Discours de Jean Jaurès, Assemblée Nationale, 21 novembre 1893, dénonciation, classe ouvrière, programme jaurésien, socialisme réformiste, mouvement socialiste
« Le soleil lui-même a été jadis une nouveauté, et la terre fut une nouveauté, et l'homme fut une nouveauté ».
Voilà ce qu'affirme Jaurès, dans L'esprit du Socialisme, discours à la jeunesse, lui qui, très tôt, n'hésite pas à innover pour mettre fin aux maux de son temps.
Certes, il est bon de rappeler que le socialisme n'est pas nouveau en 1893, il était présent dès le milieu du 19ème, autour de deux courants principaux, un courant étatique voulant transformer la société par le haut, autour de Saint-Simon et de Louis Blanc, et un courant ouvriériste voire libertaire, autour de Fourrier, Cabet et Proudhon. Mais Jaurès lui donne une ampleur non encore atteinte, et une crédibilité exceptionnelle, en le faisant sortir de ses deux excès : l'utopie ou la violence.
La montée en puissance de la gauche socialiste commence en effet dès le début des années 1890, qui voient les socialistes prendre de plus en plus de responsabilités dans le pays. En 1893, ils sont, pour la première fois, trente-deux à accéder à l'Assemblée Nationale, ou la droite recule à moins d'une centaine et sièges et où, les radicaux, renforcés à 140 sièges, sont néanmoins privés de leur orateur phare, Clemenceau, qui vient d'être battu dans le Var.
C'est ce moment, le 21 novembre 1893, six mois à peine après les élections qui ont vues sa victoire en tant que député, que choisit Jaurès, ancien républicain opportuniste de 34 ans gagné aux idées socialistes, pour s'adresser à ses collègues députés et au président du conseil Dupuy, dont il conteste la politique et critique l'aveuglement. Connu pour ses talents d'orateur, il choisit naturellement le discours comme moyen de promouvoir l'émancipation sociale des ouvriers et à travers cela, un programme socialiste novateur.
Comment, dans ce discours, Jaurès parvient-il à donner une réponse aux maux de la classe ouvrière, et en quoi, malgré les divisions qu'il suscite, donne-t-il l'espoir d'un mouvement socialiste universel et organisé ?
[...] La gauche en effet est plurielle dans les années 1890. Le socialisme se détache de deux autres courants importants, que sont le radicalisme et l'anarchisme. Le socialisme et radicalisme sont pourtant très proches du point de vue des idées, dans la mesure où ils acceptent tous deux la révolution comme un bloc et veulent pousser les mesures démocratiques. Les radicaux se situaient même, quelques années seulement auparavant, sur la gauche de l'échiquier politique, à la droite duquel étaient placés les républicains opportunistes qu'ils jugeaient trop lents à mettre en œuvre les réformes. [...]
[...] Néanmoins, quand son leader et chef historique est assassiné, en juillet 1914, et malgré les réticences qu'il avait exprimées, elle accepte de faire front commun contre la violence, en rejoignant l'union sacrée. [...]
[...] Sur le plan économique en effet, ainsi que l'explique Jaurès, l'ouvrier est le sujet d'une monarchie absolue, ou au mieux d'une oligarchie. Le patron a tous les pouvoirs, y compris celui de renvoyer arbitrairement : Jaurès explique que l'ouvrier « peut être chassé de l'atelier », mais qu'il est aussi soumis aux aléas du marché contre lesquels il n'existe aucune protection et est fortement découragé de faire grève par la menace omniprésente de sanctions. Enfin, un impôt est exigé, héritage d'une « liste civile de plusieurs milliards pour rémunérer les oligarchies oisives ». [...]
[...] Gambetta affirme ainsi en 1872 qu' « il n'y a pas de remède social parce qu'il n'y a pas de question sociale ». Les républicains, modérés ou radicaux, comptent uniquement sur l'éducation et l'association pour permettre une élévation des niveaux de vie, en particulier de ceux des ouvriers. Quelques mesures en trompe l'œil sont certes adoptées, mais ce n'est selon Jaurès, qu'une façon supplémentaire d' « écraser les travailleurs ». La loi de 1884 autorise les syndicats, le livret ouvrier, outil de la subordination des travailleurs, est supprimé en 1890, et le travail des femmes et des enfants est règlementé à partir de 1892, mais ces mesures ne constituent qu' « une trêve », certes « honorable », mais capable de calmer seulement « momentanément la fermentation des haines ». [...]
[...] Le socialisme se veut un mouvement de masse, au contraire du radicalisme qui rassemble essentiellement des cadres influents. Il entend s'adresser au plus grand nombre et « s'ouvre à tous les métiers, aux plus misérables, à ceux qu'on appelaient disqualifiés ». Mais il faut aussi noter qu'à cette extension vers le bas s'ajoute un peu plus tard une extension vers le haut. Marx avait prédit la fin des classes moyennes, absorbées par l'une ou l'autre des deux autres classes, mais force est de constater qu'au contraire, une nouvelle classe a émergé, ni prolétaire, ni bourgeoise, mais constituée d'employés à qui les dirigeants vont aussi, peu à peu, s'adresser. [...]
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