L'ampleur des mouvements de grève du printemps 2003 pourrait faire oublier l'évolution historique des conflits du travail qui est plutôt au déclin. Depuis 1791, date de l'avènement juridique du capitalisme en France (décret d'Allarde et loi Le Chapelier), de nombreux conflits ont éclaté dans le monde du travail. Ils étaient souvent violents, et encore plus violemment réprimés par l'armée ou la police. La grève (cessation collective et concertée du travail en vue d'obtenir la satisfaction de certaines revendications) n'est plus un délit depuis 1864. Le législateur a reconnu par cette décision que les salariés devaient disposer de ce droit afin de pouvoir faire pression sur les employeurs qui bénéficient de pouvoirs économiques importants. Il faudra cependant attendre 1946 pour que la grève devienne un droit constitutionnel, et 1950 pour qu'une loi interdise explicitement le licenciement pour fait de grève.
Progressivement, avec l'essor économique et de nombreux changements idéologiques et juridiques, et grâce à l'action collective, menée souvent par les syndicats, les conflits du travail se sont institutionnalisés. Un syndicat est une organisation (sans but lucratif) qui défend les intérêts matériels et moraux des travailleurs salariés. Après 1945, du fait du manque de confiance qui pèse sur le libéralisme économique et du contexte idéologique de la Libération (opinion publique favorable aux idées socialistes et communistes), les droits des travailleurs progressent.
Il est intéressant d'analyser l'évolution des conflits sociaux dans les pays développés, notamment en France. Les conflits du travail correspondent à l'expression d'antagonismes entre salariés et employeurs, principalement sur le partage de la valeur ajoutée, mais aussi sur les conditions qualitatives d'emploi et parfois sur le maintien de l'emploi lui-même. Ils se manifestent principalement par la grève. Les pays développés sont ceux qui ont connu depuis un siècle, voire deux, une révolution industrielle qui leur a permis de connaître une très forte élévation de leur niveau de vie et de nombreuses mutations sociales. Dans ces pays à économie de marché, les prix et les quantités sont fixés à court terme par le marché, et la propriété des moyens de production est essentiellement privée. Il s'agit donc de se demander : Quelles sont les causes de la transformation des conflits sociaux depuis une quarantaine d'années ? Quels constats peut-on en tirer aujourd'hui ?
[...] Mais il est resté une mauvaise conscience à réclamer une amélioration dans les conditions d'emploi alors que beaucoup de personnes sont sans emploi. Le chômage pèse donc lourdement sur les mentalités, à la fois sur la syndicalisation et sur la combativité. Les évolutions structurelles de la société entraînent la baisse du nombre de conflits du travail. En effet, la base démographique des syndicats diminue, l'individualisme et de nouvelles lois limitent le nombre des conflits. Selon le DARES, entre 1975 et 2005, le nombre de jours consacrés à faire la grève dans les entreprises a chuté considérablement, de 3049 jours entre 1975 et 1979 à 322 jours entre 2000 et 2005. [...]
[...] Nous trouvons ici une autre explication structurelle à la baisse du nombre de syndiqués et à celle du nombre de jours de grève. Des évolutions culturelles et juridiques évitent aussi les conflits (mais non les tensions). L'individualisme comme tendance au repli sur soi se développe. Dans le monde du travail, il traduit la perte de conscience de classe, c'est-à-dire le sentiment d'appartenir à un groupe qui a des intérêts communs et opposés à ceux d'autres groupes sociaux. Les stratégies patronales d'individualisation des statuts et des rémunérations renforcent cette tendance. [...]
[...] Autre différence, les formes d'actions des NMS font plutôt appel à des moyens non institutionnels : par exemple, des occupations de locaux (l'association Jeudi Noir), des grèves de la faim, des boycotts, des pétitions et des manifestations de toutes sortes (happenings, installations, marches toutes influant sur la sphère publique, de manière à sensibiliser le plus de gens possible à leurs causes, pour qu'ils puissent éventuellement eux aussi rejoindre le mouvement. Les NMS se caractérisent par une action plus politique que sociale, c'est-à-dire par des actions encadrées plus souvent contre l'Etat et les technocrates. En ce sens, ils se différencient des conflits traditionnels dont les adversaires (souvent le corps patronal) sont clairement définis. Outre le corps politique qui est souvent pris comme symbole de leurs adversaires, les NMS n'agissent pas dans l'opposition d'un groupe défini. [...]
[...] Les relations du travail se sont institutionnalisées et les conflits du travail, moins violents, ont favorisé le progrès social. Le contexte socio-économique a changé malgré tout depuis la rupture dans le rythme de croissance de 1974. Les conflits ont alors beaucoup perdu de leur efficacité. Depuis les années 1980, les conflits sont moins nombreux et plutôt défensifs. En effet, le chômage et la précarisation ainsi que d'autres évolutions sociales et culturelles pèsent sur le nombre de conflits. Les syndicats paraissent inefficaces contre le chômage. [...]
[...] Après une sensibilisation qui a permis la prise de conscience des états à ce sujet, s'en est suivi une vague générale de législation concernant le travail des enfants dans certains pays et des peines juridiques contre certaines marques. Dès lors, les NMS permettent aujourd'hui de faire modifier des lois, règlements ou décisions publiques, donc changent le fonctionnement et l'organisation de la société. L'évolution des conflits du travail en France depuis une trentaine d'années, qui laisse apparaître leur déclin quantitatif ainsi que des types de mobilisation nouveaux, est liée aux transformations des rapports sociaux et de la population active. [...]
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