« Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaines », ainsi Rosa Luxembourg (1871-1919) définissait-elle la servitude dans laquelle demeurent les masses qui ne s'insurgent pas contre les sociétés capitalistes et bourgeoises qui les exploitent.
Or, qui mieux que Rosa Luxembourg, d'origine polonaise mais naturalisée allemande, militante révolutionnaire fidèle à l'orthodoxie marxiste, fondatrice avec Karl Liebknecht de la Ligue Spartakus en 1918, peut décrire ce qu'est la lutte pour la liberté, elle qui séjourna de longs mois en prison, victime de ses opinions dissidentes notamment au sein du parti social démocrate allemand. Bien que prônant, dans la lignée de Marx, la nécessaire dictature du prolétariat, elle défend également les libertés essentielles des masses sans lesquelles toute révolution est impossible notamment dans son ouvrage « Réforme sociale ou Révolution? » en 1899.
Fondatrice du journal politique « Die Rote Fahne » (le Drapeau Rouge) qui expose les axes de la tactique politique du mouvement révolutionnaire spartakiste, elle apportera notamment son soutien à l'insurrection polonaise tout en s'opposant de manière virulente à toute idée d'indépendance et de droit des nations à l'autodétermination.
Elle observe de sa prison les évènements qui agitent la Russie en janvier 1905, suite au « Dimanche Rouge » illustration de la politique autoritaire et impérialiste du tsar Nicolas II, qui ordonna la répression sanglante de manifestants pacifistes réclamant de meilleures conditions de travail, la suppression de la censure et la création d'un parlement représentatif. Elle se montre notamment favorable à l'idée de grève générale, moyen de pression efficace sur l'Etat bourgeois (« Grève de masse, parti et syndicat » 1906).
[...] Enfin, selon elle, seule l'expression de la masse à travers la presse, les associations et les élections générales et libres peut permettre à la puissance créatrice, déjà à l'initiative de l'insurrection révolutionnaire, de s'épanouir. Il s'agit pour elle non pas d'un facteur de désordre mais bien d'un progrès qui se traduit tant sur le plan politique, économique que social et culturel. Contre la terreur de la masse que tend à instaurer la conception léniniste, elle défend une démocratie très large, sans la moindre limitation, l'opinion publique La spontanéité des masses est source de richesse intellectuelle. [...]
[...] Elle fait ainsi preuve d'audace, car très tôt Lénine a mis en minorité les tenants d'un socialisme démocratique et du marxisme évolutif au sein même du parti social- démocrate. Le bolchévisme tend globalement à considérer que la révolution n'est pas un phénomène spontané ou issu de l'histoire, mais une véritable tactique politique déclenchée à un moment déterminé. Lénine se plait à se présenter comme l'un des continuateurs de Marx, or il s'agit bien d'une réinterprétation de ses théories et pour certains auteurs, Lénine devrait davantage se revendiquer de Machiavel ou de Blanqui. [...]
[...] Elle rejette notamment l'adoption par le parti de deux mots d'ordre petit- bourgeois à savoir en premier lieu la distribution des terres aux paysans alors même que le but de la théorie de Marx est la collectivisation des biens et moyens de production, et en second lieu l'application du droit des nations à disposer d'elles mêmes Ces mesures risquent d'aboutir à la création d'une couche de propriétaires terriens et à reconstituer la bourgeoisie nationale russe. Elle critique d'autre part la dissolution de l'Assemblée constituante élue en décembre 1917 et dissoute par les gardes rouges le 19 janvier 1918. D'autre part, elle dénonce la dérive du gouvernement vers la constitution d'une élite d'intellectuels ne consultant ponctuellement la classe ouvrière que dans un objectif de plébiscite. Les prolétaires ne disposeraient plus que d'un droit d'approbation et non un droit de vote au sens plein du terme. Cela constitue un étouffement de la démocratie politique. [...]
[...] Or selon elle, la conséquence directe de la fin du pluralisme et d'un suffrage universel de façade, est une paralysie dans le pays, le retour à l'inertie bourgeoise et à l'exploitation du prolétariat. En effet, le musellement de l'opinion publique par la restriction des libertés politiques telles que la liberté de la presse ou la liberté d'association empêche tout renouvèlement et toute critique des orientations politiques et donc un épuisement des institutions publiques avec le spectre menaçant de la bureaucratie Ainsi, si elle estime que la dictature socialiste ( . [...]
[...] Ainsi nous démontrerons que Rosa Luxembourg critique d'une part l'application de mesures attentatoires à la démocratie et opère d'autre part une distinction entre deux conceptions distinctes du socialisme. La nécessaire initiative et autonomie du prolétariat dans les affaires politiques, véritable objectif de la Révolution russe Rosa Luxembourg se réclame des théories marxistes et notamment de l'idée exprimée dès 1848 dans le Manifeste du Parti Communiste selon laquelle l'Etat bourgeois doit être remplacé par l'organisation du prolétariat en classe dominante Ainsi, elle se montre favorable à une insurrection des masses face à l'Etat capitaliste tout en prônant le maintien des libertés politiques qui lui permettent d'exprimer sa créativité, source de progrès intellectuel et social . [...]
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