Dans les années 1950, l'Amérique est à l'heure du consensus libéral national de Hartz. "Libéral" y est alors un terme assez flou et consensuel, correspondant à l'idée d'une liberté partagée par tous et qui transcende les clivages politiques : confiance dans les institutions, croyance en la constitution, en la propriété privée, en la liberté individuelle. Les principaux acquis du New Deal de Roosevelt sont bien ancrés aux États-Unis, et nombreux sont ceux qui adhèrent à ce modèle "social libéral" (par opposition à "libéral classique").
Apparaît alors, sous la plume de théoriciens comme Russel Kirk ou William F. Buckley Jr., une remise en cause forte de ce modèle libéral, une remise en cause conservatrice et traditionaliste, au travers d'écrits comme "The Conservative Mind", best-seller de Kirk publié en 1953, ou encore à travers la création de la célèbre National Review par Buckley en 1955. L'anticommunisme ambiant pousse ces auteurs à voire dans l'interventionnisme étatique un marxisme qui ne dit pas son nom, et à prôner un retour aux traditions, pour bien raviver dans les consciences l'idée que « la liberté et l'égalité sont incompatibles » (Frank Meyer).
[...] C'est l'occasion d'un deuxième renouveau conservateur, celui du néoconservatisme. C'est un mouvement intellectuel et universitaire initialement de gauche et trotskiste, provoqué par la désillusion à l'égard du libéralisme contemporaine. Ce sont des juifs new-yorkais qui constatent que la gauche américaine a perdu ses valeurs en devenant une gauche antinationale qui retourne les libertés américaines contre elle-même (protestation, désobéissance civique). Le contexte international a également une influence : évènements au Proche-Orient, l'attentat des JO à Munich, la guerre du Kippour, inquiétude du développement de la guerre froide. [...]
[...] Les néoconservateurs sont assiégés dans leurs propres universités par leurs propres étudiants. Les Affirmative Actions teintées d'égalitarisme, offrant un accès préférentiel à l'éducation et à l'emploi aux minorités défavorisées scandalisent profondément les néoconservateurs, qui y voient un flagrant déni de justice et un coin profond enfoncé dans les valeurs constitutives du libéralisme américain. Ces politiques encouragent selon eux l'oisiveté au nom de la lutte contre le chômage, aggravent les relations entre les groupes ethniques et désorganisent la société au titre d'une prétendue générosité d'une compassion d'une bienveillance Pour ces néoconservateurs, les Affirmative Actions n'offrent que le risque de figer les identités. [...]
[...] Le mouvement reçoit paradoxalement quelques soutiens politiques chez les Démocrates du Sud, refusant la mainmise fédérale sur les autorités locales, le tout dans un langage très affectif marqué de légalisme, d'accusations de viol aux intentions originelles des Pères fondateurs, etc. Le refus de ce Big Government s'illustre à travers la réaction au Brown v. Board of Education en 1954, décision accusée d'être anticonstitutionnelle, procommuniste . On voit apparaître un premier mouvement politique viable avec le sénateur Républicain Barry Goldwater, qui se présente à la présidence de 1964 face au démocrate Lyndon Johnson. [...]
[...] Convaincus de la valeur universelle du modèle démocratique américain, les néoconservateurs voient dans la politique internationale une mission quasi divine de prosélytisme démocratique, une mission civilisatrice qui se combine avec l'idée de puissance, afin d'établir une hégémonie américaine bienveillante. La sécurité mondiale ne peut être assurée que par un équilibre stratégique basé sur la suprématie militaire américaine. Ils possèdent une vision manichéenne d'un monde entre bien et mal, les Etats- Unis étant la force de bien par excellence ; ils prônent l'intransigeance face aux totalitarismes, et diffusent des idées très patriotiques et proaméricaines (héritage de la lutte contre la contre-culture antinationale). [...]
[...] Certains conservateurs se sentent ainsi obligés, dans leur critique du Welfare State, que la liberté et l'égalité sont incompatibles (Frank Meyer). En politique étrangère, l'American Conservatism dénonce l' incroyable négligence de l'administration démocrate vis-à-vis de l'URSS et des démocraties populaires. Il prône une impitoyable répression des communistes et de leurs compagnons de route tant sur le plan intérieur qu'extérieur, question de principe : on voit déjà les prémices de l'idée d'un monde libre face à la menace soviétique, thème que reprendront plus tard les néoconservateurs. [...]
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