte de crise globale qu'un antisémitisme encore plus virulent réapparaît alors dans la presse (déchaînement contre Blum) et au niveau politique (législation restrictive du gouvernement Daladier à l'encontre des étrangers en 1938). Cette brève évocation semble donc, sinon entièrement, du moins en partie, constituer la genèse des dérives de la France de Vichy et évacue d'emblée l'idée d'un pur hasard historique, qui occulterait plus d'un siècle et demi d'un antisémitisme, toujours présent, mais avec plus ou moins d'intensité. [...]
[...] Le Commissariat est d'abord sous l'autorité de la vice- présidence du Conseil (Darlan) puis du ministère de l'Intérieur et enfin sous l'autorité directe du chef du gouvernement. Il a pour fonctions le recensement des Juifs, la délivrance de certificats d'aryanité, l'exécution des lois antijuives et le contrôle de l'Union générale des israélites de France (UGIF) créées en novembre 1941 et qui a pour objet d'assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics La loi du 2 juin 1941 qui constitue le second statut des juifs La loi du 21 juin 1941 "réglant les conditions d'admission des étudiants juifs dans les établissements d'enseignement supérieur" Les lois d'aryanisation économique : 22 juillet 1941 ("relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux juifs") novembre 1941 ("interdisant toute acquisition de fonds de commerce par les juifs sans autorisation") novembre 1941 "réglementant l'accès des juifs à la propriété foncière" La loi du 7 juin 1942, imposant le port de l'étoile Jaune pour les Juifs de plus de 6 ans La loi du 9 novembre 1942, sur l'interdiction de circulation hors du territoire La loi du 11 décembre 1942 "relative à l'apposition de la mention "juif" sur les titres d'identité délivrés aux israélites français et étrangers" Les décrets interdisant l'accès aux professions : 16 juillet 1941 (avocat et fonctions d'officier public ou ministériel) août 1941 (médecin) septembre 1941 (architecte) décembre 1941 (pharmacien, sage-femme) juin 1942 (dentiste) juin 1942 (artiste dramatique, cinématographique, lyrique). [...]
[...] Dans un tel contexte, le droit antisémite, en quête de vulgarisation, est consacré comme une branche parmi les autres du droit commun. Des débats ont ainsi lieu sur l'article 1 de la loi du 3 octobre 40 (définition de la qualité de Juif selon la race des grands- parents) ou sur l'expropriation des biens des juifs, des revues juridiques (Gazette du Palais, Semaine juridique, Revue du droit public) discutent du bien-fondé jurisprudentiel des décisions prises, des thèses sont consacrées à la situation des Juifs. [...]
[...] Le droit antisémite entre ainsi dans les mœurs avec les approches positivistes de juristes qui tentent d'expliquer les mesures prises à l'encontre des Juifs toujours avec un souci de neutralité et de modération, mais en occultant (volontairement la réalité de la situation. II L'application des mesures antisémites Dès la débâcle, de nombreux étrangers sont internés dans des camps aussi bien en zone Sud qu'en zone Nord : Risevaltes, Vernet, Rieucros, Argelès, Gurs, Beaune-la-Rolande, Pithiviers, Drancy. Avec la loi du 2 juin 1941, l'internement est requis pour tous les Juifs, étrangers ou non. [...]
[...] Les enfants qui ne remplissent ni les conditions d'âge (16 ans) ni de nationalité (étrangers ou apatrides) ne sont pas réclamés par les Allemands, mais l'Etat français propose de les ajouter aux convois, ce qu'accepte Berlin. Après un transit à Drancy, Pithiviers ou Beaune-la- Rolande, les déportés sont acheminés vers le camp d'Auschwitz. En zone libre (grandes rafles d'août 1942) et en zone occupée, des rafles ont lieu jusqu'en 1944 et se multiplient particulièrement après l'opération Attila l'invasion de la zone libre par l'Allemagne, le 11 novembre 1942, qui a pour effet d'inclure de plus en plus fréquemment la Gestapo au déroulement des rafles. [...]
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