Le 21 avril 2002, l'abstention atteint un pourcentage record pour une élection présidentielle sous la Vème République et s'élève à 27.63%. On peut naturellement penser que cette abstention, c'est-à-dire la non-participation à une élection, des citoyens inscrits sur les listes électorales, traduit le manque de politisation des citoyens, la politisation étant un élément du processus de socialisation de l'individu l'amenant à maîtriser et comprendre les codes, les normes, le conduisant à participer à la politique. Or, si le citoyen ne comprend pas les enjeux politiques, comment pourrait-il s'y intéresser ? Cela signifierait donc qu'avec la dépolitisation du citoyen, c'est son intérêt politique, c'est-à-dire l'attention qu'il porte sur le jeu politique et ses enjeux, qui faiblit également.
Pourtant, la participation politique, qui correspond à l'ensemble des pratiques et des manifestations d'intérêt politique reste paradoxalement forte en France, surtout la participation non conventionnelle : les manifestations, les grèves... Ainsi, on peut se questionner au sujet d'une réelle démission du citoyen.
Le citoyen français deviendrait-il « apathique », au sens de Pierre Brechon, c'est-à-dire non politisé et non participant ? Ou bien faut-il distinguer deux formes d'abstention, qui correspondraient à deux types d'électeurs bien différents ? Le score obtenu par le Front National au premier tour des élections présidentielles de 2002 a-t-il un lien avec le fort taux d'abstention ? En bref, l'abstention ne découle-t-elle que du faible intérêt que portent les Français à la politique ?
Si elle révèle bel et bien l'incapacité de certains citoyens à voter, en raison de leur incompétence politique, l'abstention est parfois utilisée par certains électeurs comme un outil d'expression d'une opinion, d'un mécontentement et s'agirait donc d'un boycott délibéré.
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Selon François Clanché, le taux de participation moyen, qui représente le rapport entre le nombre de scrutins auxquels les électeurs ont effectivement participé et le nombre de scrutins auxquels ils avaient la possibilité de participer, a globalement baissé de 5 points entre 1995 et 2002. Cela correspond à une augmentation de 6 points de l'abstention, par rapport au premier tour de l'élection présidentielle de 1995. C'est beaucoup, surtout si l'on prend en compte le fait qu'un citoyen majeur sur dix ne soit même pas inscrit sur les listes électorales (...)
[...] En bref, l'abstention ne découle-t-elle que du faible intérêt que portent les Français à la politique ? Si elle révèle bel et bien l'incapacité de certains citoyens à voter, en raison de leur incompétence politique, l'abstention est parfois utilisée par certains électeurs comme un outil d'expression d'une opinion, d'un mécontentement et s'agirait donc d'un boycott délibéré. I-Une abstention accrue, traduisant un manque d'intérêt et d'intégration politique A-Un citoyen apathique, hors du jeu politique Selon François Clanché, le taux de participation moyen, qui représente le rapport entre le nombre de scrutins auxquels les électeurs ont effectivement participé et le nombre de scrutins auxquels ils avaient la possibilité de participer, a globalement baissé de 5 points entre 1995 et 2002. [...]
[...] Le sentiment d'incompétence, alimenté par le faible intérêt politique et le manque d'intégration social, agit donc comme un cens caché (Daniel Gaxie). Le suffrage censitaire définissait comme seuls électeurs les citoyens qui payaient le cens, un impôt, et aujourd'hui, sur le même schéma, les électeurs les moins politisés intériorisent leur incompétence politique et s'auto-excluent du jeu politique. Si l'on ne tient pas compte des abstentionnistes systématiques, les abstentionnistes hors-jeu qui correspondaient à des électeurs en 1997, il reste des électeurs qui n'ont pas voté au premier tour des élections législatives de la même année S'abstenir : hors-jeu ou dans le jeu politique ? [...]
[...] Ces citoyens non politisés ne sont pas capables de se situer sur l'axe gauche-droite, ne se disant ni de gauche ni de droite Cette formulation particulière est à distinguer du centre qui correspond à une réelle place sur l'axe, là où n'être ni de gauche ni de droite montre le flou dans lequel le citoyen se trouve lorsqu'il s'agit de comprendre à quoi renvoient les labels idéologiques et les étiquettes partisanes c'est-à-dire la raison pour laquelle on place tel parti plutôt à gauche et tel parti plutôt à droite, en fonction de leurs propositions, des valeurs sous-entendues par les mots républicains ou national par exemple. Mais qui sont ces électeurs pour qui la vie politique devient de plus en plus abstraite ? [...]
[...] Présentent-ils un profit différent des abstentionnistes systématiques ? II- ou un boycott délibéré A-L'expression d'un mécontentement Anne Muxel, directrice de recherche au Cevipof, définit l'abstention comme un non-vote cela peut donc être vu comme un choix, celui de ne pas exprimer son avis, alors qu'un vote blanc ou nul est un non-choix c'est l'expression de son incapacité à choisir parmi les candidats. On constate tout d'abord une première forme d'abstention volontaire, liée à l'importance de l'enjeu de l'élection : Colette Bonin, par exemple, interviewée dans l'étude Cevipof et votante quasi systématique, ne s'est pas déplacée pour les élections de second ordre comme les élections cantonales ou régionales. [...]
[...] Mais, au cours des générations, le vote s'st individualisé car les ouvriers ont développé une ambition de réussite personnelle à cause de l'apparition du chômage : or la perte de sécurité professionnelle correspond à une perte d'intégration sociale. C'est pourquoi, étant peu politisée, une grande partie des ouvriers se retrouve aujourd'hui désemparée lorsqu'il faut faire un choix parmi une quinzaine de partis politiques. Parmi les électeurs exprimant peu souvent leur avis lors d'élections, voire qui s'abstiennent systématiquement, on a donc les personnes peu qualifiées et celles au chômage, mais il faut également prendre en compte les électeurs les plus âgés et les plus jeunes. [...]
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