Souvent présentée au travers des conceptions organiques ou volontaristes, l'idée de nation est victime d'une tendance essentialiste qui ne nous fait analyser ce concept qu'a posteriori, sans étudier le processus qui a pu mener à sa création, à son invention. Tout au plus sait-on qu'une congruence est établie entre la culture et la société politique. Force est pourtant de reconnaître au début du XXIe siècle que la nation est une réalité sociale récente, et qu'elle est donc bel et bien une construction historique, à laquelle il convient de donner un sens.
« C'est le nationalisme qui crée les nations et non pas le contraire » écrivait Ernest Gellner dans Nations et nationalisme. Cet énoncé, aussi paradoxal puisse-t-il sembler, est une clé pour la compréhension du processus menant à l'apparition des nations. Comme on le verra, bien que de premières formes de « protonationalismes » soient à l'origine des nations, leur éveil tient tout du rôle de l'Etat et du nationalisme.
L'analyse de ce processus ne serait toutefois rien sans la prise en compte des facteurs, des conditions qui l'ont permis. Deux démarches sociologiques, celles de Gellner et de Hobsbawm, se distinguent sur ce point, invoquant la modernisation politique de l'Etat ou les nécessités de l'âge industriel pour donner un sens à la création de la nation.
[...] Pourquoi a-t-on inventé la nation ? Quel est le sens de la création historique du vivre ensemble ? Souvent présentée au travers des conceptions organiques ou volontaristes, l'idée de nation est victime d'une tendance essentialiste qui ne nous fait analyser ce concept qu'a posteriori, sans étudier le processus qui a pu mener à sa création, à son invention. Tout au plus sait- on qu'une congruence est établie entre la culture et la société politique. Force est pourtant de reconnaître au début du XXIe siècle que la nation est une réalité sociale récente, et qu'elle est donc bel et bien une construction historique, à laquelle il convient de donner un sens. [...]
[...] Il semble alors que les cultures soient les dépositaires naturels de la légitimité politique (Gellner) La conscription est l'exemple d'un phénomène favorablement accepté grâce à la prégnance du sentiment national. Il est permet en même temps, de même que l'éducation, le renforcement de ce sentiment. La nation n'est une réalité sociale que lorsqu'elle est liée au concept d'Etat-nation Le concept d'une nation normative à l'égard d'une société présuppose l'existence d'un Etat souverain Imposer l'existence d'une nation, et a fortiori la supériorité d'une certaine culture nécessite un appareil étatique et en particulier un système éducatif efficace. [...]
[...] D'autre part, la référence qui est faite à une culture particulière est basée sur des modifications, des omissions voire des inventions. C'est ce qui permet à Benedict Anderson de parler au sujet de la nation de communauté imaginaire Contrairement à ce que les thèses essentialistes pourraient laisser croire, la nation n'existe pas par nature, de même que la culture sur laquelle elle est fondée est une création artificielle. La nation est le produit d'un besoin, d'une volonté issue de la standardisation culturelle L'invention de la nation reflète un besoin objectif d'homogénéité qui se reflète dans la nationalisme (E.Gellner) Toujours en raccordant langue et culture, Gellner renverse l'accusation faite au nationalisme d'appliquer le principe du cujus regio, ejus lingua Certaines aires culturelles, à même de diffuser efficacement leur culture (par l'existence d'une histoire riche, d'une classe intellectuelle compétente notamment), ont toujours attirées des populations rejetées. [...]
[...] C'est la confirmation du caractère construit de la nation, de son invention par l'homme. La nation ne naît pas d'un plébiscite ni par le réveil d'une communauté partageant un fonds culturel commun. Il existe certains facteurs qui sont à l'origine de l'invention de la nation, et qui s'ajoutent à la volonté et à la culture. Eric Hobsbawm et Ernest Gellner proposent deux analyses de ces facteurs qui permettent de comprendre le sens de cette construction de la nation. II. Les facteurs à l'origine de l'invention de la nation A. [...]
[...] Pour mener à bien cette tâche à l'échelle nationale l'Etat revendique avec succès, chez Gellner, le monopole de l'éducation légitime La place du système éducatif est fondamentale chez Gellner Selon lui, l'existence de celui-ci est aussi nécessaire que l'affirmation politique du groupe dans l'apparition d'une nation moderne. A la différence de la période prénationaliste, le processus de socialisation n'est plus l'œuvre de petits groupes mais d'un appareil éducatif spécialisé et centralisé. Celui-ci a pour mission de diffuser la haute culture choisie par l'Etat Dans la société industrielle, la division du travail nécessite une capacité à communiquer de la part des individus, qui forment désormais grâce à cette éducation commune une masse homogène et interchangeable. Cette haute culture est désormais le nouveau repère identitaire des citoyens. [...]
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